Les galaxies et la Voie lactée

Les Galaxies et la Voie lactée

Les galaxies

À une très grande échelle, nous habitons un univers de galaxies. En effet, des amas galactiques emplissent l’Univers. Une centaine de milliards peut-être, exemples exquis d’architecture et d’effondrement cosmiques où l’ordre et le désordre règnent à part égale.

L’abondance des galaxies, leur forme nous racontent à une échelle grandiose les épisodes d’une très vieille histoire que nous commençons à peine à déchiffrer.

Certains ne sont que d’insignifiantes, de misérables collections de quelques dizaines de galaxies (celui qu’on nomme affectueusement le Groupe Local n’en contient que deux, vastes, l’une et l’autre spirales : la Voie Lactée et M31.

D’autres amas galactiques comprennent des hordes de galaxies unies dans un enlacement gravitationnel. On soupçonne que l’amas galactique de la Vierge en contient des dizaines de milliers de galaxies.

On connaît des galaxies spirales dont certaines se présentent devant nous de face, avec leur bras spiraux, galaxies barrées en leur centre d’une zone de gaz et de poussière qui relie des bras spiraux opposés; galaxies elliptiques géantes contenant plus d’un millier de milliards d’étoiles parce qu’elle ont avalé, englobé d’autres galaxies ; pullulement de galaxies elliptiques naines, moucherons galactiques ne contenant chacun que quelques millions de soleils ; immense variété de galaxies irrégulières qui prouvent qu’en certains points du monde galactique quelque chose a mal tourné. Celles galaxies, en fin, dont les orbites sont si proches que leurs bords sont infléchis par la gravité de leurs compagnes, et que parfois des banderoles de gaz et d’étoiles s’étirent, formant un pont gravitationnel de galaxie à galaxie.

Quelques amas de galaxies ont leurs formations groupées selon une géométrie incontestablement sphérique. Ces amas se composent principalement de galaxies elliptiques, souvent dominées par l’une d’entre elles, une géante appelée sans doute à devenir une cannibale galactique.

D’autres amas, à la géométrie beaucoup plus désordonnée, comptent davantage de galaxies spirales et irrégulières. Des collisions galactiques altèrent une configuration originellement sphérique et peuvent également contribuer à la genèse de galaxies spirales et irrégulières à partir d’elliptiques.

Distant Galaxy
Une galaxie est surtout faite de rien si vastes sont les espaces entre les étoiles. Image : Distant Galaxie © Megan Jorgensen.

La Voie lactée

Fr. Robert, écoles chrétiennes

Causerie prononcée au déjeuner-causerie du Cercle Universitaire de l’Université de Montréal, le 30 octobre 1941.

Dans le royaume des mathématiques, surtout depuis la publication de deux ouvrages : « Mathematics and the Imagination » (Edward Kasner) et « Development of Mathematics » (Bell), il est possible et même facile de trouver des sujets convenant à la période béate qui suit ; un excellent repas ; on peut, en effet, parler de choses magnifiques se rapportant aux spéculations les plus graves et cela sans signes effarants ni calculs sans fin.

Cependant, un entretien astronomique serait mieux à propos, semble-t-il, et je me suis rappelé que Fontenelle entretenait ses marquises des merveilles célestes sans exiger d’elles plus qu’une attention amusée. Or les découvertes d’aujourd’hui sont plus étonnantes que ne pouvait le soupçonner Fontenelle et les rêves des savants d’autrefois ne pouvaient même entrevoir le merveilleux de la réalité.

J’ai l’intention de parler de notre Voie lactée, de notre Galaxie, de la région de l’espace où gravitent notre soleil, son cortège de planètes, les étoiles nos voisines, les astres puissants rouges ou bleus, les amas stellaires dont nous connaissons l’existence, de notre domaine enfin, de cette portion d’univers que nous habitons – tellement immense que la science astronomique pourrait se borner à l’explorer – si nous ne connaissions d’autres agglomérations de soleils aussi vastes, dispersées dans les solitudes, qui fuient dans l’espace s’effaçant dans l’infini et qui donnent de l’univers une conception tellement grandiose qu’elle en semble irréelle.

Pour traiter un aussi beau sujet, je vais m’inspirer surtout d’un livre tout récent publié par les astronomes de Harvard: « The Milky Way ». Quelle que soit mon application rien ne saurait remplacer la lecture de ce maître livre écrit pour tous les fervents des choses du ciel. Peut-être aurai-je la joie bientôt d’offrir quelques conférences sur ce sujet que je ne ferai qu’esquisser aujourd’hui et de mettre ainsi des gens de bonne volonté en mesure d’admirer avec plus de profit les merveilles que nous présente la Voie lactée.

La Voie lactée a été chantée par la poésie de tous les temps et je ne m’arrêterai pas à redire les légendes qui la célèbrent ; on y retrouverait les héros de l’antiquité et les dieux les plus illustres, et il faudrait rappeler les chansons de gestes et le grand Charlemagne à qui ce chemin laiteux indiquait l’Espagne où il devait guerroyer.

La Voie lactée se présente comme un nuage léger, blanchâtre, faisant un tour complet du ciel, anneau non homogène, parfois lâche et interrompu, sectionné par une sorte de fleuve noir, nuée sombre cachant les poussières d’astres du fond du ciel.

Les hommes de toutes les civilisations ont dû rêver devant ce bandeau étincelant formé d’étoiles innombrables. Mais les instruments pour l’explorer ont manqué longtemps et ce n’est que depuis peu que l’on est en mesure de connaître dans son ensemble cet amas d’étoiles, de le mesurer, de calculer sa masse et d’évaluer son âge.

L’habitant de la banlieue d’une grande ville qui ne pourrait s’éloigner de son voisinage mais voudrait se faire une idée juste de la cité aurait un problème analogue au nôtre à résoudre. Tout d’abord, voyant des maisons dans toutes les directions autour de lui, cet observateur se croirait au centre de la ville. Quelque jour il apprendrait la trigonométrie et se rendrait compte que les plus belles lumières sont pour la plupart hors d’atteinte ; peut-être soupçonnerait-il que sa maison n’est pas la plus puissante de toutes, mais ce n’est qu’après beaucoup de mesures qu’il arriverait à découvrir la splendeur de la métropole dont il ne connaît qu’un point.

L’étude télescopique du ciel montre les étoiles lumineuses dispersées dans toutes les directions mais les étoiles faibles sont accumulées dans le voisinage de la Voie lactée. Si notre lunette était suffisamment puissante nous trouverions de même les amas d’étoiles dans la Voie lactée tandis que les nébuleuses spirales l’évitent absolument. Reprenant la comparaison de tout à l’heure, je me rends compte que les groupes de maisons que j’aperçois au loin sont dans une même direction.

La Voie lactée s’étend donc dans cette direction privilégiée et puisque les étoiles de faible éclat – donc apparemment les étoiles les plus éloignées – se pressent dans cette direction, il doit en être ainsi du système entier. Cette agglomération de plus doit être aplatie car si les étoiles sont nombreuses au voisinage de l’équateur galactique, dans une direction à angle droit elles le sont beaucoup moins : donc notre amas d’étoiles a plus ou moins la forme d’un disque dont nous n’occuperions pas le centre. Lorsque les astronomes ont proclamé que notre soleil n’était pas le centre de la Voie lactée, l’orgueil humain a dû subir une rude épreuve ; il est possible que l’on ait cru que ces hommes audacieux étaient des pessimistes et des traîtres à l’humanité, au soleil, peut-être à Dieu lui-même.

Depuis peu les méthodes et les instruments précis rendent possibles les calculs des distances stellaires. Par des procédés trigonométriques on a d’abord déterminé les distances de nos proches voisines, mais dès que l’éloignement dépasse quelques centaines d’années lumière, le calcul simple est impuissant.

Voici ce que l’astronome sait en ce qui concerne les étoiles les plus accessibles.

D’abord les plus brillantes ont attiré son attention ; elles n’ont pas le même éclat et on leur a assigné des magnitudes ou grandeurs ; puis le spectroscope les a partagées en classes d’après leurs spectres, leurs couleurs et leurs températures superficielles.

Elles sont désignées par les lettres OBAFGKMRNS. Les plus chaudes sont de la classe 0 ; celles de la classe B sont bleues comme Rigel, les étoiles A sont blanches comme Sirius, enfin le soleil est jaune de la classe G comme Capella, et Bételgeuse est rouge de classe M. I. Les 20 étoiles les plus remarquables, celles qui ont un nom : Rigel, Antarès, Bételgeuse, Capella… ont une magnitude absolue plus grande que le soleil ce qui veut dire que le soleil placé à la distance où elles se trouvent nous paraîtrait moins brillant qu’elles.

Ces 20 étoiles, de plus, sont de toutes les couleurs mais les bleues et les blanches dominent. Leurs distances sont diverses variant depuis quelques années (Sirius 8.6 années) jusqu’à 540 années pour Rigel. Ces astres brillants ne nous renseignent pas sur la sphère de rayon moyen dont nous occupons le centre.

Il est donc intéressant d’étudier ces étoiles que nous trouvons par exemple à moins de 16 années lumière. La liste des étoiles brillantes ne contient que des étoiles géantes tandis que seules des étoiles naines figurent dans cette seconde. Nous ne trouvons plus d’étoiles rouges ou d’étoiles géantes B ou G.

Nos voisines sont des rouges naines formant la moitié du nombre total. Parmi ces naines il y a plusieurs naines blanches aux densités énormes que la science ne connaît que depuis quelques années. Notre sphère contient donc surtout des étoiles petites et rouges; les étoiles doubles ou multiples y sont relativement nombreuses et comme dans ce rayon de 16 années lumière nous ne rencontrons que 47 étoiles, c’est en somme le vide complet. Le brave homme de l’un des faubourgs vient de se rendre compte que tout autour de sa maison, elle-même petite, il n’y a que d’autres maisons petites et sans relief ; les belles maisons, le gratte-ciel qu’il voit sont bien loin ; il est tout étonné de constater que son faubourg est presque désert; les terrains vagues y sont nombreux. Pourtant, il pensait bien que de partout on regardait vers lui. Il n’est pas malheureux sans doute puisqu’il évite la foule mais on ne parle pas souvent de lui et ceux qui écriront.

Nous voulons connaître comment sont réparties les étoiles de magnitudes absolues très grandes ; or pour trouver des étoiles B ou des géantes M, il faut aller tellement loin que nous ne pouvons analyser actuellement la sphère qui les contient.

Il n’est pas à propos de décrire ici les méthodes appelées spectroscopiques qui nous permettent de calculer les distances d’étoiles lorsque la trigonométrie devient impuissante, m même les observations ingénieuses qui nous donnent une idée suffisamment précise des distances moyennes de certaines, des étoiles A par exemple. Or, pour les étoiles A elle est de l’ordre de 350 années de lumière. Toujours, dans une sphère quelconque, il y a un très grand nombre d’étoiles de faible éclat dont la luminosité n’atteint pas la dix-millième partie de celle du soleil. Notre soleil qui n’est pas un général dans l’armée céleste, y est au moins un gradé et les simples soldats petits et rouges sont là encore le grand nombre.

Pour parvenir à se faire une idée exacte de la forme de la Galaxie, il faut avoir recours aux groupes d’étoiles, aux novae, aux nébuleuses planétaires afin de nous faire une idée des distances.

Notre habitant de la banlieue pourrait procéder de la sorte en étudiant les distances des monuments importants de sa ville, qui semblent en marquer les bornes : ponts, montagnes, maisons géantes. Or il existe des groupes comme celui des Pléiades et du Taureau dont les étoiles sont réellement voisines voyageant en caravanes dans l’immensité.

Ils sont quelques centaines et assez facilement on trouve leurs distances.

Puis, un peu partout, on découvre des étoiles remarquables, palpitantes, appelées céphéïdes, vacillant régulièrement. Il existe une relation entre leur période et leur grandeur absolue ; comme leur magnitude relative est connue on peut prévoir leurs distances. C’est comme si les phares à éclipse de l’océan obéissaient à la loi suivante : plus leur période est longue plus ils sont lumineux.

Nous n’aurions qu’à observer la fréquence d’un feu pour en déduire l’éclat, puis connaissant l’énergie lumineuse que nous recevons nous calculerions sa distance. C’est par les céphéïdes que l’on peut situer plusieurs amas d’étoiles ; on peut même sortir de notre Voie lactée et obtenir les distances des nébuleuses spirales. Shapley put ainsi se rendre compte que les distances des amas stellaires sont très grandes, de l’ordre de 50,000 années de lumière.

Il est possible de se faire une idée schématique de la Voie lactée. C’est un amas oblong dont le diamètre le plus grand atteint 100,000 années de lumière. Nous ne sommes pas au centre mais à mi-chemin sur l’un des bras, à 30,000 années du centre. La densité des étoiles y est très variable ; au centre il y a une forte concentration en contraste avec la région voisine du soleil. Si la voie lactée rappelle une éponge gigantesque nous serions tout près de l’une des alvéoles, très loin de l’accumulation centrale.

Frère Robert des F.E.C., Docteur ès-sciences de l’Université de Lille.

Voir aussi :

Schwartz et les galaxies (extrait)

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