
La déveine d’un bel aviateur dans un hôtel de la métropole
Les coups dans la porte de chambre à deux heures du matin – Entrée de deux gentils minois. – Causerie sur la pêche et puis vol de $175
22 décembre 1943. – Un aviateur anglais qui aurait à son crédit plusieurs bombardements au-dessus de l’Allemagne, dormait à poings fermés mercredi matin, à 2 heures, dans un chic hôtel de la section ouest de la métropole. Soudain des coups discrets le réveillent. Il ouvre et deux amours de jeunes filles, Germaine Lepage, 21 ans, rue Metcalfe, 2038, aguichante gaspésienne aux cheveux de jais, et Laura Champagne, 22 ans, rue Clermont, 3056, plus blonde que les blés sous le soleil d’août, semblent surprises s’excusent disent à l’unisson : « Nous nous sommes trompées nos excuses cher monsieur ».
Le lieutenant d’aviation, poli comme tous les Anglais de sa classe, les invite à entrer un moment. Les souris d’hôtel se font d’abord prier puis se décident. La brune Germaine intéresse vivement l’aviateur en lui parlant de la pêche à la morue, chez elle, à l’Anse-à-Foulon. Carl écoute, questionne et en serait arrivé à connaître tous les secrets de la plus riche industrie de la Gaspésie si Laura, qui se tenait discrètement dans l’ombre, n’avait pas invité sa compagne à laisser dormir l’étranger.
Quand l’aviateur se trouve seul, il songe à cette visite, mais songe aussi aux $175 qu’il a dans le tiroir de son bureau. Avec une vitesse de vol plané il est rendu au meuble, l’ouvre et constate que son argent a suivi les charmantes visiteuse qui lui ont laissé pourtant des effleuves de parfums exotiques.
Il appelle le gérant. Ce dernier alerte la sûreté et, en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, les sergents-détectives Romuald Dubuc, Armand Fife et Jacques fortin sont rendus à l’hôtel. Ils perquisitionnent en vain la chambre et redescendant lorsqu’un garçon de l’hôtel dit avoir déjà vu les petites dans le chic cabaret du coin, angle des rues Drummond et Sainte-Catherine. Les détectives s’y rendent. Pas plus de Germaine ni de Laura que sur la main. Il est bientôt cinq heures. La boîte de nuit est déjà fermée et la balayeuse de la toilette des dames transporte vers la porte de la ruelle une poubelle remplie de papiers, gardant de lèvres peintes les marques vives. Le détective Dubuc suit la femme de peine et arrive dehors au moment où un matinal vidangeur s’apprêtait à transvider la poubelle dans son camion.
L’employé de la voirie est prié d’attendre un moment. On vide la poubelle sur la neige et le miracle se produit. Du fond du panier tombent les $175 en billets de $5, $10 et $20 y compris deux livres sterling.
Une heure plus tard, les deux jeunes filles étaient coffrées pour attendre dans la paix cellulaire l’heure de leur comparution devant le juge Armand Cloutier. Vers onze heures elles arrivent devant le tribunal la blonde et élégante Laura, vêtue d’un manteau de renard argenté, s’il-vous-plait. Germaine, plus modeste, portait bien et haut, un marteau de drap rouge. Les deux proestent de leur innocence.
Mais l’aviateur devait repartir hier vers d’autres cieux et le tribunal fixe l’enquête judiciaire pour 3 heures. Juste avant les témoignages, Me Richard Robert (toujours chanceux), avocat de la défense, enregistre des aveux de culpabilité pour ses clients, priant le juge Cloutier de se montrer clément à la veille de Noël.
Le tribunal impose aux deux prévenues les heures de vigile passées en prison, non sans leur faire promettre de ne plus remettre les pieds dans un hôtel, d’ici six mois. Le juge explique sa belle clémence en ajoutant que les deux n’ont pas de casier judiciaire.
(Texte paru dans le quotidien Le Canada, jeudi 23 décembre 1943)

Montréal. Parc de Portugal. Photographie par GrandQuebec.com.
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