Grandeur et décadence du masque

Histoire du masque : Grandeur et décadence du masque

L’origine du masque se perd dans la nuit du temps. On croit que les Chinois et les Égyptiens l’ont connu et utilisé les premiers. Le masques égyptiens, destinés surtout à recouvrir la tête des momies, se fabriquaient avec du cartonnage ou du bois peint recouvert de feuilles d’or ou de verreries, avec des yeux postiches fichés dans la cire.

Chez les Grecs et chez les Romains, le masque fut d’abord un accessoire de théâtre. Il couvrait toute la tête, y compris 1a chevelure, les oreilles et la barbe et devait avoir la plus grande ressemblance possible avec le personnage qu’on voulait représenter. En Grèce, il y eut jusqu’à vingt-cinq espèces de masques tragiques et jusqu’à quarante espèces de masques comiques. Les masques primitifs furent confectionnés d’abord avec des feuilles et des écorces d’arbres, puis avec du cuir doublé de toile ou d’étoffe, enfin avec du bois ou des matières plus précieuses. Le British Museum, de Londres, possède ainsi, un masque très ancien constitué par une mosaïque de malachite.

Le masque fut longtemps en honneur 1ors des fêtes romaines des Saturnales et des Lupercales. Mais son véritable triomphe ne s’affirma aux carnavals de Rome, de Florence ou de Venise. Il y avait alors des musqués en cire, moulés sur nature, coloriés par de véritables artistes qui reproduisaient fidèlement la figure de personnalités connues. D’autres s’inspiraient de la physionomie d’œuvres d’art célèbres. C’est ce que la baronne de Staël a noté dans Corinne: « On trouve, à Rome genre de masques qui n’existent point ailleurs. Ce sont des masques pris d’après 1es figures des statues antiques et qui, de loin, imitent une parfaite beauté. Souvent, les femmes perdent beaucoup en les quittant ».

À Florence, on se servait parfois d’un simple nez postiche mais qui, parfaitement adapté à la figure de celui qui le portait en changeait complètement le caractère.

Les frères de Goncourt, en décrivant un carnaval de Venise, en arrivaient à dire: « Blancs étaient tous les masques, des hommes et des femmes, avec le bord des paupières teinté de carmin, avec de grosses lèvres peintes en rouge brique et le carton des joues brutalement fardé. »

Au quinzième siècle, Venise sembla monopoliser non seulement l’exploitation des masques encore leur fabrication.

Dès le quatorzième siècle, le masque était connu en France. Des seigneurs en portaient aux fêtes données à l’occasion du mariage de Charles VI. Mais ce ne fut que sous François 1er qu’apparut chez nous le loup vénitien. Il était en velours ou en satin noir et se fixait au moyen d’un fil terminé par une boule de verre qu’on devait retenir dans sa bouche. Ce petit masque fut beaucoup de vogue, on le portait partout au bal, en soirée, au théâtre, voire en promenade. Malheureusement les abus qu’il favorisa furent si nombreux qu’ils motivèrent successivement de nombreuses ordonnances visant à le supprimer ainsi que les autres genres de masques. On interdit notamment ceux qui reproduisaient des figures d’animaux, jugés dégradants, pour la dignité humaine. On alla jusqu’à ordonner la saisie des masques chez les marchands. On donna même aux archers de la capitale l’ordre courir sus tout homme masqué, hors le temps de carnaval et de l’occire immédiatement ». Ce qui n’empêcha pas quelque temps après, Henri III et ses mignons de le livrer à maintes orgies sous le couvert du masque.

Sous Henri IV, le masque resta à la mode. port en étant réservé, du reste, aux grands seigneurs et aux dames de qualité.

Louis XIV porta et fit porter autour de lui des masques luxueux, presque toujours garnis de dentelles d’un grand prix : celui qu’il offrit, pour le restant de ses jours, au traître Mattioli surnommé l’homme « au masque de fer », bien moins fastueux, consistait en un loup très large de velours noir, pourvu de ressorts d’acier.

Quant à Napoléon, il ne dédaignait pas non plus de se déguiser et de porter un loup dans les somptueuses soirées impériales, ne se montrant jamais si enchanté que lorsqu’on l’y bousculait un peu assurant ainsi la certitude qu’il n’était pas reconnu.

Jusqu’à la fin du dix-huitième siècle, l’Italie avait le monopole de la fabrication des masques. Vers cette époque, la France le lui ravit. Dans la première partie du dix-neuvième siècle, il y eut, à Paris, jusqu’à dix-sept maisons qui travaillaient d’un bout de l’année à l’autre à la fabrication des masques, sans morte-saison. De grands artistes, parfois même des membres de l’Institut, ne dédaignaient pas, à l’occasion, d’exécuter des modèles de masques. Les Chinois et les Japonais en créèrent également qui furent de véritables chefs d’œuvre.

Puis, avec les carnavals, les bœufs gras et les bals de l’Opéra, le masque de carton-pâte, qui avait fait fureur pendant près de deux siècles, tomba en pleine décadence.

On peut le regretter. On doit le regretter surtout en constatant qu’un autre masque indésirable commence à nous faire la grimace : le masque contre les gaz, le masque de la guerre moderne qui ressemblant à une trompe d’éléphant ou à un groin de porc, est bien le plus hideux et le plus effroyable qu’un puisse imaginer.

Henri Nicolle, de la Société des Gens de lettres, texte publié en août 1940 dans le journal Le Canada.

Voir aussi :

masque
Masque ancien.

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