
Histoire de « Son et lumière »
Robert-Houdin, le magicien des temps modernes
«Son et Lumière » naquit à Chambord, le 30 mai 1952, un soir de printemps, au cours d’un violent orage qui surprit dans le parc, Paul Robert-Houdin, Architecte des Monuments Historiques.
Conservateur du château de Chambord, petit-fils du célèbre illusionniste du Second Empire.
Cette tempête surgissant soudain l’obligea à chercher un abri non loin du château.
A la lueur fulgurante des éclairs, il eut la révélation d’une idée qui devait par la suite transformer la vision d’un monde à la découverte de son passé prestigieux. Par intermittence, la lumière jaillissait de la nuit obscure, illuminant la masse imposante du château qui surgissait soudain, dans tout l’éclat de sa puissante et délicate architecture.
Impressionné par la splendeur d’un tel spectacle, en un instant il conçut l’idée d’un éclairage artificiel, dont le jeu scénique pourrait se substituer au feu du ciel, et en prolonger l’enchantement.
En tentant de réaliser ce projet par des expériences successives, Paul Robert-Houdin ne faisait que suivre une tradition familiale, puisque son grand-père, en 1851, se servit des premières ampoules électriques qui venaient d’être inventées, pour éclairer le parc de sa propriété en proclamant : «sans la lumière il n’y a pas de vie».
Cette étonnante anticipation, dont on parla beaucoup à l’époque se révéla concluante, mais resta sans lendemain. Son souvenir resta profondément gravé dans l’esprit du petit-fils, qui avait maintes fois écouté le récit en songeant qu’il pourrait à son tour reprendre et compléter l’expérience.
Le premier essai d’illumination d’un monument eut lieu à Strasbourg, en novembre 1918, ou la cathédrale lors de l’armistice qui mettait fin à la guerre, fut éclairée par tous les projecteurs de la «Défense contre avions» désignée plus communément par les initiales DCA. C’est alors que, pour la première fois on put voir apparaître en pleine lumière les merveilleux détails, des sculptures, et tout à la fois l’harmonie de l’ensemble architectural. Paul-Robert Houdin connut un premier triomphe, qui le détermina à rechercher par quels moyens, encore mieux approprié, il pourrait obtenir que soient mis en pleine valeur les monuments de France.
En 1925, pour la plus grande joie des Parisiens, eurent lieu les premiers grands éclairages des monuments de Paris: la Place de la Concorde, l’Eglise de la Madeleine, l’Arc de Triomphe. La capitale de la France fut donc la première ville du monde à avoir ses monuments illuminés.
En 1936, on réalisa les premières illuminations des châteaux de la Loire, en commençant par l’éclairage du château de Chambord, ainsi que celui des principaux château de Touraine. Pour la première fois un décor lumineux, dont la toile de fond n’était autre que des châteaux sortis de l’ombre, surgissait devant les yeux éblouis des touristes.
Mais pour Robert-Houdin, il restait encore à résoudre le problème du son, problème dont il avait eu la prescience lors de l’orage survenu à Chambord.
Pourquoi ne pas remplacer le bruit du tonnerre par celui d’une ou plusieurs voix ?
Après de longues recherches et de nombreux essais, l’application du son aux monuments éclairés était résolue. Robert-Houdin avait compris que les «Sons et Lumières» ne s’improvisent pas, qu’ils «se pensent» et se construisent, en plusieurs étapes, dont les principales sont les recherches historiques sur l’origine et l’évolution architecturale du château ou du monument. Il convenait ensuite d’établir un scénario et un texte préalablement écrits avec le concours d’un musicien, d’un metteur en scène, et de plusieurs techniciens, afin que l’ensemble du programme sonore fut à la fois historique, artistique et technique.
Il s’agissait ensuite de procéder à l’enregistrement séparé des textes, et à celui de la musique adaptée au scénario, après quoi est introduite la stéréophonie qui étudie le déplacement et la force des sons placés dans l’espace en fonction du texte.
La mise au point du plan «Son et Lumière» étant définitivement fait Paul Robert-Houdin se préparait à en surveiller diverses applications, quand survint la guerre de 1940. Toutes les expériences furent arrêtées et ne furent reprises qu’en 1946.
Ce fut à Londres, en 1957, qu’eut Heu, pour la première fois, hors de France, l’expérience «Sons et Lumières» qui connut un succès retentissant, et incita de nombreux pays étrangers à éclairer leurs monuments suivant la méthode mise au point par Paul Robert-Houdin.
L’exemple était suivi, en raison même d’un précédent illustre, celui du château de Versailles qui avait été, dès l’origine de l’invention, l’objet d’une renommée mondiale.
La réalisation de «Son et Lumière» de Versailles, qui à l’époque coûta 150 millions d’anciens francs, fut très rapidement amortie, tant fut grand l’afflux des visiteurs.
Parmi les villes étrangères qui ont été récemment illuminées, il faut citer aux Etats Unis, Philadelphie, qui fit appel à Robert-Houdin pour éclairer et sonoriser le monument de l’Indépendance Hall, lequel évoque l’indépendance des Etats Unis. Cette sonorisation lumineuse inaugurée le 4 juillet 1962 coûta 200 millions d’anciens francs français.
On peut dire qu’actuellement, tous les pays du monde ont fait appel à la compétence de Paul Robert-Houdin pour mettre en valeur leur patrimoine artistique national, et innover ainsi un tourisme nocturne dont le succès, à travers le monde est sans cesse grandissant. Tel est désormais, l’hommage que le monde moderne, si épris de lumière, continue de rendre au grand savant français qui a mérité d’être nommé «le magicien des temps modernes ».
G.J.P.
Reproduit de : LISEZ et CHOISISSEZ, Secrétariat général : 47, Boulevard Lannes.
L’Inter, mai 1963.

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