Embâcles

La crainte des embâcles ne date pas d’hier

Le dernier très grand embâcle sur le Saint-Laurent en amont de Sorel et les craintes d’inondation en plein hiver remontent à la fin du XXe siècle. Mais il fut un temps où ce que l’on appelle les champs de glace s’étendaient à chaque année du pont de Québec à l’ancienne métropole du Canada. Les grands embâcles se formaient à plusieurs endroits le long du fleuve.

Et Montréal se trempait les pieds dans l’eau à chaque fois.

« La glace arrivait ici brisée par les Rapides de Lachine et s’empilait à chaque hiver en amont du Lac Saint-Pierre, mais aussi au Pied-du-Courant et à d’autres endroits.

Il y avait des inondations au printemps, avec le réchauffement des températures et le début de la crue. Mais il y avait aussi des inondations d’hiver. Au XIXe siècle, le vieux Montréal était inondé jusqu’à la rue Saint-Paul.

Le premier habitant français de Montréal s’est vite aperçu de cette particularité de son nouveau domicile. En effet, durant son premier hiver sur l’île de Montréal, Paul de Maisonneuve a vu l’eau monter jusqu’au seuil de la porte du Fort Ville-Marie. En 1654, l’inondation d’hiver a eu lieu en janvier. Le registre des sépultures indique qu’on avait dû enterrer un mort dans le jardin, le cimetière étant submergé.

La grande inondation de 1866 a été un record. On peut encore voir la marque de l’eau sur le mur de l’Édifice Allen, le siège social de la Société du Vieux-Port, au 333, rue de la Commune Ouest. L’eau est montée à 9,7 mètres au dessus du niveau normal actuel du fleuve.

Les glaces qui s’amoncelaient devant le port étaient aussi un problème, eau ou pas eau. On a donc bâti un mur le long de la rue de la Commune, pour empêcher les glaces de monter jusqu’aux maisons, commerces et entrepôts.

Les Montréalais d’alors aimaient le Saint-Laurent autant que ceux d’aujourd’hui, mais ils ont fini par en avoir jusque là des inondations. Divers ouvrages ont été entrepris pour contrer la montée des eaux.

La jetée de la Cité du Havre, complétée en 1899, a fait dévier vers l’aval la glace qui arrivait jadis des Rapides de Lachine. Puis, en 1901, on a construit le grand Mur de la crue, tout le long de la rive. C’était un ouvrage impressionnant, avec de larges ouvertures devant chaque grande rue menant au port.

À l’automne, on fermait ces passages aux moyens de grands madriers, qu’on calfeutrait avec de l’étoupe, comme les planches d’un bateau. Cela protégeait la ville de la montée des eaux provoquée par les embâcles d’hiver et la crue printanière.

Le Mur de la crue avait été monté à 22 pouces au-dessus du niveau de la grande inondation de 1886. On peut encore apercevoir quelques restes du Mur de la crue le long de la rue de la Commune, entre Berri et le Marché Bonsecours, ainsi qu’entre McGill et le pont de la rue Mill.

Le problème a été réglé à sa source à partir de 1962, lorsque les brise-glace ont commencé à s’attaquer aux embâcles. En 1964, le fleuve est resté ouvert à la navigation durant tout l’hiver, grâce à l’estacade construit pour protéger les îles de l’Expo-67, ce qui a marqué la fin de l’hibernation annuelle du Port de Montréal.

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Embâcle sur le fleuve Saint-Laurent à Montréal en 1890.. Source : Gravure par F. Méaulle, 1890. Illustration libre de droits et gratuite pour une utilisation dans un contexte éducatif.

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