Le futur des examens pour le permis de conduire

L’examen pour le permis de conduire de demain

Prévisions sur l’examen pour le permis de conduire dans le futur… Un texte curieux paru dans le quotidien montréalais Le Petit Journal, le 4 juillet 1937.

Au cours des quatorze dernières années, environ 1800 000 hommes, femmes et enfants ont été tués ou blessés, par des automobiles, sur les routes de Grande-Bretagne.

Nous ne savons pas ce que donneraient chez nous, au Québec, des statistiques analogues à celles qui ont servi à établir ce bilan: mais il est probable qu’elles seraient proportionnelles.

Un chiffre aussi considérable a ému les autorités compétentes, et elles envisagent des mesures dont l’ensemble intéresse les chauffeurs de toutes lies nationalités.

Notre confrère « Pearson’s », notamment, nous fait connaître tout un plan d’examens « psychotechniques », étudié par l’Institut national de Psychologie industrielle, examens qui promettent de différer considérablement de notre petite cérémonie du «permis de conduire».

Il ne s’agit plus d’enseigner à tout hasard. à n’importe qui. l’ar: d’ailleurs élémentaire de piloter une automobile et de le lâcher ensuite dans les rues et sur les routes, quitte à constater ensuite. avec regret que le sujet n’était vraiment pas doué !

Avant d’être admis à tenir un vrai volant, le néophyte serait soumis à une série d’épreuves analogues à celles que subissent les futurs conducteurs d’autobus.

La rapidité des réflexes. par exemple, n’aurait rien à voir avec la pratique de l’auto: on l’a ou on ne la pas, une fois pour toutes. On prévoit donc une épreuve pour s’en assurer. Le « patient » s’assoit devant un écran. Sous sa main droite se placent trois grosses touches: une rouge pour le pouce, une jaune sous l’index, une verte sous le petit doigt. Les autres doigts sont emprisonnés sous une tablette, pour éviter les confusions. Quelques minutes d’étude libre de ces trois touches : puis, sur l’écran, apparaissent et disparaissent des lumières vertes, jaunes et rouges, à des intervalles irréguliers de temps et d’espace.

Le candidat doit frapper le plus vite possible la touche correspondante. Les réactions sont enregistrées automatiquement : l’élément d’appréciation personnelle de l’examinateur est donc éliminé.

Le graphique ainsi obtenu indique que le temps de réaction n’est pas constant, mais oscille, pour chaque sujet, autour d’une moyenne donnée: c’est sur cette moyenne qu’est basée la note obtenue. Sur la route, des réflexes analogiques devront se produire avec la même précision. mais parmi des distractions multiples: paysage, signaux d’autres conducteurs, lecture de poteaux indicateurs, etc.

Nouvelle épreuve: sur l’écran, aux lumières multicolores, va s’ajouter la projection de scènes filmées intéressantes. Le sujet devra continuer à pianoter sur ses touches à l’apparition des signaux colorés. On enregistre alors un plus ou moins sensible de ses réflexes. C’est l’importance de ce ralentissement qui indiquera son plus ou moins de sensibilité aux distractions.

Cependant, les dites distractions peuvent avoir plus ou moins d’importance, car, disent les spécialistes avec ce sens de l’humour qui n’abandonne jamais les Anglais, même dans les circonstances les plus sérieuses, la distraction provoquée par le passage d‘une jolie fille et la distraction provoquée par le geste impérieux d’un agent sont d’essence et de valeur bien différentes.

Nouvelle projection, donc, d’un nouveau film. Cette fois, le candidat, sans négliger ses touches colorées, s’appliquera à « suivre » le film de façon à pouvoir répondre ensuite aux questions qui lui seront posées à son sujet.

Enfin, le candidat, qui ne doit pas en être fâché, lâche enfin ses touches colorées et passe à un autre ordre d’exercices.

Après un examen général de sa vue, on contrôle sa « coordination », en d’autres termes, sa faculté d’apprécier plus ou moins exactement les différentes distances qu’il doit constamment mesurer pour éviter les obstacles, régler ses arrêts. Il y a un ingénieux appareil pour ce contrôle, moins ingénieux encore que celui qui sert à mesurer les réactions d’un chauffeur ébloui par des phares.

Dans une chambre noire, on lui présente une lampe électrique, en lui disant de regarder, quand elle s’allumera, des signes qui sont peints dessus. Ces signes n’ont pas d’importance : ils servent seulement à contraindre le sujet à fixer la lampe allumée. Celle-ci s’éteint : on présente aussitôt au candidat un carton sur lequel des lettres sont peintes en différents tons de gris, du plus pâle au plus foncé. Il commence par ne rien distinguer du tout; puis les lettres lui apparaissent selon leur degré de clarté. Le nombre de celles qu’il voit en un temps donné indique la rapidité avec laquelle il recouvre la vue après avoir été ébloui.

Il y a encore une épreuve d’appréciation des vitesses au moyen d’autos en miniature; une autre, permettant d’apprécier la capacité du futur conducteur à juger exactement de l’encombrement de sa propre voiture. Enfin, le conducteur est soumis à la dernière et à la plus curieuse des épreuves.

Il « conduit » une vraie voiture, nantie d’un volant, d’un accélérateur, d’un dispositif d’embrayage et de deux freins, mais qui reste immobile alors que c’est la route qui se déplace devant lui sur un écran. L’illusion de la conduite est, paraît-il, absolue. Un moteur donne le bruit et les vibrations d’une voiture en marche : tout un système enregistre des notes fidèlement, et la « vitesse » dont se grise le débutant, et la façon dont il prend les virages, et les méfaits qu’il commet en quittant la chaussée ou en accrochant le décor.

Avec une parfaite modestie, les savants désintéressés qui ont mis au point ce système compliqué avouent n’être pas sûrs qu’un conducteur ayant satisfait à toutes ces épreuves serait automatiquement un bon conducteur : il y a en effet un facteur psychologique à ne pas négliger dans le fait que le candidat sait, malgré tout, que ce sont là des épreuves pour rire, et peut avoir des réactions sensiblement différentes quand in tiendra sa vie et celle des autres entre ses mains.

Néanmoins, il y a une très forte présomption en sa faveur : et si l’on pouvait seulement en dire autant de tous les apprentis conducteurs.

(Texte paru dans le hebdomadaire Le Petit Journal, le 4 juillet 1937).

Voir aussi :

auto ancienne
Automobile des années 1930. Photo de GrandQuebec.com.

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