Quartier Côte-des-Neiges

Côte-des-Neiges : Un quartier en évolution
Par Georges Désilets

La Côte-des-Neiges! Que de souvenirs et d’images pour les diplômés de l’Université de Montréal, surtout à partir des années 1960 ! Vito, le Bouvillon, le Centre social, le cimetière, le Café-campus !

Pour Denise Bombardier, c’est l’effervescence politique, l’heure des grands changements et, chez certains étudiants dont elle a suivi la carrière de près par la suite, l’apprentissage d’un certain pouvoir. Le juge Lyse Lemieux (droit 1961), de la Cour supérieure, se souvient surtout des cours à l’Université, sa «vie» étudiante étant sérieusement entravée par les nombreux déplacements entre la maison et la salle de cours ou la bibliothèque.

Mais tandis que les étudiants se penchaient sur leurs livres, au-dessus des microscopes, qu’ils s’amusaient à la cafétéria ou discutaient chez Vito, les enfants du quartier comme Charles Boulay étaient occupés à tendre les collets pour attraper les lièvres sur la montagne, ou encore, chassaient le faisan derrière le cimetière. Les années 60, ce fut aussi la période existentialiste dont André Lacroix se souvient, avec le jazz, le col roulé noir, le scooter de marque Lambretta. Et pour les finissants de collèges classiques de province, le choix de l’Université ne se faisait-il pas en fonction de ce qu’en disaient les anciens ! C’étaient les cafés, les bars, les salles de danse et parfois la description d’un cours, le portrait d’un professeur, mais plus rarement…

Mais le quartier a bien changé. La rue Maplewood a cédé le pas au boulevard Édouard-Montpetit.

Cette fameuse rue Maplewood qui reliait l’Université et le Centre social au village de la Côte, bien avant que ne soient construites la résidence des filles (la tour des Vierges!) et cette espèce de long tunnel abritant un interminable tapis roulant! À l’époque, on était presque en plein bois, de ce côté de la montagne.

Les portes du pouvoir !

Le Centre social au début des années 60, c’est la grande époque du Quartier Latin, le journal étudiant. Des bureaux bien ordinaires, mais des rédacteurs alors fiers des appareils téléphoniques à « pitons » et des cinq lignes téléphoniques. En 1960, les étudiants d’avant-garde sont libéraux.

L’arrivée au pouvoir du gouvernement Lesage alimente les débats. Religion, nationalisme, les prêt-bourses, la politique… un Quartier Latin frondeur qui est lu dans les collèges classiques, les bibliothèques de l’Université et jusque dans les bureaux des gens du pouvoir.

« Nous voulons un recteur laïc», titre d’un article controversé de Jacques Girard qui deviendra Secrétaire de l’Université de Montréal et Sous-ministre au ministère de l’Éducation! On faisait alors beaucoup de politique.

L’A.G.E.U.M. était présidée par Bernard Landry, et le sera un peu plus tard par Pierre Marois. Au milieu des années 60, Claude Charron devient vice-président de l’U.G.E.Q. alors que Serge Joyal préside la F.A.G.E.C.C.Q.

Activités étudiantes

Un vent de révolution tranquille qui permet tout de même aux étudiants de s’occuper des «affaires sociales». Et à cette époque d’apprentissage du libéralisme, les danses du samedi soir représentent pour plusieurs la plus importante manifestation pratique des changements en cours. Pour les étudiants, la révolution tranquille se vivait souvent au son des «Platters».

Un ancien qui tient à garder l’anonymat rappelle avec un certain sourire l’époque où l’on commence à vendre de la bière au Centre social. Il n’a pas beaucoup d’argent mais a mis au point une technique astucieuse pour boire de la bière.

Le truc, c’est de porter un pantalon foncé et une chemise blanche, les manches roulées jusqu’au-dessus du coude. Lorsque les couples se lèvent pour danser, ce faux «waiter» s’affaire à nettoyer les tables, cherchant avant tout les verres pleins. Et dire que la bière ne valait que 50 cents la bouteille !

Coin Lacombe et Gatineau au cœur du village! Avant i960, on s’y sentait encore loin de Montréal. Le lien avec la grande ville était assuré par le tramway 29, dont le souvenir avive toujours la nostalgie des vieux résidents. Au début des années 60. il y avait encore de vieilles maisons de bois rue Gatineau.

Et l’été, les enfants du coin embouteillaient l’eau d’une source qui coulait sous l’école Notre-Dame-des-Neiges. À cause de la proximité de l’Oratoire, on prêtait facilement à cette eau des vertus miraculeuses lorsqu’on la vendait aux touristes,

À compter de 1962, le quartier se transforme rapidement. Les démolitions se multiplient aux quatre coins du village. Plusieurs le regrettent maintenant, mais a l’époque, ce «nettoyage» s’est fait sans que personne ne s’y oppose.

« Même les étudiants en architecture étalent influencés à ce moment-là par des images américaines de développement », confie l’architecte Jean-Claude Marsan de la Faculté d’aménagement de l’Université de Montréal.

Mais au milieu des nouvelles constructions en hauteur, il reste encore quelques bonnes vieilles maisons. Comme l’édifice qui abrite Le Bouvillon. Ce restaurant-bar ouvre ses portes en i960 dans les locaux de l’ancienne beurrerie Robert. Et il s’agrandit peu à peu pour bientôt occuper tout l’édifice, lorsque la Caisse populaire Notre-Dame-des-Neiges fait construire son propre building au milieu des années 60, Mais l’époque de la chasse au faisan tue à sa fin. On en est rendu à transporter son fusil dans une boite a guitare pour ne pas attirer l’attention en traversant la rue Decelles.

Jusqu’à ce que le Cafecampus devienne Ires populaire en 1967 I968, la vie étudiante est centrée sur les activités du Centre social de l’Université.

Les institutions du quartier

Au restaurant Chez Vito, la clientèle étudiante se fait maintenant de plus en plus rare. Le restaurant a d’ailleurs bien changé depuis son ouverture en i960. C’était alors un petit restaurant où les étudiants aimaient bien se rendre pour manger une pizza ou simplement discuter en dégustant un verre de «Brio», Mais dès 1963, le propriétaire Vito Vosilla décidait de transformer son entreprise «Il fallait choisir entre demeurer une petite «pizzeria» ou devenir un véritable restaurant italien. J’ai décidé qu’il valait mieux changer le restaurant et améliorer le menu», raconte Vito. Chez Vito devient rapidement un restaurant plus chic. Mais les étudiants devenus diplômés peuvent subir l’augmentation des prix et se rappeler avec nostalgie la pizza à 1,95S. Et tandis que les diplômés reviennent chez Vito, la clientèle étudiante se replie au Café-campus, le successeur du Centre social des années 60, Rue Gatineau, on trouve encore la bonne vieille petite épicerie du coin, avec le Marché Desaulles, établi depuis 1947. Le propriétaire, M. Yvon Desautels, estime que près de la moitié de sa clientèle est formée d’étudiants de l’Université.

Une clientèle qui aurait remarquablement amélioré ses habitudes alimentaires depuis vingt ans, d’affirmer M. Desautels, soit depuis l’instauration d’un système de prêts-bourses.

Marie, une anthropologue de 345 ans, est revenue habiter boulevard Édouard-Montpetit, après une longue absence du quartier.

La nostalgie des années 60, explique-t-elle simplement. Mais son appartement, à 250$ par mois, n’est plus accessible à l’étudiant moyen, à moins d’y créer une commune et d’accepter de se marcher sur les pieds. Depuis le temps où elle étudiait, les services universitaires se sont largement améliorés; clinique médicale, centre sportif, l’escalier roulant au lieu de monter la côte à pied… Mais ce qui est trop bien organisé ne donne pas toujours les meilleurs souvenirs. Et ce n’est tout de même pas l’Université qui va mettre sur pied un petit St-Germain-des-Prés autour de ses édifices !

parc jean brilliant
Le parc Jean-Brilliant, en face de l’Université de Montréal, en automne. Photo : © GrandQuebec.com.

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