Autonomie municipale de Montréal

Autonomie municipale de Montréal (régime municipale)

Depuis près de 200 ans que Montréal était fondé, l’on n’avait pas encore songé à lui donner un gouvernement municipal. Seuls les juges de paix comptaient dans leurs attributions le droit de faire des règlements de police; mais aucune autorité locale n’était chargée des intérêts civiques de la cité. La ville, déjà la métropole commerciale du Canada avec ses 30,000 habitants en 1831, était, comme le moindre bourg de 200 âmes, administrée de loin et au hasard des circonstances par le gouvernement de Québec. Cette politique à retardement, suivie sans variation depuis l’abolition du gouvernement politique, en 1764, mettait en échec toute initiative de progrès civique et empêchait la création de services d’utilité publique, commandés par le développement constant de la ville: population, commerce, industrie, société.

Il y avait longtemps que le système de régie par les commissaires de la paix ne répondait plus aux exigences de la situation. Montréal avait pris un tel essor économique et social, depuis la guerre de 1812, que les commissaires, en même temps juges de paix, étaient débordés de besogne.

Ils manquaient surtout d’attributions définies et d’initiative nécessaire. C’étaient des juges et non des édiles. Montréal avait un grand besoin d’un gouvernement municipal.

En 1828, les citoyens se décidèrent enfin à demander à la législature de Québec l’incorporation municipale.

À l’issue d’une grande assemblée publique, ils nommèrent un comité de vingt personnes, pour soumettre au parlement une requête à cet effet et défendre aussi leur projet auprès des autorités gouvernementales. On prévoyait bien que ces dernières n’abandonneraient qu’à leur corps défendant un pouvoir administratif, ne relevant que des chambres. Ce travail d’approches dura en effet trois ans.

De son côté, la chambre basse, qui luttait alors énergiquement contre les prérogatives du gouvernement, n’était pas fâchée de soustraire les grands centres au contrôle du conseil d’État. Elle était tout heureuse d’accorder à une ville, de l’importance de Montréal, une autonomie, dont elle serait l’unique source. Montréal ne lui devrait-elle pas son existence légale ? Enfin le gouvernement dut accepter l’inévitable, et la loi d’incorporation municipale de Montréal fut adoptée par la législature le 31 mars 1831. Lord Aylmer en réserva cependant la sanction au roi.

Ce ne fut que le 12 avril de l’année suivante que sa majesté, Guillaume IV, donna son assentiment à la nouvelle loi municipale. Elle fut mise en vigueur le 3 juin 1833.

La première charte conférait le droit de citoyen à tout homme habitant la ville depuis un an, ayant atteint l’âge de 21 ans, et possesseur de biens-fonds dans la ville.

Ces citoyens propriétaires faisaient partie de droit de la corporation municipale et choisissaient parmi eux un conseil de seize membres. Le conseil était rééligible par moitié le premier lundi de juin de chaque année. Le maire devait être élu par les seize et non par le peuple. Il était le seul à recevoir des appointements, ne devant pas dépasser $400.

Le conseil municipal avait des pouvoirs limités, mais suffisamment larges pour les besoins de l’époque: pouvoirs d’emprunter au nom des citoyens, d’acquérir et de posséder des biens meubles et immeubles, d’ester en justice, de prélever des cotisations. Tout ce qui concernait les rues, les marchés publics, l’éclairage, l’hygiène, la protection des maisons relevait aussi de l’administration municipale. Celle-ci pourvoyait à la paix publique par des règlements de police; enfin tous les règlements du Conseil devaient être soumis à la Cour du Banc du roi pour approbation. C’était une très sage précaution contre les abus de pouvoir et les malversations. L’autonomie municipale était ainsi efficacement défendue contre les surprises de la démagogie et de la passion politique, par les interprètes les plus autorisés, les plus sincères de la loi, la magistrature. On a laissé tomber cette puissante sauvegarde de la liberté et de l’autonomie municipales et abandonné celles-ci à tous les risques de la démocratie de la rue.

Nous avons tous payé et nous payons encore très cher pour le savoir.

(Camille Bertrand, Histoire de Montréal).

Ancienne douane
L’ancienne douane dans le Vieux-Montréal. Photo de GrandQuebec.com.

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