L’évolution est un principe fondamental (Texte de Poul Anderson traduit par Megan Jorgensen en 1999)
Les créationnistes parlent souvent de la « théorie de l’évolution », considérant son statut comme hypothétique et non prouvé. Beaucoup, en désaccord avec eux, affirment qu’il s’agit d’un fait, tombant parfois dans le même dogmatisme.
Après tout, qu’est-ce qu’un fait ? Personne vivant n’a rencontré d’Australopithèque ou vu des cellules se développer. Il est tout aussi valable de dire que personne n’a observé Adam et Ève ni la création divine.
Ceux qui acceptent l’idée d’évolution le font car elle repose sur des observations accumulées qui structurent la compréhension. Les créationnistes peuvent légitimement argumenter que leurs croyances remplissent également cette fonction explicative pour eux.
Cependant, dans le contexte actuel des sciences, considérer l’évolution comme une simple théorie est une erreur. Cela accorde aux créationnistes davantage de crédit qu’ils ne méritent sur ce sujet complexe.
Qu’est-ce que la théorie de l’évolution ?
Qu’est-ce qu’une théorie finalement ? Pour le comprendre, il faut examiner les bases mêmes de la méthode scientifique.
Maintenant, plusieurs scientifiques éminents ont nié l’existence de ces mécanismes, et je tends à être d’accord. Cependant, approfondir cet aspect nous éloignerait trop du sujet. Observons simplement le paradigme traditionnel, bien que simplifié.
Dans ce paradigme, les scientifiques commencent par des observations de la nature, réalisées avec la plus grande exactitude. Ensuite, quelqu’un élabore un schéma synthétisant ces observations, souvent en termes mathématiques pour garantir la précision.
Une description formulée est ensuite expliquée par une hypothèse proposant un mécanisme ou une relation logiquement plausible. Une bonne hypothèse génère aussi des prédictions, indiquant quelles observations supplémentaires devraient être effectuées.
Si les observations prévues correspondent suffisamment bien au schéma, l’hypothèse peut acquérir le statut de théorie. Cela signifie qu’elle est acceptée comme représentant correctement un aspect de la réalité, jusqu’à preuve du contraire.
Des découvertes ultérieures pouvant contredire la théorie, il devient parfois nécessaire de la rejeter ou la modifier. Un exemple classique vient de l’astronomie planétaire et des observations des corps célestes accumulées depuis des millénaires.
Au XVIe siècle, Tycho Brahe produisit un travail monumental sur ces données, cherchant des explications valides. L’idée que tout tourne autour de la Terre devint improbable, car elle nécessitait des ajustements complexes comme les épicycles.
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Dès le XIIIe siècle, Alfonso X, roi de León et Castille, plaisanta qu’il aurait pu conseiller le Créateur lors de la Création.

Finalement, Nicolas Copernic proposa une description plus satisfaisante, plaçant le soleil au centre du système. Galilée et d’autres perfectionnèrent ce modèle, tandis que Kepler le formula élégamment en trois lois mathématiques sur les mouvements.
Isaac Newton expliqua ces lois grâce à sa théorie de la gravitation universelle et ses propres lois du mouvement. Bien que Newton ait nié développer des hypothèses, ses principes devinrent fondamentaux en physique, confirmés par des observations.
Grâce à cette théorie, les générations suivantes découvrirent des planètes et expliquèrent le comportement des étoiles éloignées. Des anomalies subsistaient, comme un léger changement dans l’orbite de Mercure.
Au XXe siècle, Einstein proposa la relativité générale, englobant la mécanique newtonienne et éclairant ces phénomènes anormaux. Cette description classique des sciences reste toutefois simplifiée et parfois éloignée de la réalité des processus scientifiques.
Elle aide néanmoins à donner un sens clair aux concepts, bien qu’elle omette une étape de pensée essentielle. Ce point important, négligé ici, mérite d’être inclus pour mieux comprendre l’évolution des idées scientifiques.
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Avant de poursuivre, passons brièvement en revue l’histoire du concept d’évolution. Cela permettra de le comparer au développement de l’astronomie. En tout cas, cela nous rappellera que l’idée d’évolution n’a pas été inventée par quelques subversifs au XIXe siècle, mais qu’elle possède une longue et honorable histoire.
Vers 1800, le concept était déjà dans l’air. Des spéculations similaires existaient dès l’époque classique, voire avant. Pendant la Renaissance et après, les hommes ont réalisé qu’ils découvraient des os pétrifiés d’animaux disparus. Au début du XIXe siècle, le grand naturaliste français Georges Cuvier proposa l’hypothèse que plusieurs créations s’étaient produites dans le passé. Selon lui, la vie serait apparue plusieurs fois avant d’être anéantie par des catastrophes mondiales. Il affirmait que le récit biblique ne concernait que la dernière de ces époques. Malgré cette concession à la religion, beaucoup considéraient ses idées comme blasphématoires.
Un jour, certains de ses étudiants décidèrent de lui faire peur. L’un d’eux se déguisa en Satan traditionnel, entra chez lui la nuit et cria : « Je suis le Diable, et pour ton impiété je viens te dévorer ! » Cuvier l’observa attentivement et répondit avec mépris : « Hum ! Cornes et sabots. Tu ne peux pas. Tu es herbivore. »
Son catastrophisme fut contesté par son compatriote contemporain Jean-Baptiste Lamarck. Soldat à seize ans, Lamarck soutint plus tard que les espèces vivantes s’étaient développées à partir d’ancêtres moins spécialisés. Cependant, il pensait que les causes résidaient dans l’environnement et les actions des organismes individuels. Cette idée était si peu convaincante qu’elle fut largement rejetée jusqu’au XXe siècle. À ce moment-là, une version de sa théorie devint brièvement une doctrine officielle en Union soviétique.
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