Incidents et accidents à Montréal au XVIIIe siècle
Administrée de loin, en des temps où les communications entre Québec et Montréal étaient lentes et difficiles, la Ville dut éprouver maints inconvénients du manque d’autorité locale autonome. De simples incidents prenaient les proportions d’événements et mettaient tout Québec en émoi.
En 1704, une assemblée des habitants avait été convoquée pour protester contre les marchands qui vendaient le sel et autres marchandises d’importation à des prix exorbitants. Le ton violent de la délibération populaire, grossi par la rumeur qu’en portèrent les échos à Québec, fit croire à un commencement d’émeute.
Le gouverneur général, alarmé, vint, à Montréal, rendit aussitôt une ordonnance pour défendre les assemblées et les attroupements publics, et força l’un des marchands à restitution, mais ne porta aucune sanction contre les manifestants. Le roi l’accusa de mollesse, parce qu’on avait appris à la cour qu’il s’agissait d’un véritable soulèvement populaire.
M. de Ramezay et M. Vachon de Belmont, mieux renseignés sur le caractère réel de la manifestation, firent savoir à M. de Vaudreuil que les habitants de Montréal n’avaient pas voulu autre chose que d’attirer l’attention des gouvernants sur les abus des gens de commerce. Il n’y avait rien là de révolutionnaire (Ordonnances de Mé de Vaudreuil 12 décembre 1704. Archives de la Marine : Collection Moreau St-Méry. Vol. 6 folio 367).
Au mois de décembre 1714, grand émoi dans la ville, d’habitude paisible. Deux gentilshommes avaient eu querelle et Jean d’Aillebout d’Argenteuil avait tué Louis Hector de La Mollerie, enseigne dans les troupes de la marine. Tous deux étant militaires, le Conseil Supérieur ordonna aux tribunaux civils de Montréal de renvoyer l’affaire devant le conseil de guerre, présidé par e baron de Longueuil. D’Argenteuil, qui s’était enfui, fut déclaré contumace et condamné à avoir la tête tranchée. Son frère, Hector d’Aillebout de Coulonge, accusé de complicité, était, au moment du procès, en expédition chez les Renards et sa cause fut remise. Quelque temps après les deux frères étaient graciés par le roi.
Deux ans plus tard, un frère de La Mollerie était condamné à être décapité pour avoir tué d’un coup d’épée un nommé Fustel. Comme il y avait eu provocation, le Conseil de Québec gracia le coupable.
Les personnages en fonctions n’échappaient pas toujours à la sanction des lois. En 1719, un conseil de guerre avait condamné François-Marie Bouat, lieutenant général, à un mois de prison et à l’interdiction de sa charge. Bouat avait eu l’imprudence d’envoyer un canot de traite dans les pays d’en Haut, ce qui était défendu aux fonctionnaires publics. (Archives de la Marine: Collection Moreau St-Méry, vol. 8, folio 95).
Une seconde fois Montréal fut dévasté par l’incendie en 1721. Le 19 juin, pendant la procession du Saint-Sacrement, le feu se déclara dans la chapelle de l’Hôtel-Dieu et se propagea à plus de la moitié de la basse-ville. Cent vingt-six maisons furent consumées sur les rues Saint-Paul, Saint-Louis, Saint-Joseph et Saint-François-Xavier.
À la nouvelle de cette calamité, M. de Vaudreuil monta à Montréal. La grande détresse de la population, celle des Hospitalières en particulier, l’émurent profondément. Il manda à Mgr de Saint-Vallier et à l’intendant Bégon de le rejoindre sur le lieu du sinistre, pour aviser aux mesures à prendre pour réparer le désastre. (M.E.-Z. Masscotte: Antiquarian and Numismatic Journal, 1915, p. 51. Étude sur l’incendie de 1721).
L’intendant profita de son séjour à Montréal pour passer des règlements sur l’élargissement et l’alignement des rues et des trottoirs et la construction des maisons.
Par précaution pour l’avenir, il ordonna que les bâtiments seraient munis d’échelles et que l’on devrait dorénavant ramoner les cheminées une fois par mois.
En face des ruines accumulées, on eût pu croire que la canaillerie ne se montrerait pas. Cependant Bégon dut décréter que les effets sauvés de la destruction devaient être rendus à leurs propriétaires. D’ignobles individus prétendaient garder pour eux ces misérables restes des foyers en cendres.
Les religieuses de l’Hôtel-Dieu se retirèrent avec leurs malades à l’Hôpital Général des Frères Charron, en attendant la reconstruction de leur bâtiment, à laquelle le roi fut prié de contribuer d’une somme de 10 000 livres. En 1724, l’hôpital reconstruit recevait les Hospitalières et leurs patients.