Histoire d’un pseudo-guérisseur qui dit ignorer où se trouve le foie
Il ne connaît rien de l’acide urique et vend de l’huile de serpent à sonnettes
Alcide Campagna, boulevard LaSalle, 3366, à Verdun, n’y va pas par quatre chemins pour vendre ses produits. Accusé de pratique illégale de la médecine devant le juge C.-E. Guérin, qui a ajourné son jugement au 18 juin 1940, seul témoin appelé par Maître Lionel A. Ross à s’expliquer, en défense, il jura ne jamais avoir vu les deux jeunes investigatrices du Collège des Médecins, qui seraient allées à son domicile le 7 avril, à 6 heures du soir, pour acheter des remèdes capables de « dégorger » le foie et « amortir un rhumatisme articulaire désespérant.
Campagne jura qu’il ne savait pas de quel côté était le foie (foi de reporter), qu’il n’avait pas confiance aux remèdes brevetés, qu’il ignorait l’existence de l’acide urique et qu’il vendait, sans plus, les produits de la maison Campagne, de Québec.
Maître Ariste Brossard, avocat de la poursuite, produisit une pièce intéressante, pour prouver les entreprises de l’inculpé à la barre. C’est une circulaire annonçant quatre spécialités. Tout d’abord nous y trouvons un purificateur de du sang, composé de 8 herbes sauvages pour le foie, les intestins, la digestion, la constipation, (concentration d’effets), et le nettoyage des organes. Campagne vend aussi la fameuse huile de vipère qu’il qualifie de « serpent à sonnettes ». Cette huile, qui n’a rien de commun avec l’huile célèbre de M. Pierre Desrosiers, ne doit pas être absorbée. On doit gentiment, artistiquement frotter « pour l’extérieur ». Elle guérit le rhumatisme, le lumbago, le poing, (au texte sur la copie devant nous), elle sert de friction pour le cœur, et devient précieuse lorsqu’il s’agit de la « respiration à l’huile » , sans livrets de rationnement, bien entendu.
L’inculpé vend en plus fameux désinfectant pour punaises, coquerelles, mites, mouches, araignées et « toutes » insectes en général. La dernière spécialité annoncée est « le plus beau composé de crème pour les métaux en général, tels que poêles,, argenterie et cuivre ». « C’est une spécialité pour tentures et plafonds et le lavage du linge ».
Maître Ross plaida qu’il n’était pas illégal de vendre à titre d’agent, comme le font aujourd’hui presque tous les pharmaciens de la métropole, avec un tas de produits ultra-modernes. À un moment Maître Rosse demande à son client :
- De quel côté est votre foie ?
- Je l’ignore.
- Vous n’avez pas conseillé à l’une des femmes de surveiller son acide urique?
- Je ne connais pas ça, l’acide urique. Moi, je déteste les remèdes « patentés ». J’ai mon médecin de famille et je vends les produits de la maison Campagna, à raison de 5 p.c. De commission, afin d’augmenter mon maigre salaire et élever honorablement ma nombreuse famille.
Le juge Guérin décide de rappeler les deux enquêteuses de la boîte des témoins et demande au prévenu :
- Regardez-les bien. Jurez-vous qu’elles ne sont jamais allées chez-vous ?
- Je jure ne jamais avoir vu ces deux femmes.
Maître Ariste Brossard dans un court réquisitoire maintient que le délit a été prouvé et demande une condamnation. C’est alors que le tribunal décide de prendre le tout en délibéré.
Herboriste condamné
John Tapp, l’herboriste de la rue St-Denis, avec son penseur de ciment attablé dans un parterre, accusé de pratique illégale de la médecine, a été condamné, en fin de semaine à une amende de $200, aux frais ou à défaut à une peine de prison de 60 jours, après avoir été déclaré coupable par le juge Armand Cloutier. Ce tribunal adopte la jurisprudence établie par le juge en chef Gustave Perrault relativement à la récidive et l’explique dans un jugement élaboré de 15 pages. Maître Ariste Brossard représentait le Collège des Médecins de la province de Québec.
(Cette nouvelle date du 15 juin 1942).
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