Le maire Drapeau s’en va
Submergé par l’émotion, la voix brisée par les sanglots, le maire Jean Drapeau a tourné une page de l’histoire de Montréal : il ne sera plus jamais candidat à la mairie de Montréal.
« J’ai le regret de constater que mon respect de la fonction de maire et des électeurs me dicte ma décision. Je ne la choisis pas. Je mets donc fin à ma carrière élective », a-t-il annoncé devant un mur de caméras de télévision et de micros.
Entouré de sa femme, des membres de l’exécutif de Montréal et des membres du Parti civique, le maire Jean Drapeau a commencé son discours d’une voix forte et assurée. Mais il a fondu en larmes au moment d’expliquer les récompenses que lui avaient apportées ses 32 années au service de la ville de Montréal qu’il aime comme son enfant.
Les longs applaudissements de ses partisans, et même des journalistes présents,, lui ont permis un moment de se reprendre. Mais M. Drapeau fut incapable de continuer le discours qu’il avait préparé. Et c’est M. Yvon Lamarre, président du comité exécutif qui en a poursuivi la lecture dans un climat d’émotion intense, une larme perlant aux yeux de plusieurs.
Ce sont principalement des raisons de santé et d’âge qui lui font renoncer à briguer la mairie de nouveau, en novembre prochain. Rappelant les exigences du métier de maire qu’il a exercé à raison de 18 heures par jour, six ou sept jours par semaine, et ses trois épreuves de santé depuis 1982, il estime ne pas pouvoir s’engager pour un autre mandat de quatre ans
(C’est arrivé le 26 juin 1986).
Merci, monsieur le maire
Monsieur Jean Drapeau a donc décidé de tirer sa révérence. Il ne sollicitera pas de nouveau mandat à la mairie de Montréal en novembre.
On associera, notamment, à son règne :
- La conversion de la rue Dorchester en un large boulevard, bordé de gratte-ciel ;
- La création de la Place des Arts, devenue un centre rayonnant de la culture ;
- La mise en valeur du Vieux-Montréal ;
- La construction du métro, ce projet colossal qu’il a marqué, en plus, du sceau de l’esthétique et qu’il a voulu, comme pour d’autres projets, inspiré de la technologie française ;
- L’obtention pour sa ville d’Expo-67 après un solide plaidoyer présenté devant le Bureau international des Expositions – autre projet herculéen qui aura été la réalisation la plus emballante de l’histoire du Canada ;
- La création, à l’occasion de cette exposition, des grands axes routiers métropolitains ;
- La transformation d’Expo-67 en Terre des Hommes et plus tard en Parc des Îles, réalités qui suscitent l’engouement de la population ;
- L’entrée de Montréal, avec les Expos, dans le baseball majeur ;
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- Les Jeux olympiques dont il a profité pour doter sa ville d’un stade majestueux, d’un vélodrome, d’un bassin olympique, le tout appelé à devenir un précieux héritage pour les générations futures ;
- Le Grand Prix du Canada dont la piste de calibre international dans l’île Notre-Dame immortalise le nom du héros québécois de la course automobile, Gilles Villeneuve ;
- Les Floralies internationales qui nous ont légué le magnifique parc floral de l’île Notre-Dame, plus majestueux encore qu’en 1967 ;
- La construction d’édifices en hauteur dans l’axe du boulevard de Maisonneuve, d’où émerge tout un nouveau secteur du centre-ville ;
- La création du réseau des Maisons de la culture ;
- Les expositions Ramsès II et Trésors et splendeurs de Chine ;
- La a plantation de milliers et de milliers d’arbres qui a valu à Montréal, la même année, le double honneur de se voir proclamer « ville verte » par excellence du continent nord-américain, et d’être classée au premier rang des douze plus importantes villes de ce même continent en ce qui concerne la qualité et la pureté de l’air.
Merci, Monsieur le maire !
(Roger. D. Landry, président et éditeur de La Presse, texte publié le 28 juin 1986).