Équipage : Scientifique, vétéran, novice (Time, 11 décembre 1972, article traduit par Megan Jorgensen en 1999)
Harrison Schmitt : Cela a toujours été une source de grande contrariété pour les scientifiques. En effet, bien que le programme Apollo soit l’une des étapes marquantes de l’histoire de l’exploration scientifique, on les a empêchés d’y participer directement. Maintenant, confiante dans les techniques d’alunissage Apollo perfectionnées par les pilotes militaires lors des missions précédentes, la NASA a choisi un beau géologue de 37 ans nommé Harrison (Jack) Schmitt pour être le copilote d’Apollo 17. Si tout se passe bien, Schmitt franchira la semaine prochaine une étape historique. Il deviendra alors le premier scientifique de la Terre à marcher sur un autre monde.
La préparation de Schmitt a commencé bien avant qu’Apollo ne soit conçu. Fils d’un géologue minier, il a grandi à Silver City, au Nouveau-Mexique. Il a décidé très tôt dans sa vie de devenir lui-même géologue. Jeune, il visitait des camps miniers et explorait des réserves indiennes. Aussi il faisait des excursions de chasse aux roches dans les déserts lunaires du Sud-Ouest. À Caltech, il a étudié sous la direction d’Ian Campbell et d’autres scientifiques de la Terre renommés. Dont certains des hommes qui surveilleront chacun de ses mouvements à la télévision depuis la salle de soutien scientifique du Centre de contrôle de mission.
*
En 1964, armé d’un nouveau doctorat en géologie de Harvard, Schmitt a rejoint l’US Geological Survey à Flagstaff, en Arizona. Là, on lui a confié la tâche d’assembler des photographies prises par des engins spatiaux sans pilote Ranger en cartes lunaires détaillées pour les futurs marcheurs lunaires. Schmitt était fasciné par cette tâche. L’ancien géologue de la NASA Gene Shoemaker se souvient : « Jack a attrapé le virus de l’espace ». En effet, dès que la NASA a commencé à recruter des scientifiques-astronautes en 1965, Schmitt a postulé. On l’a accepté malgré un problème physique mineur. C’est qu’il a un allongement inhabituel et douloureux du gros intestin.
La décision des médecins de la NASA s’avère judicieuse. Tout au long de sa préparation rigoureuse, l’astronaute géologue a maintenu une santé superbe. Il a excellé en tant que stagiaire. Il se classe donc deuxième de sa classe de 50 à l’école de pilotage de l’Air Force. Ensuite il a passé d’innombrables heures en excursions sur le terrain partout, de l’Islande à Hawaï.
*
Il enseignait donc à ses collègues astronautes comment repérer et sélectionner des roches géologiquement significatives. Il a travaillé en étroite collaboration avec les scientifiques de la NASA pour concevoir des pelles, des pioches et d’autres outils pour la Lune. Le directeur de vol de la NASA Gene Kranz déclare : « Si quelqu’un mérite un vol, c’est bien Jack Schmitt ».
En tant que géologue professionnel, Schmitt se soumettra à une pression intense pour fournir à ses collègues les meilleurs spécimens lunaires possibles et des descriptions du paysage. Pour s’assurer que sa performance répond à ses propres normes élevées, Schmitt a travaillé à un rythme effréné. Les scientifiques de Houston parlent encore du jour où ils ont emmené Schmitt déjeuner dans un restaurant local où les serveuses sont seins nus, où ils se sont tous engagés dans les discussions habituelles sur les vols spatiaux. Plus tard, lorsque l’un du groupe a demandé ce qu’il pensait de la fille aux proportions généreuses qui l’avait servi, le célibataire Schmitt a été étonné. « Quand était-elle seins nus ? », a-t-il demandé. « Je ne l’ai même pas remarqué ».
Harrison Schmitt
Le compagnon de Schmitt à la surface de la Lune sera le commandant de mission, le capitaine de marine Eugene Cernan, 38 ans. Astronaute vétéran, Cernan a effectué un vol spatial sur Gemini 9 et a piloté le module lunaire d’Apollo 10 à moins de neuf miles de la surface de la Lune en 1969, lors du test final du système Apollo avant un véritable alunissage.
Né dans le North Side de Chicago de parents américains de première génération d’origine tchécoslovaque, il excellait en athlétisme au lycée mais a refusé des bourses de football universitaires pour étudier l’ingénierie à Purdue et rejoindre le ROTC naval. Marié et père d’une fille de neuf ans, il est profondément religieux (catholique romain), ami du vice-président Spiro Agnew (qui a dîné chez les Cernan) et patriote sans honte. « Pour moi », dit-il du premier alunissage, « ce n’était pas que l’homme ait fait son premier pas sur la Lune ; c’était qu’un Américain plantait le drapeau américain pour que le monde entier le voie ».
Le commandant Ronald Evans, 39 ans, troisième membre d’équipage d’Apollo 17, est également un aviateur de la Marine. En fait, lui et Cernan étudiaient ensemble à l’École postuniversitaire de la Marine à Monterey, en Californie, en 1963 lorsque Cernan a appris qu’il avait été accepté par la NASA et qu’Evans a été informé qu’il avait été refusé (il y est arrivé trois ans plus tard). « Cette nuit-là », se souvient Evans, « Gene et moi sommes sortis et nous sommes complètement soûlés ». Né dans la ville de St. Francis, dans la ceinture de blé du Kansas, où son père travaillait pour une entreprise d’ensilage de blé, Evans était un Eagle Scout, un as des maths et un athlète polyvalent.
*
Après avoir obtenu son diplôme de l’Université du Kansas, où il avait une bourse NROTC, il a obtenu ses ailes à Pensacola, en Floride. Par la suite, il a effectué 100 missions de porte-avions au large de l’Indochine. Alors il est devenu le premier vétéran du Vietnam dans les rangs des astronautes. Habillé de façon moderne (tenue typique : pantalon blanc, veste de sport bordeaux, cravate et chemise roses), il est marié et père de deux enfants : une fille de 13 ans et un fils de 11 ans.
En tant que pilote du vaisseau de commande America, il restera en orbite autour de la Lune pendant que Schmitt et Cernan exploreront la surface lunaire. Contrairement aux pilotes de commande précédents, il ne sera pas totalement seul. En orbite lunaire avec lui se trouveront les participants à une expérience médicale visant à déterminer les effets des rayons cosmiques sur les voyageurs spatiaux : cinq souris de poche.
Voir aussi :
