Batailles de coqs à Montréal
Arrestation de 120 amateurs de batailles de coqs, dans l’Est
Le sous-chef Lamouche, aidé des capitaines de police Lafleur et Brophy, et d’une vingtaine de constables, a saisi hier matin, le 19 mars 1906, 72 coqs et arrêté 120 amateurs de combats de coqs dans le boutique de menuiserie de M.D. Donnelly, sise près des élévateurs de la Dominion Coal Co, rue Notre-Dame. Ces arrestations en bloc ont causé une véritable panique dans le camp des sports et une excitation facile à comprendre, dans les alentours. Pas un seul des témoins n’a échappé aux filets du sous-chef Lamouche; tous ont été surpris comme des renards dans un poulailler.
La police avait en vent, depuis quelques jours, qu’il devait se livrer un terrible combat de coqs dans Hochelaga, mais elle ne pouvait parvenir à connaître exactement l’endroit. Pendant toute la nuit de samedi à dimanche matin, la police fut sur pied, prête à la première alerte, mais rien ne vint.
Plus tard, le sous-chef Lamouche fut avisé – par une femme, dit-on, – que le combat devait avoir lieu dans la boutique de M. Donnelly. Le fait devenait de plus en plus évident lorsque des groupes de cinq et dix personnes avec sac au dos entrèrent dans la boutique hier matin. À dix heures, le sous-chef Lamouche commanda au capitaine Brophy et à huit constables en uniforme de se poser à l’issue de la boutique donnant sur le pont de la rue Sainte-Catherine, tandis que lui-même avec le capitaine Bellefleur se posta à l’autre issue de la cour, rue Notre-Dame.
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Le combat battait déjà son plein lorsque dix minutes plus tard, Lamouche faisait irruption dans le poulailler en disant que tous ceux qui étaient présents étaient arrêtés. Personne ne devait tenter de s’évader. Seuls les coqs continuèrent le carnage pour le moment. Mais réalisant ensuite leur position, les assistants voulurent prendre la fuite. Alors il s’en ensuivit une panique. De tous côtés les fuyards tombaient entre les mains de la police qui les guettait à bras ouverts. La police les força d’entrer de nouveau dans la cour où Lamouche fit leur dénombrement. Ils étaient 120 personnes bien comptées.
La police demanda quatre voitures de patrouille. Ensuite, on transporta tous les prisonniers qui ne purent fournir de cautionnement sur-le-champ, à la station de la police #3. Ce cautionnement était de $50.
La police confisqua les 72 coqs au profit des institutions de charité. On évalue évalués chacun de $15 à $60. Le sous-chef Lamouche considère de son devoir de mettre fin à ces combats féroces prohibés par la loi.
En cœur du recorder
Ce matin, la cour du recorder offrait le spectacle le plus singulier qu’il soit possible de voir. Des centaines de curieux se pressaient les uns sur les autres dans la salle des séances, et les corridors de l’hôtel de ville étaient littéralement bondés de monde; les uns riaient, les autres criaient et plusieurs chantaient le coq; chant cruel!, souvenir néfaste!, le coq, sera-t-il destiné à faire pleurer?
On s’attendait que les procès durassent fort longtemps car 120 accusés est un record pour la liste d’un seul jour. Cependant, en moins d’une heure et demi le recorder Poirier avait entendu, jugé et condamné les 120 « sportsmen ».
Le propriétaire de la grange qui a servit d’arène, David Donelly, maître charretier, a été condamné au maximum de l’amende, c’est-à-dire à 50 dollars d’amende ou trois mois de prison. Tous les assistants devront payer chacun une amende de $5,00 ou passer 15 jours en prison, à l’exception de MM. Letourneau et Sauvé qui se sont permis de sourire durant l’audition de leur procès.
« Si vous trouvez ça drôle, leur dit le juge, vous paierez une amende de dix dollars. Avis à ceux qui riront ».
Voici une lettre adressée aux journaux par le chef de police et qui s’adapte bien à la fin de cet incident.
« Vous seriez bien aimables de porter aujourd’hui dans votre journal à la connaissance du public le fait que les coqs qui ont été saisis dimanche dernier, seront vendus par encan au poste de police #2 demain à 2 heures p.m. »
« Sportsmen », donc ne désespérez pas. Il reviendra le temps des batailles de coqs, puisque vous aurez encore les coqs.