Une effroyable conflagration
Un incendie qui s’est déclaré vers huit heures, hier soir, chez Saxe & sons, cause pour $2, 500,000, de pertes. – Jamais Montréal n’a encore été aussi terriblement éprouvé – L’incendie ravage la partie où le haut commerce de la métropole avait ses quartiers généraux
(toute la première page et la presque totalité de la page 11 de l’édition du 24 janvier du quotidien La Presse étaient consacrées à cette incendie aussi spectaculaire que désastreux, survenu la veille, le 23 janvier 1901).
Un incendie, le plus désastreux que nous ayons connu depuis les grandes conflagrations dont les anciens se rappellent et qui sont maintenant du domaine de l’histoire, s’est déclaré, hier soir, à 8.05 heures, dans l’établissement de MM. Saxe et fils, marchands tailleurs en gros, angle des rues Saint-Pierre et Lemoine. L’élément destructeur a causé des pertes estimées à deux millions et demi. Ce n’est que vers une heure, ce matin, que les flammes ont pu être maîtrisées.
La rangée d’édifices bornée par les rues St-Sacrement, St-Pierre, St-Paul et St-Nicolas, a été détruite de fond en comble. Dans ce bloc se trouvait la superbe bâtisse du Board of Trade, érigée en 1894, au coût de $605,000, terrain compris. À l’heure qu’il est, il n’en reste plus que les murs enfumés et couverts de glace. Sur la rue St-Pierre, depuis la rue Lemoine jusqu’à la rue St-Paul, tout a été consumé. Les flammes ont traversé la rue St-Paul et se sont frayé un passage, jusqu’à la rue des Commissaires (note de Granquebec.com : aujourd’hui, rue de la Commune).
* Saxe & sons
Grâce aux efforts de la brigade, l’imprimerie de MM. John Lovell and Son, sur la rue St-Nicolas et les constructions du côté nord de la rue St-Sacrement ont été sauvées. Ce feu fut extraordinairement difficile à combattre. À l’exception du Board of Trade, c’était tous de vieux édifices et la foule des curieux était énorme, ce qui rendait encore plus difficile le mouvement des pompiers.
Le feu s’est répandu avec une rapidité inouïe, aidé qu’il était par la nature inflammable des marchandises contenues dans les édifices incendiées. Ceux qui se trouvaient sur les lieux n’ont pu avoir une idée d’ensemble du spectacle, à la fois lugubre et grandiose, qu’offrait cette véritable conflagration, à cause de l’étroitesse des rues et de la hauteur des bâtisses dans cette partie centrale de la cité; mais le firmament était embrasé et de tous les points, même les plus reculés de la ville, on pouvait voir l’immense lueur qui illuminait le ciel et qui revêtait d’une teinte rose les épais nuages de fumée montant dans l’espace.

L’incendie qui a eu lieu, vendredi dernier, chez Thomas May, n’est rien à côté de celui-ci, qui a détruit des propriétés de prix sur une surface de plusieurs arpents. Heureusement, il ne ventait pas trop fort, et l’on doit en remercier la Providence; autrement, les maisons d’affaires de cette partie de la ville n’auraient pu échapper au désastre.
Le commencement de l’incendie de Saxe & sons
À 8.05 heures, l’alarme sonne à l’investisseur #415, coin des rues St-Pierre et St-Sacrement. Les capitaines Brière et Gordon arrivèrent sur les lieux. Les hommes des casernes #4 et 5 les accompagnent. En ce moment, le feu, qui se déclare chez MM. Saxe et Fils, avait déjà traversé la rue. En fait, il atteint le magasin de fantaisies, jouets, etc. de H. A. Nelson, Fils et Cie. Les flames y faisaient des ravages, réduisant tout en cendres sur son passage. Le drapeau qui flottait à mi-mur sur le Board of Trade disparu comme par enchantement, dévoré par les flammes.
De l’établissement Nelson, le feu parvint jusqu’à la rue St-Pierre, pénétra dans la bâtisse de la Beardmore Bating Co., puis chez Silverman, Boulter and Co., chapeliers et marchands de fourrures en gros, coin des rues St-Pierre et St-Paul.
De l’autre côté de la rue St-Pierre, le feu avait déjà détruit les édifices entre les rues Lemoine et St-Paul. Toute la rue St-Pierre ressemblait à une fournaise monstre, l’incendie faisant rage de chaque côté.
Aucun effort humain ne pouvait arrêter promptement l’élément destructeur.
Board of Trade
À neuf heures, les débris embrasés de la bâtisse Nelson commencèrent à pleuvoir sur la bâtisse du Board of Trade. Pendant plusieurs heures, des jets d’eau ont protégé les parties les plus exposées, mais n’ont pu empêcher le feu de se communiquer au coin sud-ouest du cinquième étage. Pendant dix minutes, les pompiers espérèrent que l’élément destructeur bornerait là son travail dans cette superbe bâtisse, mais graduellement il s’entendit peu à peu et bientôt la maison fut couverte de flammes.
Aussitôt que la chose fut possible, les pompiers ont placé une échelle. Par la suite ilsmontèrent avec des boyaux à incendie.
Des hommes de police placés aux portes ont empêché que les curieux et les rôdeurs n’allassent ou piller les bureaux, ou se faire asphyxier.
*
Malgré les efforts des pompiers, le feu faisait des progrès constants et bientôt consumait le cinquième et le quatrième plancher. Une noire fumée et une chaleur intense obligèrent les pompiers à descendre. Le Board of Trade devait périr. Les pompiers impuissants et une foule de curieux assistèrent alors à un spectacle terrifiant. Les flammes s’élevèrent à une hauteur extraordinaire. À minuit il ne restait de ce riche édifice qu’une portion des murs extérieurs : c’est une perte totale.
Note : L’édifice de la Bourse de Montréal – Board of Trade en anglais, comme on préférait dire à l’époque. Il logeait plus d’une centaine de locataires. Le feu détruisit également, outre l’établissement Saxe & Son à l’origine de la conflagration, plus d’une cinquantaine de commerces. Ils se situient le long des rues Saint-Paul, Saint-Pierre, Saint-Nicolas, Saint-Sacrement, Lemoine et des Commissaires (rue de la Commune).

Voir aussi :
- Mesures contre incendies
- Historique des incendies à Montréal
- Rue de la Commune (anciennement, rue des Commissaires)