Incendie de l’Hôpital des incurables
Une foule horrifiée assiste à la destruction de l’hôpital des incurables,
Des scènes pitoyables se déroulent au cours du transport des 400 malades et infirmes par la brigade aidée de citoyens. – Pertes d’un million,
De l’immense immeuble de l’Hôpital des incurables, hier encore majestueux, sur le boulevard Décarie, dans la division Notre-Dame-de-Grâce, il ne reste plus que quatre murs calcinés et chancelants qui, dans leur enceinte, cachent au passant au amas indescriptible de poutres enchevêtrées, tuyaux, débris de meubles, statues brisés, lits tordus et autres. L’incendie a accompli son œuvre de destruction et, de cette œuvre grandiose des Sœurs de la Providence, il ne reste plus que des ruines et un précieux souvenir du bien accompli.
Les vaillantes religieuses, si elles déplorent la perte d’un immeuble et ameublement estimé à près d’un million de piastres, ont, comme l’une d’elles nous le disait hier soir, au plus fort de l’incendie, l’immense consolation d’avoir sauvé tous leurs chers malades et infirmes.
On découvre l’incendie
C’est à 5.08 heures que l’incendie a été découvert par une malade, Mlle Ismaël, qui était à prendre son repas du soir, au troisième étage de l’immeuble principal. Elle vit des flammèches tomber dans le puits de l’ascenseur, qui se trouvait au centre de l’immeuble. Ne pouvant marcher, elle appela le chapelain de l’institution, le R.P. Laferrière. O.P., qui passait à ce moment et lui dit ce qu’elle venait de voir. Celui-ci courut à l’endroit indiqué et constata que les flammes avaient déjà certains progrès au sommet du puits. Après avoir prévenu les gardiens en charge des malades de cette section, il descendit en toute hâte sonner l’alarme à l’avertisseur privé de la maison, lequel se trouvait au rez-de-chaussée.
Au début de l’incendie, l’on ne crut pas d’abord qu’il dût prendre des proportions aussi grandes et finir par un désastre. Le personnel de l’Hôpital des incurables, religieuses, infirmières et employés divers de l’institution s’hâtèrent de transporter les malades du corps principal de l’édifice aux étages inférieurs de l’aile occupée par la communauté des religieuse, aile qui s’étendait en arrière.
De nouveaux dangers
Mais l’élément destructeur faisait des progrès si rapides que l’on se dit bientôt que tout ce vaste immeuble allait peut-être être complètement rasé par les flammes. Il fallut donc se précipiter avec plus de hâte encore pour mettre les malades en sûreté.
À ce moment, il n’y avait encore qu’un petit nombre de citoyens réunis près de l’hôpital. Ils n’hésitèrent pas un instant à prêter leur aide avec le plus grand dévouement pour le sauvetage des malheureux affligés.
Sur la neige froide
Le temps manquait d’abord pour transporter tous les incurables aux institutions environnantes, et il fallait songer avant tout à les arracher aux flammes. Les sauveteurs durent donc, avec le plus grand regret, déposer les malades qu’ils avaient été chercher à l’intérieur, sur la neige froide qui couvrait le sol. Il se trouva parfois que les malheureux ainsi déposés sur la froide surface étaient pieds nus. On les avait bien enveloppés de couvertures de laine. Mais en dépit des précautions les plus attentives des sauveteurs, ces couvertures se dérangèrent.
Des malades affolés
Et ce ne fut pas toujours facile de sauver les malheureux dont la vie était menacée par les flammes. La plupart ne pouvaient faire un pas, et il fallait très souvent, non pas leur aider à marcher, mais les transporter dans les bras. Le plus grand nombre des malades facilitaient autant que possible leur sauvetage, mais il en est d’autres qui étaient absolument affolés et qui résistaient aux efforts de leurs sauveteurs. Il s’ensuivit de pénibles scènes, où l’on vit les dévoués sauveteurs lutter contre ceux qu’ils arrachaient aux flammes, pour leur conserver la vie.
Triste spectacle
Cependant, sur les instances des autorités du monastère, et constatant que les flammes gagnaient continuellement du terrain, en dépit de l’héroïque travail de nos braves pompiers, les religieuses de la Providence firent transporter au monastère du Précieux-Sang une soixantaine de malades, la plupart des femmes, qui furent installés dans les salles, dans les chambres et un peu partout dans le cloître, où nous les avons retrouvés vers 7 heures.
C’était un spectacle à la fois triste et touchant que de voir toutes ses religieuses, habituellement si paisibles dans leur cloître et toutes à leur vie monastique, se dévoyer au soin des malades, consoler des personnes alarmées et inquiètes du sort d’un parent, d’un protégé.
Les pertes matérielles
Ce désastreux incendie entraîne des pertes matérielles. On les évalue à près d’un million de piastres, comprenant l’immeuble et son contenu. Ces pertes énormes ne se couvriront qu’en partie par des certificats dans différentes compagnies d’assurance.
Notes historiques
L`Hôpital des incurables est une institution qui date d’un peu plus de 25 années. L`œuvre proprement dite se fonde par deux demoiselles charitables, Mlles Généreux. Elles établirent une maison rue Saint-Hébert pour recevoir les incurables. Mais bientôt cette maison ne suffisait plus. On connaissait l’œuvre et on recourait à la charité et au dévouement de ces deux femmes. L’une mourut. Par la suite l’autre, ne pouvant continuer seule, remit l’œuvre entre les mains des Religieuses de la Providence.
Les religieuses décidèrent de donner à cet hôpital une plus grande ampleur. Cela afin de recevoir un plus grand nombre de malades. En 1901, elles achetaient l’immeuble qui vient d’être incendié. On l’avait construit en 1896, pour servir de monastère aux religieuses du Précieux-Sang.
L`Hôpital des incurables se situé au 5240, Chemin de la Côte-Saint-Luc.


(C’est arrivé le 15 mars 1923).