Dessin animé : matériel pédagogique ?

Le dessin animé : matériel pédagogique ?

Depuis une vingtaine d’années, différents groupes de chercheurs, principalement en Angleterre et aux États-Unis, se sont penchés sur la relation entre la télévision et l’enfant, et plus précisément sur l’impact qu’a ou n’a pas la télévision sur l’enfant. Il s’agissait jusqu’à maintenant d’enquêtes sociologiques, mais personne encore ne s’était intéressé à la façon dont l’enfant digère et reconstruit ce qu’il reçoit de la télévision.

Une telle connaissance, pourtant, peut faciliter grandement l’usage qu’on peut faire du récit télévisuel, en éducation.

Le choix du dessin animé ne s’est pas fait au hasard puisqu’il constitue encore aujourd’hui la nourriture privilégiée des enfants qui y consacrent plus d’heures d’écoute qu’à toute autre forme isolée de récit télévisuel. Une analyse des cotes d’écoute et de la programmation, depuis la fin des années 50 jusqu’à maintenant, tant aux États-Unis qu’au Canada, justifie indéniablement ce choix. De plus, il faut souligner que des expériences pédagogiques ont été tentées avec le dessin animé et qu’elles ont été couronnées de succès (Matteoni, 1967).

L’utilisation en pédagogie du dessin animé présenté à la télévision commerciale nécessite cependant une connaissance approfondie de ce genre de document et de son effet sur l’enfant au niveau de sa compréhension du contenu véhiculé.
L’efficacité des méthodes de l’analyse structurale du récit a été maintes fois vérifiée tant pour l’analyse des récits télévisuels que pour l’analyse de la reconstruction qu’en fait l’enfant. Ainsi de l’analyse d’une centaine de dessins animés, régulièrement présentés à la télévision montréalaise, il a été possible de dégager quatre types d’organisation structurale de récit en dessin animé et ce, en tenant compte de la discontinuité.

La discontinuité dans la structure du récit est propre au dessin animé puisqu’il s’agit de récits en image plus ou moins schématisés, accompagnés ou non de paroles et de musique.

Les changements de lieux, de temps, de personnages, d’événements, se font en général avec l’aide de hiatus dans la structure même du récit.

Le degré de discontinuité est proportionnel à la complexification d’un schéma structural de base. La discontinuité réside en fait dans ce qui sépare « Non A » et « A ». On a, par exemple, un personnage « a » qui désire une situation « x », mais qui se trouve dans la situation « non x » Le degré de discontinuité est alors établi selon la complexification du schéma qui sépare « Non A » et  « A ». C’est cette discontinuité qui fournit la dynamique au récit.

Cette discontinuité se présente sous quatre formes différentes en ce qui concerne les dessins animés présentés le plus fréquemment à la télévision. Le premier degré de discontinuité correspond à la répétition d’un même élément perturbateur pendant le passage d’un « Non A » à « A ». Cette forme a pu être illustrée par un dessin animé intitulé « Yogi et la traîtresse truite ». Dans ce récit, il y a unité de lieu, deux personnages dont un sujet héros et un objet de quête. Tout au long du récit il y a échec du héros causé par l’intervention répétée de l’objet de quête. Le deuxième degré correspond à l’alternance de deux éléments perturbateurs qui viennent freiner le passage de « Non A » à « A ». Cette forme a pu être illustrée par un dessin animé intitulé « La chasse au canard ». Il s’agit de Daffy le canard noir aux prises avec Médé le chasseur et le renard. Dans ce récit, il y a changement de lieux, trois personnages dont un héros, objet de quête et deux sujets victimes. Tout au long du récit, il y a réussite du héros par déplacements successifs de l’objet de quête.

Le troisième degré réside dans la succession d’éléments perturbateurs différents. Cette forme a pu être illustrée par un dessin animé intitulé « Le Shérif Roquet ». Ce récit oppose Roquet Belles Oreilles et Dalton le dernier né.

On y retrouve des changements de lieux, deux personnages dont un sujet héros et un objet de quête La réussite du héros est assuré par l’intervention de forces extérieures aux deux personnages en cause. Il y a ici introduction d’un élément magique. Le quatrième degré a été établi par rapport à l’utilisation de la simulation. Ce récit oppose Yogi l’ours et le gardien du Jellowstone Park, Il s’agit du récit « Méfiez-vous des imitations ».

On y retrouve des changements de lieux, deux personnages protagonistes dont un héros, objet de quête et un sujet victime de son propre jeu. Dans ce récit, il y a réussite du héros par la simulation et échec du sujet malgré la simulation.

L’analyse détaillée de la structure de chacun de ces récits sert de base à l’élaboration d’un instrument pour vérifier le degré de compréhension des enfants et, de cette façon, aide à déterminer quel type de récit convient le mieux en fonction de l’âge de l’enfant et de l’utilisation qu’on veut en faire.

Théoriquement on peut supposer que plus le degré de discontinuité est élevé plus l’enfant a de la difficulté à saisir la structure du récit. L’expérience a démontré que ce phénomène est réel sauf en ce qui concerne la simulation.

La simulation ne pose aucun problème à l’enfant et facilite même la compréhension générale du récit.

L’utilisation du dessin animé en classe devient de plus en plus accessible grâce particulièrement à la magnétoscopie. On peut alors initier l’enfant à l’analyse du récit et â l’analyse de l’image à l’aide de documents qui lui sont familiers, et surtout qu’il apprécie particulièrement, et ce ne sont là que de misérables petits exemples d’exploitation possible. La télévision commerciale nous offre un très grand nombre de documents qui peuvent facilement être utilisés en classe. Il nous appartient, â nous éducateurs, d’apprendre a l’enfant à regarder la télévision, à lire le message télévisuel et à en tirer le maximum. L’intérêt des enfants pour la télévision n’est sûrement plus un phénomène à démontrer. Il nous reste à bien utiliser cet intérêt, et c’est dans cette optique d’utilisation pédagogique qu’il faut continuer â travailler.

Danielle Brady, psychologie 1978
Texte paru dans l’Interdit, mars-avril 1979, #268.

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L’utilisation du dessin animé en classe devient de plus en plus accessible… Illustration : © Megan Jorgensen.

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