Conspiration de la police : Révélations sensationnelles : Véritable conspiration de la police et de ses fournisseurs pour frauder la Ville de Montréal*
Conspiration de la police : Le 29 octobre 1902, un grand scandale secoue la brigade policière à la suite d’une affaire de paletots d’hiver (par-dessus ou redingote, comme on disait aussi à l’époque).
L’affaire, présentée devant la Commission de police de l’époque, implique pas moins de dix membres de l’état-major de la police.
De fausses factures
Tout commence par la réception d’une facture de $1 011.26 de la maison Dufour, Drolet et Cie, pour la fourniture de 44 paletots d’hiver, et par la constatation par le quartier-maître Kehoe que 31 de ces redingotes étaient de qualité inférieure à celle de l’échantillon fourni lors de la soumission. En outre, on découvre que les 13 policiers prétendument satisfaits n’avaient pas dans les faits reçu un nouveau «par-dessus», et que le montant de $22,90 par paletot avait plutôt servi à l’achat de vêtements civils.
Voici la manœuvre utilisée par les chenapans. Le texte rédigé en 1902, est très explicite à ce sujet :
Les officiers, capitaines ou lieutenants ayant un pardessus jugé suffisamment bon pour passer l’hiver, se présentaient chez le tailleur avec les vêtements; le tailleur nettoyait le pardessus, l’épongeait et le pressait, lui donnait enfin toute l’apparence d’une pièce neuve. Le pardessus était ensuite étiqueté, ficelé et expédié au quartier-maître Kehoe qui le remettait au capitaine du poste où se trouvait le destinataire. Le capitaine ne prenait pas la peine d’examiner le vêtement. Pour tromper tout examen qui n’aurait été que superficiel, le tailleur changeait la marque de l’ancien tailleur de la police, M. Charlebois, et y substituait la sienne propre.
Des vêtements civils en échange
Évidemment, les membres de l’état-major qui se prêtait à ce stratagème en toute connaissance de la cause ne le faisaient pas avec détachement comme devaient le démontrer les témoignages devant la commission.
C’est ainsi qu’on devait apprendre qu’en échange, ces policiers gradés recevaient, les uns un habillement complet, les autres un pardessus de civil ou un habit pour leur enfants. Et pas question de se tourmenter la conscience devant un système qui durait depuis longtemps, car, comme l’a expliqué un policier, j’agissais de bonne fois. Nous sommes souvent de service sans notre uniforme.
Le témoignage du tailleur Drolet
Le témoignage de M. Drolet, l’un des fournisseurs visés par l’enquête, était assez éloquent quant à l’esprit qui animait cette maison de fournisseurs de la police. Et voici un extrait :
Le conseilleur Lebeuf : Vous nous envoyez un compte pour 44 paletots d’officiers de police. Avez-vous réellement fait et délivré 44 paletots?
M. Drolet : Nous avons fait du travail pour cette valeur, mais, comme de raison, nous avons fait des échanges comme cela se pratique habituellement. Je pense que nous avions ce droit.
M. Lebeuf : Où prenez-vous le droit d’enlever les marques de fabrique de M. Charlebois pour y substituer les vôtres?
M. Drolet : Nous avons réparé le pardessus et nous avons par conséquent le droit d’y apposer notre marque.
M. Lebeuf : Sur quoi basez-vous ce droit?
M. Drolet : Le capitaine Bellefleur m’a dit que si c’était nécessaire, il aurait un ordre du chef de police ou du président de la Commission de police.
Le capitaine Bellefleur est appelé et corrobore cet avancé.
M. Lebeuf à M. Drolet : Vous a-t-il donné un ordre du président ou du chef de son département?
M. Drolet : Non!
L’ineffable quartier-maître Kehoe
Le dernier témoin fut le quartier-maître Kehoe, qui devait déclarer naïvement, en réponse à des questions relatives à l’achat de 328 pantalons du même fournisseur, qu’il n’avait jamais vérifié le contenu des paquets et qu’il s’était fié aux inscription des fournisseurs, et qu’il laissait le soin de vérifier à ses capitaines. Ce qui amena M. Lebeuf à déclarer : Un homme n’est pas quartier-maître pour regarder des paquets défiler sous ses yeux.
Les capitaines Coleman et Millette ont également été interrogés.
Les conséquences du scandale? La Commission de police recommandait à la Ville de Montréal de poursuivre les fournisseurs Drolet et Dufour, et de suspendre tous les policiers impliqués. D’ailleurs, capitaines et lieutenants étaient mis aux arrêts dès la fin de leur témoignage.
* L’un des titres de la nouvelle, publiée le 30 octobre 1902 dans tous les quotidiens de Montréal.

Voir aussi :
- L’enquête sur la police de Montréal de 1950
- Historique de la police de Montréal
- Histoire de la cavalerie de la police de Montréal
- Musée de la police de Montréal
- Commission d’enquête
- Forces de l’ordre (index thématique)