Collision de tramways

30 blessés à Ahuntsic : Terrible collision de tramways dans le brouillard, au nord de Montréal

Collision de tramways : Il était près de 6h 30 en ce matin du 31 octobre 1921. Un épais brouillard couvrait le territoire montréalais, et il se faisait encore plus impénétrable à travers champs. C’était à peine, disaient les témoins, si on voyait dix pieds devant soi.

Sur le circuit Saint-Denis-Ahuntsic, circulaient entre deux voies d’évitement deux rames de tramways. À bord se trouvaient quelque 50 passagers, personnel compris.

La première, formée des voitures 1575 et 1663, se dirigeait en direction d’Ahuntsic, sous la responsabilité du garde-moteur Alphonse Buron, du conducteur Alphonse Verret, et de Joseph Villeneuve à bord de sa remorque.

La deuxième rame, formée des voitures 1573 et 1628, revenait vers le centre-ville de Montréal, sous la conduite du garde-moteur Moïse Dauphin, du conducteur Alexis Joly, et d’Émily Théoret à bord de la remorque.

Au nord de Crémazie, la voie est simple, de sorte que les tramways devaient s’attendre sur les voies d’évitement prévues à cet effet, ce qu’avait visiblement négligé de faire un des deux garde-moteurs.

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Et l’inévitable devait se produire. Ce fut la collision qui fit une trentaine de blessés, mais aucun mort heureusement. La collision fut d’une violence inouïe puisqu’elle démolit le vestibule de trois des quatre voitures (y compris celle de M. Théoret), en plus d’arracher presque toutes les banquettes.

Mais voici ce que dit M. Théoret qui garde un vif souvenir de cette dure expérience même à 86 ans :

C’était un froid matin du 31 octobre 1921. Un brouillard opaque recouvrait les champs. On avait peine à y voir. Le tramway nord-sud de la ligne Ahuntsic venait de franchir l’intersection Crémazie et s’était engagé sur la voie simple conduisant jusqu’en bout de ligne. Soudain, dans un fracas de ferraille tordue, ce fut la catastrophe.

Émile Théoret était conducteur de la voiture arrière d‘un des deux tramways. Aujourd’hui âgé de 86 ans et à la retraite de la CTCUM depuis 1962, après 45 années de service, il a raconté à La Presse ses souvenirs, demeurés très vivaces.

La collision est survenue en plein brouillard. La veille il était tombé quelques pouces de neige. Le temps était froid et triste. Le conducteur du tramway qui faisait le trajet nord-sud croyait que l’autre tramway était passé. Les deux lourds véhicules se sont heurtés de front, causant des blessures graves à trente personnes.

* Collision de tramways

« C’était épouvantable, de raconter M. Théoret, car il y avait des blessés partout, du sang, des cris et des gémissements ». Lui-même gravement blessé à la tête, M. Théoret eut la force de se rendre jusqu’au poste de sémaphore pour envoyer des signaux au centre de secours situé à la hauteur de l’intersection des rues Saint-Denis et Jean-Talon. Toutes les ambulances et les médecins furent envoyés sur les lieux.

Il a fallu évacuer les blessés par l’arrière, puisque les sorties situées à l’avant du tramway avaient été bloquées par la ferraille tordue. M. Théoret se souvient d’avoir étendu plusieurs blessés côtes à côtes ans le champ, en attendant l’arrivée des secours. « Je ne me suis même pas rendu compte que j’étais blessé. C’est en arrivant au poste de sémaphore que je suis tombé par terre ». Il a d’ailleurs gardé un souvenir physique de l’accident, soit une légère bosse à la tête. « Cette bosse n,a jamais voulu partir », note-t-il, l’œil pétillant.

« À l’époque, de poursuivre M. Théoret, Ahuntsic était en pleine campagne. Le trajet depuis le terminus de la rue Craig jusqu’à la gare d’Ahuntsic durait une heure. Les billet se vendaient 6 pour 25 cents. Le salaire horaire d’un conducteur était de 34 cents. La semaine de travail était de 55 heures.

62 ans plus tard

En 1962 Émile Théoret a été retiré du service. « On m’a mis de côté comme un vieux tramway », raconte-il. Les dirigeants de la CTCUM lui ont accordé une passe à vie sur tout le réseau. M. Théoret en profite. Il voyage tous les jours dans le métro. «Je pars d’Ahuntsci pour aller acheter mes cigares ans le bas de la ville ! »

Mais il regrette le bon vieux temps et surtout la perte du contact quotidien avec « ses voyageurs ». Il les connaissait tous. « Le matin de l’accident, dit-il, beaucoup de mes amis, qui voyageaient régulièrement dans mon tramways, ont été blessés. Dans ce temps-là on faisait la causette avec les voyageurs. Aujourd’hui, les gens ne se parlent plus dans les autobus et le métro. Ils sont trop pressés. » Mais M. Théoret possède toujours un permis de conduire. Malgré ses 86 ans, il a obtenu un renouvellement de permis sans difficulté. « Si on voulait me reprendre, dit-il en souriant, je pourrais conduire un autobus ! ».

(Article paru dans La Presse, le 31 octobre 1983).

Tramway de Montréal
Tramways à Montréal dans les années 1950. Photographie du domaine public.

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