Bleuets au Québec

Bleuets au Québec

Il y a bleuets et « Beluets »

Le bleuet, connu aussi comme airelle ou myrtille, connaît dans la région du Saguenay une immense popularité. On dit que les premiers colons français, impressionnés par la taille du fruit, nommèrent cette myrtille d’Amérique « bleuet », utilisant le mot qui, à l’époque, désignait une grosse tache d’encre bleue. Les habitants du Lac-Saint-Jean ont par la suite hérité du surnom, souvent prononcé « beluet », qui leur reconnaît une appartenance et une prépondérance égales à celles de cette baie dans leur région.

Les bleuets au Québec poussent à l’état sauvage dans les terrains peu fertiles, les tourbières, par exemple, et les zones déboisées par les brûlis. La fréquence des feux de forêt dans la région du Lac-Saint-Jean avant les années 1950 favorisait le rendement des superficies productives de ce fruit. En raison du raffinement des moyens utilisés contre les incendies forestiers, les bleuets, se sont raréfiés. La cueillette en milieu naturel a donc cédé la place à la récolte dans les bleuetières aménagées. Le bleuet est répandu plus particulièrement dans les parties nord et ouest du lac Saint0Jean sur des sols sablonneux propres à ce type de culture.

Jusqu’à 10 millions de kilogrammes de bleuets  au Québec sont récoltés annuellement au Saguenay-Lac-Saint-Jean, ce qui représente 90% de la production québécoise. Depuis la fin du XXe siècle, la récolte dans les bleuetières a connu un essor remarquable, passant de 530 000 kg dans les années 1980 à 6 millions de kilogrammes en 1997, grâce à l’utilisation d’herbicides qui stimulent le rendement, aux aménagements pour la prévention des gels hâtifs et à l’agrandissement des superficies de culture. La récolte des bleuets varie énormément en fonction des conditions climatiques. Il peut même arriver que le gel des fleurs au printemps compromette sérieusement la production de l’année.

On exploite aujourd’hui des bleuetières pour un rapport de 1 000 kilogrammes de fruits par hectare la première année et environ 500 kilogrammes par hectare l’année suivante. Un peut partout, la bleuetière ne sert pas uniquement à produire des bleuets. On y développe concurremment l’apiculture, certaines activités forestières et touristiques, ainsi que la mise en valeur de la faune. Plusieurs centaines de personnes s’intéressent chaque année à la culture des bleuets dans la région; elles profitent habituellement du moment opportun pour effectuer la cueillette, soit entre la fin de juillet et le début de septembre. Les bleuets sont également récoltés en milieu forestier.

Soulignons qu’il existe plusieurs variétés de bleuets sur le continent : le bleuet sauvage, Vaccinium angustifolium, aussi appelé bleuet nain ou airelle à feuilles étroites, est en général prédominant autour du lac Saint-Jean.On la confonde couramment avec l’airelle fausse-myrtille (Vaccinium myrtilloides), moins présente mais presque identique, si l’on excepte ses feuilles légèrement velues. Dans d’autres régions du Québec, on privilégie le bleuet géant ou en corymbe (Vaccinium corymbosum), qui étale des buissons de 1 à 4 mètres et produit des fruits plus gros.

Notons que la myrtille (V. ,yrtillus) est une espèce européenne originaire d’Euroasie ; elle pousse à l’état sauvage dans les landes et sur les montagnes boisées. Elle croît sur un buisson ramagé atteignant de 20 à 60 cm de haut, dont le feuillage vert devient rouge foncé à l’automne. Elle apparaît en petites grappes après la floraison de fleurs blanches ombellées. C’est un fruit bleu foncé d’un diamètre d’environ 8 mm.

(Source : Rivières du Québec, Découverte d’une richesse patrimoniale et naturelle. Par Annie Mercier et Jean-François Hamel. Les éditions de l’Homme, une division du groupe Sogides).

Bleuets au Québec, source de l’image : commons.wikimedia.org/wiki/File:Vaccinium_angustifolium0.jpg.

Extraits de « Maria Chapdelaine » de Louis Hémon sur la collecte des bleuets

Le beau temps continua et dès les premiers jours de juillet les bleuets mûrirent.

Dans les brûlés, au flanc des coteaux pierreux, partout où les arbres plus rares laissaient passer le soleil, le sol avait été jusque-là presque uniformément rose, du rose vif des fleurs qui couvraient les touffes de bois de charme ; les premiers bleuets, roses aussi, s’étaient confondus avec ces fleurs ; mais sous la chaleur persistante ils prirent lentement une teinte bleu pâle, puis bleu de roi, enfin bleu violet, et quand juillet ramena la fête de sainte Anne leurs plants chargés de grappes formaient de larges taches bleues au milieu du rose des fleurs de bois de charme qui commençaient à mourir.

Les forêts du pays de Québec sont riches en baies sauvages. Les atacas, les grenades, les raisins de cran, la salsepareille ont poussé librement dans le sillage des grands incendies ; mais le bleuet, qui est la luce ou myrtille de France, est la plus abondante de toutes les baies et la plus savoureuse. Sa cueillette constitue de juillet à septembre une véritable industrie pour les familles nombreuses qui vont passer toute la journée dans le bois, théories d’enfants de toutes tailles balançant des seaux d’étain de toutes tailles, vides le matin, emplis et pesants le soir. D’autres ne cueillent les bleuets que pour eux-mêmes, afin d’en faire des confitures ou les tartes fameuses qui sont le dessert national du Canada français.

Deux ou trois fois au début de juillet Maria alla cueillir des bleuets avec Télesphore et Alma-Rose ; mais l’heure de la maturité parfaite n’était pas encore venue, et le butin qu’ils rapportèrent suffit à peine à la confection de quelques tartes de proportions dérisoires.

— Le jour de la fête de sainte Anne, dit la mère Chapdelaine en guise de consolation, nous irons tous en cueillir ; les hommes aussi et ceux qui n’en rapporteront pas une pleine chaudière n’en mangeront pas.

Le lendemain fut une journée bleue, une de ces journées où le ciel éclatant jette un peu de sa couleur claire sur la terre. Le jeune foin, le blé en herbe, étaient d’un vert infiniment tendre, émouvant, et même le bois sombre semblait se teinter un peu d’azur.

François Paradis redescendit l’échelle au matin métamorphosé, en des vêtements propres empruntés à Da’Bé et à Esdras et quand il eut fait sa toilette et se fut rasé, la mère Chapdelaine le complimenta sur sa bonne mine.

Une fois le déjeuner du matin pris tous récitèrent ensemble un chapelet à l’heure de la messe, et après cela le long loisir merveilleux du dimanche s’étendit devant eux. Mais le programme de la journée était déjà arrêté : Eutrope Gagnon arriva comme ils finissaient le dîner, qui avait été servi de bonne heure, et aussitôt après ils partirent tous, munis d’une multitude disparate de seaux, de plats et de gobelets d’étain.
Les bleuets étaient bien mûrs. Dans les brûlés le violet de leurs grappes et le vert de leurs feuilles noyaient maintenant le rose éteint des dernières fleurs de bois de charme. Les enfants se mirent à les cueillir de suite avec des cris de joie ; mais les grandes personnes se dispersèrent dans le bois, cherchant les grosses talles au milieu desquelles on peut s’accroupir et remplir un seau en une heure. Le bruit des pas sur les broussailles et dans les taillis d’aulnes, les cris de Télesphore et d’Alma-Rose qui s’appelaient l’un l’autre, tous ces sons s’éloignèrent peu à peu et autour de chaque cueilleur il ne resta plus que la clameur des mouches ivres de soleil et le bruit du vent dans les branches des jeunes bouleaux et des trembles.

— Il y a une belle talle icitte, appela une voix.

Maria se redressa, le cœur en émoi, et alla rejoindre François Paradis qui s’agenouillait derrière des aulnes. Côte à côte ils ramassèrent des bleuets quelque temps avec diligence, puis s’enfoncèrent ensemble dans le bois, enjambant les arbres tombés, cherchant du regard autour d’eux les taches violettes des baies mûres.

— Il n’y en a pas guère cette année, dit François. Ce sont les gelées du printemps qui les ont fait mourir.

Il apportait à la cueillette son expérience de coureur des bois.

— Dans les creux et entre les aulnes… La neige sera restée plus longtemps et les aura gardés des premières gelées.

Ils cherchèrent et firent quelques trouvailles heureuses – de larges talles d’arbustes chargées de baies grasses, qu’ils égrenèrent industrieusement dans leurs seaux. Ceux-ci furent pleins en une heure ; alors ils se relevèrent et s’assirent sur un arbre tombé pour se reposer.

Regroupement des bleuetières de la Chaudière-Appalaches. Horaire : juillet à septembre. Le Regroupement, c’est 20 bleuetières qui ont votre bonheur et celui de vos papilles à cœur !

Voir aussi :

Laisser un commentaire