Un prisonnier habile
Dollier de Casson, racontant les événements qui se déroulent à Montréal, cite l’histoire d’un Français habile à se sauver :
(En 1672), ce Français s’est sauvé dix ou douze fois tant ici (à Montréal) qu’à Québec et ailleurs dans lesquels endroits les serruriers ont perdu leur crédit à son égard, les charpentiers et maçons y ont tombé en confusion les menottes lui étaient des mitaines, les fers aux pieds des chaussons et le carcan une cravate : qu’on lui fasse des ouvrages de charpente propres à enfermer un prisonnier d’état, il en sort aussi aisément qu’un moineau de sa cage lorsque la porte en est ouverte ; il trouvait si bien le faible d’une maison qu ‘enfin il n’y a point de muraille à son épreuve; il tirait les pierres aussi facilement des murailles que si les maçons y avaient oublié le ciment et leur industrie ; bref, il s’est laissé reprendre plusieurs fois comme s’il avait voulu insulter tous ceux qui voulaient se mêler de le garder. Une fois, devant trois hommes qui l’avaient pris, lié, garrotté les mains derrière le dos, il se délia sans qu’aucun des trois hommes s’en aperçut… »
M. Dollier de Casson continue sur ce ton et termine en faisant connaître le dernier exploit de l’habile homme. « Ayant été pris, il y a quelques mois et remis entre les mains de six ou sept hommes bien armés de chacun son fusil, ces hommes ayant placé toutes leurs armes en un endroit pour jouer au pallot, leur prisonnier trouva à propos d’interrompre leur partie pour commencer la sienne ; il sauta sur les fusils, les prit tous sous son esselle comme autant de plumes provenues de ces oisons bridés et avec un des fusils il coucha tous ces gens en joue, promettant qu’il tuerait le premier qui approcherait. Ainsi reculant peu à peu en faisant face il a pris congé de la compagnie et emporté tous les fusils. »
M. Dollier de Casson ajoute qu’on ne le revit pas. Il avait bien mérité sa liberté.
