Ce que dit Bougainville des Canadiens
Par Pierre-Georges Roy, Toutes petites choses du régime français (Ce texte a été publié dans en 1944)
Louis Antoine de Bougainville était un observateur sagace.
Dès 1757, il traçait un portrait des Canadiens que nous devons accepter « •comme vrai même s’il n’est pas flatteur ».
« Les simples habitants, dit-il, seraient scandalisés d’être appelés paysans. En effet, ils sont d’une meilleure étoffe, ont plus d’esprit, plus d’éducation que ceux de France. Cela tient de ce qu’ils ne payent aucun impôt, de ce qu’ils «nt droit d’aller à la chasse, à la pêche, et de ce qu’ils vivent dans une espèce d’indépendance. Ils sont braves, leur genre de courage, ainsi que les Sauvages, est de s’exposer peu, de faire des embuscades, ils se battent en s’éparpillant et se couvrant de gros arbres ; c ‘est ainsi qu ‘à la Belle-Rivière ils ont défait le général Braddock.
Il faut convenir que les Sauvages leur sont supérieurs dans ce genre de combattre, et c’est l’affection qu’ils nous portent qui jusqu’à présent a conservé le Canada.
Le Canadien est haut, glorieux, menteur, obligeant, affable, honnête, infatigable pour la chasse, les courses, les voyages qu’ils font dans les Pays d’en Haut, paresseux pour la culture des terres. Parmi ces mêmes Canadiens, on met une grande différence ipour la guerre et les voyages d’en Haut entre ceux du gouvernement de Québec et ceux du gouvernement des Trois-Rivières et de Montréal, qui l’emportent sur les premiers ; et ceux de Québec valent mieux pour la navigation ; parmi ces habitants ceux qui voyagent dans les Pays d’en Haut sont réputés les plus braves. »
Comme on le voit, Bougainville distribue l’éloge en même temps que le blâme. Le Canadien est haut, glorieux, menteur, dit-il. Cette même remarque sur le compte des Canadiens avait déjà été faite par d’autres voyageurs. Il faut donc avouer qu’elle était vraie.
Remarquons la différence que fait Bougainville entre le paysan français et l’habitant canadien. Au temps où écrivait Bougainville le paysan français était un vrai cerf. Il ne pouvait faire la chasse, la pêche lui était même interdite dans la plupart des provinces. Les dures corvées étaient son partage. Ici, certaines corvées existaient mais combien douces si on les compare à celles qui pesaient sur les hommes de la terre dans la vieille France.
