Les évasions célèbres

Les évasions célèbres

Cet article consacré aux évasions célèbres a été publié le 2 mars 1912 dans La Presse

Comment le capitaine Lux s’est échappé de la forteresse de Gltaz

Réminiscences des évasions du baron de Trenck – Le capitaine Lux et le baron de Trenck, ancêtres célèbres de Lucien Rivard

Le 2 mars 1965, à la suite de l’évasion qu’un journaliste, le regretté Teddy Chevalot avait qualifié de « rocambolesque », le célèbre Lucien Rivard s’évadait de la prison de Bordeaux (prison, située au nord de Montréal) en utilisant un subterfuge qui jeta un discrédit sur l’ensemble des gardiens de la même prison.

L’évasion de Lucien Rivard ébranlait aussi les deux gouvernements, fédéral et provincial, pour deux raisons. En premier lieu, tandis que les autorités provinciales s’inquiétaient de la possibilité d’une complicité des gardiens, du côté fédéral il y eut cette déclaration de l’avocat montréalais Pierre Lamontagne.

Évasions célèbres

En fait le maître a voulu que le chef du cabinet du ministre fédéral de l’immigration de l’époque lui eût offert un pot-de-vin de 20 mille. Cela pour que, en tant que représentant des autorités américaines, il ne s’oppose pas à la libération sous cautionnement de Rivard. Celui-ci était alors emprisonné dans l’attente d’un jugement concernant une demande d’extradition des États-Unis, qui le soupçonnaient de diriger un réseau de distribution des stupéfiants.

En deuxième lieu, il y eut l’incroyable subterfuge utilisé. En effet, Rivard et son complice, André Durocher, avaient obtenu de leurs geôliers la permission d’aller arroser la patinoire alors que le mercure indiquait une température de 42 F. Dès le lendemain, le procureur général du Québec, Me Claude Wagner suspendait le gouverneur-adjoint et six gardiens jusqu’à la fin de l’enquête qui allait étudier les causes de la spectaculaire évasion.

Lucien Rivard évasions célèbres
Le criminel Lucien Rivard. Photo de l’époque, image libre de droits.

Cinquante-trois ans plus tôt

Et le hasard a parfois de curieux caprices. Ainsi, 53 ans plus tôt, donc en 1912, jour pour jour, un 2 mars, La Presse avait consacré sa première page aux évasions du capitaine Lux et du baron de Trenck de la fameuse forteresse allemande de Glatz. Voici quelques passages relatifs à l’évasion du premier :

La célèbre évasion du capitaine Charles Eugène Lux, de la forteresse de Glatz, occupe encore l’attention de la presse européenne. Comme on le sait, le capitaine Lux avait été arrêté il y a quinze mois en terre badoise, su les bords du lac de Constance, par la police militaire allemande, jugé à huis clos et condamné, bien qu’aucun fait personnel d’espionnage n’ait pu être retenue contre lui, s’est évadé au lendemain de Noël de la massive forteresse de Glatz, où on l’avait enfermé pour six ans.

Évasions célèbres

En France, la nouvelle de cette extraordinaire évasion, qui, réalisée avec une ingéniosité et une intrépidité toutes françaises, rendait à l’armée un de ses officiers les mieux avertis et les plus énergiques, provoqua une joie unanime. Ce fut le cadeau du jour de l’an de Paris et de toute la France.

Ce fut dans la nuit du 27 au 28 décembre que le capitaine Lux, pour sortir de la forteresse, dut forcer deux portes intérieures, couper un barreau de fer de 3 pouces de diamètre, sauteur par-dessus une muraille de quinze pieds de haut, traverser des jardins et franchir des obstacles de toute nature (les obstacles de l’extérieur étant, paraît-il, presque aussi insurmontables que ceux de l’intérieur). Il ne passa point par la fenêtre de sa chambre, car au-dessous, dans une cour fermée, une sentinelle veillait, avec des cartouches chargées à balles. Il lui fallut donc prendre d’abord une direction opposée à l’itinéraire qui eût été plus direct, suivre une sorte de ligne brisée, qui l’obligea à faire un énorme détour pour revenir au pied de la forteresse.

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forteresse de glatz La fameuse forteresse allemande de Glatz, d'où le capitaine Lux s'est évadé avec tant d'habilité. Gravure de l'époque.
La fameuse forteresse allemande de Glatz, d’où le capitaine Lux s’est évadé avec tant d’habilité. Gravure de l’époque.

Avant de partir, il avait déposé sur sa table un chèque de cent marks pour payer ses menues dettes de pension et autres. Il ne voulait en aucune façon laisser des créanciers à Glatz et cette précaution minutieuse devait aussi enlever tout prétexte d’extradition – pour escroquerie – aux autorités autrichiennes. Tout prévoir est une force.

Une fois sortie de sa cellule, il lui fallait maintenant passer le corps de garde pour sortir de la forteresse. Ce qu’il fit en utilisant l’uniforme d’un officier, mais non sans avoir, soucieux de règlement, inspecté toute la citadelle en compagnie de deux sentinelles! Une fois l’inspection terminée, l’officier s’en fut. On ne l’a plus revu depuis, car c’était le capitaine Lux.

evasion du capitaine lux
Le capitaine Charles-Eugène Lux dont l’évasion a produit en Europe une si grand sensation. Couverture du Petit Journal.

Le baron de Trenck

Mais le capitaine Lux n’était pas le premier à s’évader de la prison réputée. En 1746, en effet, un autre célèbre personnage, le baron de Trenck, avait réussi à s’en évader, après y avoir été emprisonné pour avoir inspiré, raconte-t-il, une trop grande passion à la princesse Amélie de Hohenzollern, sœur de Frédéric le Grand.

Ce ne fut pas une mince affaire puisqu’il dût s’y prendre de quatre manières différentes.

Une première fois, il complote avec deux des officiers chargés de le surveiller, mais il est trahi par un codétenu. Ce qui lui valut d’être surveillé plus étroitement qu’avant.

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Le baron de Trenck chargé de chaînes, dans la forteresse de Glatz. Gravure de l’époque.

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Logé dans une tour haute de quinze brasses (environ 24 mètres), il doit résoudre deux problèmes : scier les barreaux de sa geôle et se rendre au bas de la tour. Il vient à bout des huit barreaux qui l’empêche de fuir, coupe en lanières son porte-manteau de cuir et ses draps, et s’en fait un câble pour atteindre le pied de la tour. Tout allait pour le mieux, mais il fallait traverser les fosses qui étaient en somme l’égout canalisant toute les immondices de la ville. Trenck s’y embourbe, et no pouvant plus s’en tirer, la situation le bien force d’appeler au secours… Pour le punir, le général Fouquet, commandant de Glats, l’y laissa pendant plusieurs heures à subir les quolibets des résidents de la ville.

evasion du baron von trenck
La fuite fantastique du baron Trenck, avec son compagnon éclope (la mini-série Baron Von der Trenck).

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À sa troisième tentative, il opte pour la manière forte. Un jour qu’un de ses geôliers entre dans son cachot, il bondit sur son épée, s’élance vers la porte, force des barrages de gardiens, en blesse plusieurs, et arrive au pied d’une palissade, le dernier mur entre lui et la liberté. Il s’y prend un pied, et on le reprend immédiatement.

Son quatrième essai sera fructueux, mais tout simplement parce qu’il se sera assuré la complicité de son geôlier, qui fuit d’ailleurs avec lui, à dos de cheval volé à des paysans. Le destin finit par récompenser l’entêtement valeureux de Trenck; il peut gagner la Bohême, enfin…

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