
Le Cosmos et la persistance de la mémoire
Les thèmes de l’espace et du temps s’entremêlent. Les mondes naissent vivent et meurent. La dure d’une vie humaine se compte en décennies, la vie du Soleil est d’une centaine de millions de fois plus longue.
Dans l’Univers, tout n’est pas qu’ordre et beauté. L’Univers ne se montre ni bienveillant ni hostile, simplement indifférent aux préoccupations des êtres chétifs que nous sommes. L’étude des galaxies révèle violence et chaos à une échelle insoupçonnée. Que nous vivions dans un univers où la vie est possible reste remarquable. Que nous vivions dans un univers qui détruit des galaxies, des mondes, des étoiles, n’est pas moins remarquable.
On note un taux de suicides élevé parmi les galaxies.
Comparés à une étoile, nous sommes des éphémères, de petites libellules dont la vie entière s’écoule en un seul jour. Du point de vue d’une étoile, un être humain n’est qu’une étincelle, une des milliards de vies brèves clignotant faiblement à la surface d’une boule de silicate et de fer, étrangement froide, anormalement compacte, insolite par son éloignement.
Dans tous ces autres mondes de l’espace, des événements sont en cours qui vont déterminer leur avenir. Il faut deux cent cinquante millions d’années à la Voie lactée pour faire une rotation et il nous faudra autant pour ne commencer qu’une humble exploration de l’Univers.
Pour tous les mondes qu’on peut découvrir dans la Vie Lactée, il y aura, dans un ciel riche en constellations exotiques, une étoile jaune peu lumineuse, presque impossible à voir à l’œil nu, perceptible seulement au télescope : la base de cette flotte de vaisseaux interstellaires explorant une infime portion de l’immense Voie Lactée. Et c’est cette étoile-là qui représente pour nous la persistance de la mémoire.
Citadelle des étoiles
Explorer le Cosmos, c’est partir à la découverte de nous-mêmes.
Pendant plus d’un million d’années, l’humanité s’est contentée de penser que seule la Terre existait. Et puis, dans le dernier millième de la vie de cette espèce, à un moment situé entre Aristarque et aujourd’hui, les hommes ont dû convenir qu’ils n’étaient ni le centre ni le but de l’Univers, qu’ils vivaient plutôt dans un petit monde fragile, perdu dans l’infinité du temps et de l’espace, emporté dans un vaste océan cosmique constellé d’une centaine de milliards de galaxies et de milliards de milliards d’étoiles.
Les humains ont bravement sondé les eaux, et ils ont eu la satisfaction de voir que l’océan était à leur ressemblance, en accord avec leur nature. Quelque chose en eux reconnaît le Cosmos comme leur résidence primaire, parce qu’ils sont faits de cendre stellaire. L’origine des êtres humains et leur évolution sont liées à des événements cosmiques lointains.
Comme les anciens créateurs de mythes le savaient bien, les hommes sont les enfants du Ciel et de la Terre. Les hommes ont accumulé de dangereux bagages au cours de leur évolution : une propension héréditaire à l’agressivité, au respect superstitieux des rites, à la soumission aux chefs, à l’hostilité envers ceux qui leurs sont étrangers. Mais la plupart d’entre eux ont aussi acquis la compassion pour les autres, l’amour pour leurs enfants et pour les enfants de leurs enfants, le désir de tirer un enseignement de l’Histoire, une intelligence passionnée visant toujours plus haut.
Ces qualités sont des outils qui devraient assurer la continuité de la prospérité et la survie de l’humanité.
Il n’existe encore aucun signe irréfutable de l’existence d’une intelligence extra-terrestre, or, dans l’immensité du Cosmos, des perspectives s’ouvrent que nous ne pouvons ignorer.
En fait, les frontières nationales ne sont guère évidentes si, de l’espace, on contemple la Terre. Il est difficile de s’attacher à des chauvinismes fanatiques, qu’ils soient ethniques, religieux ou nationaux, lorsque notre planète apparaît comme un frêle croissant bleu s’amenuisant jusqu’à devenir un point lumineux à peine décelable contre le bastion, la citadelle des étoiles…
Méthodologie du meurtre
Du temps où les humains vivaient en petits groupes, où leurs armes étaient presque dérisoires, même un guerrier enragé ne faisait que peu de victimes. Aujourd’hui, nos armes peuvent détruire des milliards de vies.
Cependant, au fur et à mesure que notre technologie s’améliorait, les méthodes guerrières s’amélioraient, elles-aussi.
Étant donné que la méthodologie du meurtre se perfectionne que les risques encourus dans une guerre augmentent, aujourd’hui, il suffirait qu’un nombre relativement réduit d’individus ressentent simultanément une rage meurtrière pour que les conditions d’un conflit majeur soient réunies. Les faits démontrent que la chose pourrait aisément être orchestrée et même la guerre nucléaire pourrait être déclenchée par un très petit nombre d’individus.
Avons-nous étudié courageusement les causes de la guerre ?
Nous observons ici un conflit éternel entre les passions et ce qu’on appelle parfois le meilleur de l’homme, entre la partie profonde, reptilienne, du cerveau humain, le complexe R qui se charge des rages meurtrières, et la partie mammalienne, d’une évolution plus récente, située dans le système limbique et le cortex cérébral.
Mais nous nous sommes également améliorés. Grâce à la raison, la plupart de religions ont su modérer la colère, la frustration, le désespoir de leurs adeptes, par exemple. D’ailleurs, les humains ont mis un frein à des injustices qui hier encore étaient endémiques dans le monde entier. Mais notre amélioration, n’est-elle pas trop lente ? Faisons-nous appel à la raison aussi efficacement qu’il est possible ?
L’équilibre mondial de la terreur, dont quelques fous de leurs dieux cruels sont les instigateurs, tient les citoyens de la Terre en otages. Ces fanatiques spécifient quel comportement sera acceptable de la part du reste des êtres humains. Quelques-uns assurent les autres, leurs ennemis potentiels que s’ils transgressent des limites, une guerre nucléaire éclatera. Mais la définition de ces limites change de temps en temps. Ces fanatiques songent continuellement les seuils de tolérance de l’autre et l’équilibre mondial de la terreur change…
Publicité télévisée et l’Univers
L’évolution d’une ville est semblable à l’évolution du cerveau qui, à partir d’un centre de dimensions restreintes, se développe lentement tout en maintenant en fonction des parties anciennes.
Presque toutes les grandes villes du monde ont poussé au hasard, petit à petit, pour répondre aux besoins du moment. Il est très rare qu’une ville soit conçue en fonction de l’avenir lointain.
Mais s’il se trouve des êtres intelligents sur les planètes d’étoiles pas trop lointaines, est-il possible qu’ils sachent que nous existons et que nous construisons nos villes? Ont-ils quelque notion de la longue évolution qui, des gènes au cerveau, du cerveau aux bibliothèques, sur cette obscure planète Terre.
Sans sortir de chez eux, les extra-terrestres ont au moins deux façons de nous découvrir : la première consiste à se mettre à l’écoute du Cosmos avec de vastes radiotélescopes. Pendant des longues années, ils n’auraient rien entendu que de faibles bruits : électricité statique intermittente des ondes radio, causée par des éclairs ou par des sifflotements d’électrons et de protons prisonniers dans le champ magnétique de la Terre. Et puis, un jour, les ondes radio quittant la terre se sont faites plus puissantes et plus sonores. Au lieu de simples bruits, elles ressemblaient désormais à des signaux. Les habitants de la Terre avaient enfin débouché sur la communication radio. Ainsi, une civilisation extra-terrestre écoutant des émissions radio en provenance de la Terre et recevant de tels signaux ne pourrait manquer d’en conclure qu’il se passe depuis quelque temps des choses intéressantes chez nous.
Dans l’ensemble, notre source d’émissions radio la plus envahissante, la plus décelable, c’est la télévision. Du fait de la rotation de la Terre, certains programmes télévisés apparaissent à un bout de l’horizon terrestre tandis que d’autres disparaissent à l’autre bout, créant un véritable embrouillamini.
Une civilisation évoluée occupant une planète d’une étoile proche devrait pouvoir en tirer quelque chose, en distinguer les divers éléments. Les messages les plus caractéristiques seraient ceux diffusés simultanément par plusieurs émetteurs, les indicatifs des chaînes de télévision et les incitations à acheter des détergents, des déodorants, des comprimés contre les maux de tête, des autos, de l’essence d’une certaine marque…
Bref, les publicitaires et les effets de surface des crises internationales et des conflits fratricides au sein de la famille humaine, voilà les principaux messages que nous avons choisi de diffuser de la Terre vers d’autres êtres dans le Cosmos.

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