Éclairage des rues

Éclairage des rues de Montréal

En 1818, les rues de Montréal étaient éclairées par des fanaux illumines avec une huile nauséabonde.

Dans les archives de ‘Hôtel de Ville, on voit que samedi, le 11 avril 1818, la cour des sessions spéciales de la paix (l’édilité) présidée par l’honorable Chartier de Lotbinière, avait résolu qu’un comité composé de MM. Thomas McCord, Lois Guy, François Rolland, Étienne Saint-Dizier et Jean-P. Leprohon serait chargé de préparer un estimé des dépenses probables des lampes nécessaires à l’éclairage de la ville. Avant cette époque, les lampes posées et entretenues par des particuliers.

Le comité présenta à la séance suivante de la Cour, le 18 avril 1818, l’état qu’on lui avait demandé.

Voici l’estimé présenté aux magistrats :

  • 375 gallons d’huile pour 12 mois à 0,36 livre : 86,20 livres ;
  • Faire et fixer 100 lampes à 30 chelins chacune : 150, 00 livres ;
  • Échelles, coton, savon : 12,00 ;
  • Deux hommes pour allumer et nettoyer les lampes à 30 chelins par mois : 36 livres.

Total : 266, 20 livres.

Le rapport fut adopté et le premier système d’éclairage municipal entra peu de temps après en opération à Montréal.

Le premier entrepreneur du département de l’éclairage fut un nommé Joseph Carmel qui devait fournir l’huile de baleine, de loup-marin ou de morue de première qualité à raison de quatre chelins et demi par gallon, le savon à 15 sous par livre et la mèche, importée d’Angleterre, 5 chelins par livre.

Le faubourg Saint-Laurent n’eut des lampes qu’en 1820, et la rue Saint-Antoine n’en eut qu’en 1826.

Le 27 mars 1837, M. albert Furniss, secrétaire de la première compagnie du gaz à Montréal, fait aux édiles la proposition d’éclairer les rues au gaz. L’année suivante, on commence à poser dans les rues des réverbères à gaz. La première compagnie du gaz construisit son usine en 1836, au coin de la rue Sainte-Marie et Parthenais, là où sont aujourd’hui les ruines de l’ancienne manufacture de verre. Le coût du bâtiment était de 15 mille livres. Le projet d’une compagnie de gaz avait été lancé dans le public par M. Armstrong. Les principaux actionnaires de la première compagnie étaient MM. A Furniss et John Ostell.

C’est le 23 novembre 1837 qu’on allume pour la première fois le gaz dans quelques magasins de Montréal. L’expérience eut un succès de peu de durée, car les ingénieurs avaient fait leurs calculs sans compter la rigueur des hivers montréalais. Ainsi il fallut faire subir des modifications considérables au plan de l’ingénieur avant qu’il fut praticable à Montréal.

Avant 1897, les Montréalais payaient cinq dollars par mille pieds cubes de gaz. La nouvelle compagnie de gaz est constituée légalement en 1897, mais elle se fusionne avec l’ancienne peu de temps après. Après la fusion des compagnies le prix fut diminué de moitié.

Dans les maisons on s’éclairait avec des lampes ou avec des chandelles de suif à l’eau ou des chandelles moulées, importées d’Angleterre. La bougie, la chandelle de blanc de baleine et l’huile d’olive ne brûlaient que dans la demeure du riche.

La classe aisée importait d’Angleterre de magnifiques lampes construites sur le système d’Argand, dans lesquelles se brûlait une huile d’olive raffinée. Ces lampes étaient supportées par des colonnes de bronze cannelées d’une hauteur d’environ deux pieds et demi. Le brûleur était entouré d’un large abat-jour plat en verre dépoli ou en porcelaine. Ces lampes s’appelaient des « Sun Burners ».

Dans la classe moyenne, on se servait de chandelles de suif qui étaient fabriquées à Montréal. Les pauvres s’éclairaient avec des lampes à l’huile de baleine, de poisson ou de loup-marin.

À la campagne, « l’habitant » avait un système des plus primitifs pour s’éclairer. Primitif est bien le mot, car les lampes dont il se servait ressemblaient à celles qui étaient en usage dans les temps bibliques, en Égypte, sous les premiers pharaons. C’était des vases en fer ou en ferblanc, munis d’un bec et accrochés à la crémaillère du foyer. La mèche reposait sur le bec et trempait soit dans l’huile de poisson ou dans la graisse fondue. La flamme de cette lampe répandait une lumière blafarde et fumeuse et exhalait une odeur nauséabonde dans toute la maison. Les plafonds étaient toujours noircis par la fumée et jamais on ne les nettoyait.

Les cultivateurs se servaient aussi de lampes portatives qui avaient les mêmes inconvénients. Souvent, la mère ou la fille du cultivateur filait ou tricotait à la porte du poêle pour ne pas être incommodée par l’odeur des lampes. Disons aussi que nos ancêtres se couchaient à une heure beaucoup moins avancée de la nuit et ne s’en portaient pas plus mal.

Le riche s’éclairait avec de la chandelle à l’eau qu’il fabriquait lui-même par le procédé suivant : il faisait fondre une grande quantité de suif dans un gros chaudron qui devait avoir une profondeur égale à la longueur des mèches de la chandelle. Ces mèches étaient toutes attachées par une extrémité à une baguette un peu plus longue que le chaudron. Elles étaient trempées dans le suif et ensuite plongées dans un baquet d’eau froide, ce qui avait pour effet de faire figer le suif sur la mèche. Chaque fois que l’on trempait le coton il s’y déposait une couche de suif fort légère. On répétait l’opération jusqu’à ce que la chandelle eût la grosseur voulue. On fabriquait de la sorte en une seule journée une soixantaine de livres de chandelles, de six ou de huit à la livre.

Vers 1830, les rues de Montréal étaient si mal éclairées que les citoyens qui sortaient le soir emportaient toujours un fanal afin de pouvoir se diriger dans les ténèbres. Pour aller à la messe de six heures et demie, en hiver, les paroissiens portaient presque toujours un fanal.

Aux collèges de Motnréal et de Saint-Hyacinthe, les salles d’études et de récréations étaient éclairées par des lustres en bois à six branches portant des chandelles de suif. Un élève qu’on appelait le suiffier était choisi, chaque jour, pour moucher les chandelles. Les lampes à pétrole furent introduites dans les établissements d’éducation comme ailleurs, vers le milieu du XIXe siècle.

(D’après Hector Berthelot, Le bon vieux temps, publié en février 1884).

rue st denis
Rue Saint-Denis. Photo : Photo : © V. Petrvoskiy.

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