Le député Huot

Le député Huot

Au Québec, les élections municipales ou provinciales donnent toujours lieu à l’émergence de personnalités qui deviennent célèbres pour le meilleur ou pour le pire. Ainsi en est-il d’un certain Pierre-Gabriel Huot.

À peine âgé de 25 ans, ce jeune notaire aime faire du bruit et adore la publicité. Il sort de l’ombre en publiant un petit journal aux allures révolutionnaires : La Voix du peuple. Puis il décide de se lancer en politique. Il choisit le comté de Charlevoix. Son rival est Jean Langlois, un avocat.

Nous sommes en 1854, à la fin du régime de l’Union. Cette construction, on s’en souvient, unit le Haut et le Bas-Canada en un seul Parlement dans le but avoué d’assimiler les Canadiens français.. Au début, en 1840, le gouvernement n’était pas responsable devant l’Assemblée. Mais grâce à La Fontaine et à Baldwin, qui se sont battus au sein du Parti réformiste, Londres a accepté. En 1848, d’accorder la responsabilité ministérielle.

Assemblées contradictoires

Les députés ont donc désormais un rôle plus important et se regroupent en partis. À cette époque, le jeu politique est très spectaculaire. Il est de mise, par exemple, que les aspirants à l’élection s’affrontent publiquement pour défendre leur programme, au milieu des cris d’approbation ou de protestation des électeurs. Ces rencontres passionnantes sont très courues.

Hélas ! On met souvent de côté les idées importantes du programme du parti pour se livrer à un duel oratoire. Aussi, le ton mont rapidement. Les mots cognent, on s’écorche fiv. Naturellement, la foule s’en mêle, et il n’est pas rare que la réunion politique se termine en bagarre.

Lors de l’élection de Charlevoix, c’est au beau milieu d’une de ces assemblées contradictoires, comme on les appelle, que notre beau Huot se met en évidence. Depuis environ une heure, les deux adversaires s’insultent et s’engueulent, quand soudain midi sonne. Une bonne âme demande qu’on s’arrête pour réciter l’angélus. La foule approuve. Le silence tombe : ni l’un ni l’autre des candidats ne se souvient de la prière! Ils se régardent, béats. Mais le notaire Huot se ressaisit le premier : « Je dirais bien volontiers moi-même l’angélus, mais mon ami Langlois est plus âgé que moi. Cette honneur lui revient de plein droit. » « Qui, oui, » fait l’auditoire. Langlois prend son courage à deux mains et commence : « L’ange du Seigneur… annonça à Marie… » À peine le premier verset terminé, Langlois se met à cafouiller, s’arrête, cherche, se reprend, hésite… Pendant ce temps, Huot a faut un signe à l’un de ses partisants qui, promptement, lui a glissé dans la main un missel qu’il gardait dans sa poche. Notre fin notaire, tournant le dos au public, plonge dans le saint-livre. À voir les mots, la mémoire lui revient. Langlois bafouille toujours. Pierre Huot prend alors fièrement la relève, et défile d’un trait la Salutation angélique. La foule se met à applaudir et acclame son nouveu héros. « Cette prière m’a valu au moins 50 votes! » racontera plus tard Huot… qui est élu!

Ce n’est qu’un début

Quelques mots plus tard, Huot se présente dans Québec-Est contre un certain Pierre Légaré. Au cours de la campagne, Huot trouve encore le moyen d’attirer l’attention. Lors d’une discussion acerbe, il s’en prend physiquement à un partisan de l’autre camp, un avocat nommé Jean-Baptiste Plamondon. Accusé de voies de fait, il plaide coupable. Le juge le condamne à 10 dollars d’amende. Il accepte le verdict, mais non sans ajouter que Plamondon a biem mérité la correction. En 1867, Hout est réélu par acclamation. Il siégera à la Chambre des communes durant trois ans. En 1870, il sera nommé directeur des Postes à Québec. Il mourra en 1913.

(Source : Marcel Tessier raconte, chroniques d’histoire, Éditions de l’homme, 2000. Tome 1).

Fanfares militaires
Fanfares militaires. Photo : GrandQuebec.com.

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