Que sont les astronautes ?

Le verdissement des Astronautes

Que sont les astronautes ?
Que suis-je ?
Héros, pilote, explorateur amoureux
De moi-même et de mon travail.
Sans tenir compte des nombreux dangers qui guettent
Dans l’espace ou ici sur terre,
J’accepte tout comme dû à ma naissance.

– Al Worden.

Avant qu’Apollo 15 ne l’emporte vers la Lune en juillet 1971, l’astronaute Worden avait été particulièrement introspectif. La poésie n’avait pas sa place dans sa vie ; il en lisait rarement, et n’avait jamais écrit une ligne. Mais quelque chose est arrivé à Worden alors qu’il orbitait seul autour de la Lune dans le vaisseau de commande Endeavor pendant que ses coéquipiers exploraient la surface lunaire. Depuis son retour, il a été poussé à mettre ses sentiments sur le vol spatial en vers, certains profondément personnels et introspectifs.

Le nouvel intérêt de Worden n’est qu’un exemple d’un extraordinaire phénomène post-vol. Malgré leur réputation imméritée d’automates sans émotion, beaucoup de voyageurs de l’espace ont été profondément touchés par leurs expériences loin de la Terre. Dans certains cas, ils sont revenus pour commencer des vies entièrement différentes. Selon l’astronaute d’Apollo 9 Rusty Schweickart : « Je ne suis plus le même homme. Aucun de nous ne l’est. »

Profondément ému

Schweickart lui-même est un exemple frappant de ce qu’on pourrait appeler l’Effet Lunaire. Avant le vol, il était totalement engagé dans sa vie d’astronaute. Mais alors qu’il flottait à l’extérieur d’Apollo 9 lors de sa sortie dans l’espace à 160 miles au-dessus de la planète Terre, l’émotion le submergea. « J’ai complètement perdu mon identité en passant au-dessus de moi. » Maintenant, il passe de longues heures dans une clinique de Houston pour toxicomanes. Il participe à un service bénévole de conseil téléphonique pour jeunes en difficulté. Il s’impliqué en plus dans un chapitre local de praticiens de la méditation transcendantale.

« Quelque chose vous arrive là-bas », explique l’astronaute d’Apollo 14 Ed Mitchell. À la suite de ce qui lui est arrivé, il a quitté le programme spatial, divorcé de sa femme et commencé à se consacrer à plein temps à une poursuite improbable pour un diplômé du M.I.T. : la recherche sur la perception extrasensorielle (ESP), qui, selon lui, pourrait aider les gens du monde entier à atteindre une plus grande communication « intuitive ».

Marcher sur la Lune a été une expérience religieuse pour l’astronaute d’Apollo 15 Jim Irwin.  Il a été « profondément ému par la beauté des montagnes lunaires et a ressenti la présence de Dieu ». Un mois après son retour, il a déclaré : « Je savais que Dieu m’avait appelé à son service ». Il a quitté le programme d’astronaute. Il se surnomme alors le « missionnaire lunaire ». Ensuite il devient un prédicateur laïc sur le circuit évangélique baptiste du Sud.

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Alors qu’il regardait par l’écoutille d’Apollo 16 le paysage lunaire, Charles Duke se souvient. « La certitude m’a submergé que ce dont j’étais témoin faisait partie de l’universalité de Dieu ». Quand il a regardé ses empreintes fraîches dans la poussière lunaire presque intemporelle, il dit « J’étais ému. Les larmes viennent. C’était l’expérience la plus profondément émouvante de ma vie. » Même le parfois cassant Alan Shepard, le premier Américain dans l’espace, a admis qu’il avait changé : « J’étais un sale con avant de partir. Maintenant je suis juste un con. »

Les émotions les plus profondes dans l’espace semblent avoir impliqué la planète d’origine de l’homme. Selon Neil Armstrong, le premier homme sur la Lune qui devient plus tard professeur d’ingénierie à l’Université de Cincinnati. « Je me souviens que sur le chemin du retour d’Apollo 11. J’ai soudainement réalisé que ce petit pois, joli et bleu, était la Terre. J’ai levé mon pouce et fermé un œil. Ainsi mon pouce a caché la planète Terre. Je ne me sentais pas comme un géant. Je me sentais très, très petit. »

Bill Anders d’Apollo 8, voyant la Terre de là-bas, a évoqué « des sentiments sur l’humanité et les besoins humains que je n’avais jamais eus auparavant. »

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Tom Stafford, vétéran des vols Gemini 6 et 9 et Apollo 10, le dit plus fortement : « Vous ne regardez pas le monde en tant qu’Américain. Mais en tant qu’être humain ». D’autres astronautes ont trouvé l’isolement de l’espace exaltant. Même quand ils étaient derrière la Lune, hors de contact avec la Terre. Michael Collins était en fait ravi d’être laissé derrière dans le vaisseau de commande d’Apollo 11 après qu’Armstrong et Aldrin soient partis pour leur marche lunaire : « Je savais que j’étais seul d’une manière qu’aucun terrien n’avait jamais été auparavant. »

Vue de l’espace, la Terre lointaine a tourné les pensées de nombreux astronautes vers les problèmes environnementaux. « Je me suis demandé comment tout le monde allait vivre sur ce petit globe surpeuplé », se souvient John Young d’Apollo 10 et 16. Même pendant les heures tendues après l’explosion d’un réservoir d’oxygène, Jack Swigert d’Apollo 13 se trouve plutôt préoccupé par l’environnement terrestre. Il est alors soudainement certain de la façon de le préserver : « Je deviens convaincu que la technologie spatiale – les satellites de ressources terrestres, les générateurs d’énergie solaire, les réseaux de communication globaux et autres – est la réponse aux catastrophes environnementales qui menacent cette Terre fragile ».

Compulsion

Certains astronautes ont été moins affectés par leurs voyages dans l’espace que par les acclamations après. Quand il est revenu du premier atterrissage lunaire, Buzz Aldrin, le compagnon de marche lunaire d’Armstrong, s’est trouvé totalement mal équipé pour jouer le rôle de héros pendant les innombrables apparitions publiques exigées de lui. Bientôt, il était en route vers ce qu’il appellerait plus tard « une bonne vieille dépression nerveuse à l’américaine ».

En revanche, d’autres astronautes semblent avoir pleinement profité des acclamations : John Glenn s’est présenté au Sénat américain dans l’Ohio, Wally Schirra est apparu comme commentateur et dans des publicités à la télévision, Frank Borman a pris une vice-présidence chez Eastern Airlines, Al Shepard a noué des connexions lucratives avec la communauté d’affaires de Houston, et la liste continue.

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En fait, une fois l’éclat de la célébrité estompé, certains astronautes ont trouvé douloureux de retomber dans l’anonymat. « Vous savez, les chéries arrêtent de faire le poirier quand vous entrez dans une pièce, ce genre de choses », a dit une fois Mike Collins, qui était personnellement heureux d’être libéré de ce style de vie artificiel. Pete Conrad, le commandant exubérant d’Apollo 12, a ajouté : « Qui est plus ennuyeux qu’un ancien joueur de football universitaire qui vous rebat les oreilles avec tous ces touchdowns qu’il a marqués ? »

Bien que l’impact de leur expérience varie largement, la plupart des astronautes conviennent qu’il y a une conséquence inévitable et universelle du vol spatial, peut-être mieux exprimée par Ed Mitchell : « Vous développez une conscience globale instantanée, une orientation vers les gens, une intense insatisfaction de l’état du monde et une compulsion à faire quelque chose à ce sujet. » Si c’est un effet significatif du vol spatial, et s’il peut être transmis avec succès aux gens du monde entier, le retour sur investissement d’Apollo pourrait être inestimablement plus riche que quiconque ne l’avait anticipé.

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