Colonisation et organisation de Ville-Marie

Colonisation – organisation de Ville-Marie entre 1665 – 1684

Ville-Marie, à partir de 1665, se développe et grandit rapidement. La population, qui se chiffrait, cette année-là, à 584 habitants, atteignait 1500 en 1672, et probablement plus de 2000 en 1680. Le territoire mis en culture se multiplia plusieurs fois, dans le même intervalle.

La concession d’arrière-fiefs, sur différents points de l’île, fit surgir des groupements de colons en dehors de la périphérie urbaine et amena l’établissement de plusieurs centres ruraux, tels que la Côte Saint-Martin, la Côte Saint-François (Longue-Pointe) la Côte Sainte-Anne, la Côte Saint-Jean (Pointe-aux-Trembles) et d’autres qui se fondèrent dans la suite.

Colonisation et population

Profitant de la paix, qui paraissait cette fois solidement rétablie, les Seigneurs de Montréal prirent les moyens de mettre en valeur l’immense et riche domaine qui leur était confié.

De 1666 à 1672 surtout, ils firent de nombreuses concessions de terres à des particuliers, désireux de s’établir et se faire habitants. La plupart des concessionnaires n’avaient pas les moyens de défricher leurs terres, se bâtir une maison et subvenir en même temps aux besoins de leurs familles. Le Séminaire dut en aider plusieurs, par des avances d’argent ou de quelque autre manière.

Saint-Sulpice contracta ainsi, par ses libéralités, de grosses dettes, que certains de ses membres acquittèrent en bonne partie à même leurs propres revenus. MM. de Bretonvilliers, supérieur général, Gabriel Souart, de Queylus, Dollier de Casson, et le bon abbé de Fancamp ne devaient pourtant retirer de leurs largesses que le seul avantage d’assurer l’avancement et le progrès de la colonisation de Ville-Marie. (Le 21 avril 1659, la Compagnie de la Nouvelle-France, qui s’était d’abord réservé le territoire de la montagne, pour fins militaires, céda ce beau domaine à la Compagnie de Montréal, à l’exception de 500 arpents qu’elle donna à M. le baron de Fancamp. — Édits et Ordonnances Royaux, 1854, vol. I, p. 29).

Si, plus tard, le Séminaire posséda des biens, ce fut par le rendement tardif de cette première mise de fonds, dont le principal avait servi à la mise en valeur des bienfonds des particuliers. Saint-Sulpice avait donné ses terres et ses biens pour la création de nombreux foyers: il n’était que juste qu’il en retirât quelque bénéfice des générations qui lui devaient l’existence.

Aussi bien, grâce à l’initiative désintéressée de ces bienfaiteurs, trop peu connus comme tels, un peu partout, sur l’île de Montréal, s’élevèrent des habitations nouvelles et se multiplièrent les champs de blé à la place de la forêt sauvage.

Au mouvement de colonisation intensive correspond un accroissement constant de la population, que favorisent de toutes façons le roi, le ministre Colbert et l’intendant Talon. Chaque année, des centaines d’hommes viennent s’établir dans la colonie et Ville-Marie reçoit sa large part des nouveaux arrivants. Gens de métier et laboureurs s’établissent dans la ville ou sur des terres avoisinantes.

Le roi et Colbert se préoccupent de l’avenir des foyers. Us envoient chaque année des groupes de jeunes filles, choisies en province autant qu’à Paris même.

En 1670, le ministre écrivait à l’archevêché de Rouen que les filles qui sont passées en Canada l’année précédente ne se sont pas trouvées assez robustes pour aider à la culture des terres. Il prie donc l’Archevêque d’engager ses prêtres à trouver environ soixante villageoises, qui consentiraient à passer au Canada. Elles devraient être très aises, dit-il, attendu qu’elles trouveraient, en arrivant, des maris et des établissements. (Lettre de Colbert à l’archevêque de Rouen, 27 février 1670. — Archives de la Marine, Série B, vol. 2, folio 151/2).

L’année suivante Colbert, dans une lettre à Talon, constate avec plaisir que des 165 filles envoyées, il n’en reste que quinze à marier. Il en enverra 150 autres cette année. Il approuve l’intendant d’avoir ordonné que les volontaires seraient privés de la traite et de la chasse, s’ils ne se mariaient pas quinze jours après l’arrivée des filles de France. Il a donné des ordres pour que les filles qui iront au Canada soient fortes et saines et de qualité requise. (Archives de la Marine: «Collection Moreau St-Méry,» Série B, vol. III, folio 221/2).

Il a accordé 600 livres de gratification à la demoiselle Estienne pour le soin qu’elle a pris des autres. Celles qui sont destinées à Ville-Marie sont confiées à Marguerite Bourgeoys, jusqu’à ce qu’il soit pourvu à leur établissement par le mariage ou leur entrée en service dans les familles.

Il serait bien étrange, comme certains le prétendent sans en apporter de preuves, que les autorités du temps n’aient pris toutes les précautions pour n’envoyer dans la colonie que des personnes recommandables; car du choix judicieux de ces futures mères, dépendaient grandement l’avenir et le succès des établissements canadiens. Les rigides autorités religieuses d’alors, auxquelles on s’adressait généralement en France pour ce genre de recrutement, auraient-elles toléré pareille licence?

Certes on peut croire qu’il ne vint pas au Canada que des saints et des saintes; mais les foyers canadiens n’ont pas à rougir de leurs origines.

L’instruction publique

En ce temps-là on fit plusieurs tentatives pour instruire et éduquer les enfants des sauvages. Marguerite Bourgeoys, l’abbé Souart, (Dans une lettre écrite à M. de Tracy, l’abbé Souart s’engageait à ouvrir une école pour instruire les sauvages et les élever dans la manière de vivre des Français, « pourvu qu’il ne soit pas traversé ou inquiété dans ces exercices de charité par ceux qui prétendent avoir seuls la direction des sauvages.» — Archives de la Marine: «Collection Moreau St-Méry,» vol. 1, folio 353.) les Jésuites avaient tour à tour essayé cette œuvre de l’éducation des aborigènes sur place, mais les résultats furent pratiquement nuis.

Ces habitants des bois avaient trop l’habitude de la vie libre et sans contrainte pour s’astreindre avec constance à aucune discipline de vie sédentaire. Ils avaient trop peu d’entraînement au travail journalier pour se plier à aucune sorte d’application suivie, continue. À diverses reprises on tenta l’aventure de différentes manières, mais toujours sans succès. On ne forma ainsi que quelques rares sujets à une civilisation que l’on aurait voulu donner à tous.

L’abbé de Fénelon, revenu de la mission sulpicienne du lac Ontario, fonda une mission sauvage à Gentilly, un peu au-dessus de Lachine; et commença un établissement pour élever les petits sauvages à la française. Le séminaire, conformément à ses titres de seigneur de l’Ile, faisait tous les frais de cette fondation éducationnelle, qui fut probablement le point de départ de la mission sulpicienne sédentaire des sauvages iroquois et algonquins à la montagne.

On réussit un peu mieux à faire l’éducation des jeunes Français nés au pays. On a vu que Marguerite Bourgeoys s’était dès le début dévouée à l’instruction rudimentaire des filles et des garçons. Son institut religieux d’enseignement primaire fut reconnu par lettres patentes royales en mai 1671 et continua son œuvre pour les filles. Un premier pensionnat fut fondé à Ville-Marie et quelques petites écoles rurales, établies dans certaines paroisses des alentours.

Quant aux garçons, le Séminaire s’occupa de leur faire donner au moins une instruction élémentaire. M. l’abbé Gabriel Souart, ancien supérieur de Saint-Sulpice et curé de Notre-Dame, se chargea de ce soin. Il se fit maître d’école. Un de ses confrères, qui fut aussi économe du Séminaire, M. Pierre Rémy, le seconda quelque temps dans cette utile entreprise.

Ils établirent, croit-on, leur première école à l’angle nord-ouest des rues Notre-Dame et Saint-François.

Notre-Dame

Ville-Marie resta longtemps sans église paroissiale indépendante. La chapelle, attenante à l’Hôtel-Dieu, servait à la fois au culte public et privé.

En 1672, on commença la première église Notre-Dame. Mais bien avant un syndic des paroissiens avait été nommé pour recevoir les aumônes, les amendes de justice et les contributions de toutes sortes en vue de la construction. (Dans les procès en correctionnelle, (la chose existait avant le nom) les amendes prélevées des justiciables étaient versées partie à la cour, partie à l’église.)

Deux Sulpiciens avaient des connaissances en architecture et l’on peut croire que M. Dollier de Casson et M. Guillaume Bailly ont dressé les plans de l’édifice et dirigé l’entreprise. François Bailly dit Lafleur, maître – maçon, eut la surveillance des travaux, avec salaire de trente livres par mois, plus un écu par jour pour son travail de maçon. («Actes de la position» de la première pierre, le 6 juin 1672. — Extrait des registres de la fabrique.)

L’église ne fut achevée que plusieurs années après. Lorsque l’évêque de Québec l’érigea en église paroissiale, avec cure inamovible, le 30 octobre 1678, il la trouva presque terminée.» («Arrêt du Conseil d’État, réunissant toutes les cures de l’île de Montréal au Séminaire de Saint-Sulpice.» 15 mai 1702. — Édits et Ordonnances Royaux, 1854, vol. I, p. 296.)

Le nouveau temple était situé au milieu de la rue Notre-Dame, à la Place d’Armes, la façade regardant le sud. À l’angle sud-ouest, à une hauteur de 144 pieds, s’élevait le clocher, surmonté d’une flèche ajourée que couronnait une croix fleurdelisée. Le cimetière, déjà vieux de quelques années, longeait le côté sud-est de la nouvelle église.

On avait eu la malencontreuse idée de démolir le vieux fort pour en faire servir la pierre à la construction du temple. M. de Bretonvilliers désapprouva fort et ordonna d’interrompre cet acte de vandalisme. Cette politique de destruction, sans discernement, a été si souvent reprise depuis par tous et chacun que la ville de Montréal ne paraît exister que depuis soixante-quinze ou cent ans à peine.

Voir aussi :

Rue Saint-Paul. Photo de Megan Jorgensen.
Rue Saint-Paul. Photo de Megan Jorgensen.

1 réflexion au sujet de « Colonisation et organisation de Ville-Marie »

  1. On en apprend dans ces documents appelés « Archives de la Marine »! Intéressant! L’histoire peut être captivante, celle de Montréal, par exemple.

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