Américains occupent Montréal

1775 : Les troupes américaines débarquent à Montréal  

Montgomery pouvait maintenant s’emparer de Montréal sans combat. Il débarqua ses troupes à la Pointe-St-Charles, le 12 novembre 1775, et envoya sommation aux autorités de la ville. Dans les circonstances d’abandon où se trouvait Montréal, il ne pouvait être question de parlementer longtemps avec l’armée sous les murs. Militaires et fonctionnaires civils avaient suivi Carleton, qui laissait aux habitants le soin de disposer de leurs intérêts et du sort de la ville comme ils l’entendraient.

Il n’y avait à ce moment aucun personnage officiel pour engager des pourparlers avec autorité. Usant alors de leurs droits d’hommes libres, des citoyens des deux groupes se réunirent pour discuter de la situation anormale dans laquelle le gouverneur avait laissé la ville. Au nom du peuple ils élaborèrent un projet de capitulation qui comprenait neuf articles. (Archives canad.: Série B., 185-1, p. 127).

On demandait en substance le respect des droits de propriété et de religion, la liberté du commerce, la libération des prisonniers de guerre, l’exemption de prendre les armes contre l’Angleterre et de loger les soldats américains. Le document portait la signature de six Anglais et de six Canadiens: John Porteous, Richard Huntley, John Blake, Ed. Wm. Gray, James Finlay, James McGill, Pierre Panet, Pierre Mézière, St-Georges Dupré, Louis Carignan, François Malhiot et Pierre Guy.

Le général Montgomery voulut bien admettre la légitimité des demandes qu’on lui soumettait; mais il exigea la reddition de la ville sans conditions. Le 13 au matin, il entrait dans la ville de Montréal, qui devenait ainsi ville américaine, à la satisfaction de plusieurs, à l’indifférence du grand nombre.

Les Américains venaient de remporter un succès inespéré qui leur fit croire que les circonstances étaient favorables pour tenter le siège de Québec. Montgomery ne resta donc que quelques jours dans la métropole et il reprit, avec le gros de ses troupes, sa marche vers la capitale. On connaît la fin tragique du général américain, sous les remparts, dans la nuit du 31 décembre 1775, alors qu’il montait à l’assaut de la ville de Québec, à la tête d’un fort détachement dont la science stratégique n’égalait pas la bravoure. Le siège fut remis au printemps.

Mais le printemps amena neuf mille hommes de troupes européennes et la fortune changea de camp.

Au départ de Montgomery, David Wooster avait pris le commandement à Montréal. L’échec devant Québec rendait précaire l’occupation américaine, et le gouvernement provisoire de Montréal, comme tout pouvoir faible et instable, dut être parfois abusif et tracassier. Une autorité forte se contente de gouverneur, un pouvoir mal établi veut au contraire dominer par l’arbitraire. On ne voit pas cependant que les Montréalais aient eu beaucoup à se plaindre des Américains durant les quelques mois de leur occupation militaire.

Le 6 janvier 1776, Wooster ordonna à tous les officiers de milice de remettre leurs commissions entre ses mains pour en recevoir de nouvelles au nom du Congrès de Philadelphie. L’ordre ne paraît pas avoir été rigoureusement exécuté. En tout cas, il y eut une certaine opposition à cette mesure et l’on dit que le colonel D. Desaulniers, le lieutenant-colonel Neveu Sevestre, les majors St-Georges-Dupré et Edward William Gray entre autres furent priés d’abandonner leur charge et de se retirer à Chambly.

À la vérité, on connait peu de choses des activités officielles américaines au temps de l’occupation, et à peu près rien des réactions de la population urbaine. Si les Canadiens de Montréal avaient pris peu de part à la défense de leur ville contre l’envahisseur, il faut admettre qu’ils ne se jetèrent pas avec plus d’enthousiasme dans les bras des Américains. En fait, ils n’avaient d’inclination ni pour les Anglais de la conquête, ni pour les Américains de la rébellion.

Malgré le peu d’attirance de la révolution sur les esprits, le Congrès, prenant au sérieux l’aventure de ses troupes expéditionnaires, envoya des délégués diplomates pour gagner la population à sa campagne de liberté, Benjamin Franklin, Samuel Chase et Charles Carroll, auxquels s’était joint le jésuite, John Carroll, furent choisis comme émissaires du Congrès. Ils avaient pour mission d’exposer aux Canadiens les intentions du gouvernement provisoire américain sur l’avenir du Canada et faire l’article de propagande en faveur de la liberté dans toute l’Amérique du Nord.

Les délégués, tous hommes de valeur, reçurent cepedant un accueil plutôt froid, surtout de la part du clergé et des notables, militaires ou civils, qui, à peu près tous défendaient l’allégeance à la couronne britannique. Le Séminaire de St-Sulpice paraissait très attaché au pouvoir royal et se tenait en correspondance suivie avec les autorités anglaises du pays. (Archives canad.: Fond S.-Sulpice, correspondance des gouverneurs anglais avec le Séminaire).

Le gouvernement devait plus tard reconnaître ces bons services en empêchant les sulpiciens de se recruter au pays ou de faire venir de leurs sujets de France; il alla même jusqu’à remettre en question la légitimité de leurs titres de propriété. Dans le moment il profitait de leur action sympathique et de leur influence sur la population de Montréal.

Au mois de juin, Carleton envoyait des régiments anglais reprendre possession de Montréal; mais les Amé ricains n’avaient pas attendu l’apparition des troupes britanniques pour évacuer la ville et regagner la frontière.

Alors que le général Gordon, à la tête de son régiment, pénétrait à l’intérieur des murs, le général de brigade Fraser et le général allemand Riedesel, qui commandait des troupes de Brunswick, campèrent à Longueuil et à Laprairie. Les troupes allemandes furent, dans la suite, établies par petits détachements dans les campagnes environnant Montréal et le major French, secondé par de nombreux soldats en garnison, établit une sorte de gouvernement militaire dans la métropole même. Les milices, dont les services n’étaient plus requis, furent momentanément renvoyées dans leurs foyers. L’aventure américaine en territoire canadien était terminée, par le retour des forces anglaises dans le district de Montréal. La cause de la liberté allait maintenant se défendre et se gagner dans les anciennes colonies.

La lutte durera encore sept ans, au cours desquels le Canada, et Montréal tout particulièrement, devront supporter tous les inconvénients de la guerre civile sans en retirer aucun avantage.

Voilier à Montréal
Voilier à Montréal. Photo de GrandQuebec.com.

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