450 ans de Montréal

Les 450 ans de Montréal

Les Diplômés, N° 358, été 1987, par Danielle Turgeon

En 1535, un dénommé Jacques Cartier remontait le fleuve jusqu’à une bourgade Indienne nommée Hochelaga, le temps d’y baptiser le «mont Royal». Depuis, la bourgade a bien changé !

Au fil des ans, après trois siècles et demi d’intervention humaine, Montréal s’anime avec éclat Métropole unique et paradoxale, elle refuse de renier son passé tout en se pressant d’être à l’avant-garde.

D’un côté, la rue Saint-Jacques, petit Wall Street canadien, le Mont-Royal, les rues Saint-Denis, Sainte-Catherine et Saint-Laurent, le quartier chinois et le Vieux-Montréal, De l’autre, le complexe Desjardins, les places Ville-Marie et Bonaventure et le métro. Et quoi encore …

Les autos roulent sur les boulevards entrelacés pendant que les sabots des chevaux claquent encore sur les pavés. Les professionnels travaillent soit dans des tours audacieuses, soit dans des résidences victoriennes, La population, majoritairement francophone, se mêle aux diverses ethnies pour profiter des parcs, des terrains de jeux et vivre sous terre à ses heures !

Le développement d’une ville, sur une ile autour d’une montagne, ne pouvait être que différent. Pour Jean-Claude Marsan, architecte et doyen de la Faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal, les années 1880 à 1930 ont façonné la personnalité de Montréal.

« C’est ce qui reste de cette première vague d’urbanisation qui touche le cœur des gens et les attire toujours. Le Montréal traditionnel, où les formes et les styles captent l’émotion, fait davantage vibrer que les édifices à bureaux d’un style international abstrait et sans lyrisme. Le boulevard de Maisonneuve est-il très attrayant ? »

Un passé impérial (1642-1880)

La beauté de Montréal s’est acquise avec le temps. En 1535, Jacques Cartier baptise « mont Royal » l’imposante montagne où les érables deviennent parfois, des Iroquois.  Cette même montagne a marqué l’histoire d’affrontements et de conquêtes symboliques entre les anglophones (Westmount et l’Université McGill) et les francophones (Outremont, l’Université de Montréal et l’oratoire Saint-Joseph), C’est depuis qu’on entend bourdonner les deux langues, Montréal se déploie de tous côtés.

Parallèlement au Vieux-Montréal grandissent le versant ouest du Mont-Royal et la côte de Notre-Dame-des-Neiges, Il faudra presque deux siècles pour que se rejoignent les agglomérations qui se sont développées le long du fleuve, À cette époque, le transport par animaux, les porteurs d’eau, les égouts à ciel ouvert, les rues en terre et les trottoirs de bois font partie du paysage.

« De cette période, il nous reste la grille de rues issue du cadastre colonial, la place d’Armes, la place Royale et la place Jacques-Cartier, en plus de beaux monuments d’architecture: le séminaire Saint-Sulpice (1683), le château Ramezay (1705) et l’Hôtel de ville ( 1872) -, commente le professeur Marsan. Grâce aux industries delà fourrure et du bois, Montréal se peuple. Assez pour qu’en 1778 La Gazette littéraire voit le jour. Ce même journal, transformé par l’histoire, a changé son nom pour The Gazette et se lit encore tous les jours, John Molson lui, fonde sa première brasserie en 1776 et dans les mêmes années le Canada a sa première banque : la Banque de Montréal. En 1821, l’Université McGill est établie par une charte royale.

À cette époque aussi, Montréal se divise en deux parties et la rue Saint-Laurent sert de ligne de démarcation. La ville sort graduellement de l’ombre à partir du moment où la rue Saint-Paul, principale artère commerciale, est éclairée au gaz en 1815. C’est donc sous la lumière que débute la construction du pont Victoria en 1853.

Les années héroïques (1880-1930)

Jean-Claude Marsan, dans un article qu’il a rédigé pour la revue Force, résume ainsi cette période: « C’est elle qui a présidé au développement du port et du canal de Lachine, qui a été témoin de la construction de la plupart des grands bâtiments en pierre grise et des premiers gratte-ciel, qui a produit des rues typiques comme Saint-Denis et Crescent et des quartiers non moins distinctifs à l’exemple de ceux du Mille-Carré et du plateau Mont-Royal, qui a vu l’émergence de municipalités telles que Westmount et Maisonneuve, enfin, qui s’est signalée par l’aménagement du parc Mont-Royal et des plus beaux squares, particulièrement Saint- Louis et Dominion ».

L’éclairage électrique (1885), le premier ascenseur (1887) et la première auto (1899) font leur apparition. Par la suite, vers 1900, des routes d’asphalte suivent. Depuis 1850, plusieurs ethnies s’intègrent aux structures en place en apportant leur vitalité. Le quartier chinois, la « petite Italie » et le quartier juif, qui possèdent leurs propres infrastructures, se démarquent bien des plus petites agglomérations, non moins pittoresques, où se trouvent les autres immigrants. Quelques rues, parfois juste une, leur permettent quand même de se retrouver. Depuis longtemps, il y a autant de Montréal qu’il y a de quartiers qui contribuent à créer une esthétique particulière de diversité. Puis les faubourgs, plus ou moins autonomes pendant longtemps, s’accolent graduellement à la ville-mère.

Des prétentions internationales (1960-1987)

L’époque des guerres mondiales a laissé peu de traces de développement, La vie suivait son cours sans que de grands pas ne se fassent. Mais depuis 1930. La Rive-Sud s’est tout de même peuplée d’un demi-million de personnes.

L’île Jésus de 1940, qui n’hébergeait que quelque 20 000 agriculteurs, est devenue Laval qui compte plus d’un quart de million d’habitants. Au pont Victoria se sont ajouté quatre autres ponts et un tunnel qui enjambent le fleuve Saint-Laurent qui coule, grandiose.

En 1960, Montréal explose. Les centres commerciaux s’imposent, c’est l’éclatement des banlieues et du centre-ville. Naissent des complexes multifonctionnels des « Villes dans la ville » telles la place Ville-Marie (1963), la place Bonaventure (1967) et le complexe Desjardins (1970), Ces nouveaux concepts marquent l’aménagement urbain du Québec et de tout le Canada La ville souterraine, l’une des plus développées au monde, s’étend sous les yeux des plus incrédules.

Puis l’Exposition de 1967 et les Olympiques de 1976 font de Montréal l’hôtesse du monde entier Les banlieues grossissent, les gratte-ciel poussent mais les gens tiennent à conserver le charme du passé « Demandez aux gens ce qu’ils préfèrent de Montréal et vous verrez ce qu’ils vous répondront. La génération des tours à bureaux qui peuplent le centre-ville laisse peu de place à la vie, à la couleur Les escaliers extérieurs de la rue Saint-Denis, la diversité des rues Saint-Laurent, Crescent et Sainte-Catherine ou encore les squares ou les places n’ont pas à craindre d’être délaissés pour elles, affirme Jean-Claude Marsan.

Selon lui, le temps a permis de mettre en évidence certains inconvénients des grands complexes des années 60, qui malheureusement se sont déplacés vers les secteurs les plus riches sur le plan patrimonial L’avenir devrait s’orienter vers une consolidation de la trame urbaine et un développement d’une architecture contemporaine sensible aux acquis déjà en place. Comme la ville subit un ralentissement démographique, il vaudrait peut-être mieux travailler à relier le futur au passé.

Des fondateurs heureux

En résumé, Paul de Chomedey, sieur de Maisonneuve qui, assisté d’une poignée d’hommes, posa les assises de la future métropole serait bien heureux de voir que la croix qu’il planta sur le Mont-Royal est aujourd’hui tout illuminée et symbole d’identité et de plaisir pour les Montréalais qui s’y rendent pour regarder le fleuve et profiter de la nature. Plusieurs bâtisseurs d’Hochelaga, de Ville- Marie ou de Montréal, qu’ils soient venus de France ou d’Angleterre, constateraient que leurs noms font partie de la vie quotidienne des Montréalais, désignant des municipalités environnantes, des quartiers, des rues ou des écoles Ils reconnaîtraient bien quelques bâtiments d’époque et des aménagements de leur temps Ils pourraient profiter des nombreux centres d’activités tels la place des Arts, le Forum, les quatre universités, le Jardin botanique…

Des endroits qui, sans avoir révolutionné le cours de l’histoire, font partie du développement culturel. Encore faudrait-il qu’ils puissent se déplacer car une grève rituelle des transports en commun fait aussi partie du développement de Montréal.

rue jean baptiste
Le Vieux-Montréal. Photo : © GrandQuebec.com.

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