Le Pardon de Denis Boivin : Ils pardonnent l’assassin de leur fille de 15 ans
C’était en 1979 durant l’été. Deux adolescents rentraient chez eux. Elle s’appelait Chantal Dupont, et elle avait 15 ans. Lui, c’était Louis Marcil, 14 ans. Ils habitaient la Rive-Sud. La mort les attendait sur le pont Jacques-Cartier. Pas n’importe laquelle. Deux hommes de 25 ans se sont jetés sur les enfants, leur ont fait subir d’innombrables sévices et les ont jetés en bas du pont.
Huit jours plus tard la police retrouvait les deux cadavres dans le fleuve.
Voila le sujet du film Le Pardon : les parents de Chantal Dupont ont pardonné aux deux meurtriers de leur enfant. Ils ont allés, à la fin du documentaire, serrer sur leur cœur Normand Guérin, l’un des deux hommes. L’autre n’a jamais voulu rien savoir d’eux.
Le réalisateur Denis Boivin a fait un film bouleversant de cette histoire. Parce que le pardon est presque impossible à comprendre pour la plupart des gens. Souvent, il procède de l’indifférence. Ce pardon-ci, accordé pst des parents qui n’ont sans doute pas fini de pleurer leur enfant, est voulu.
Les Dupont ont pardonné comme Dieu nous pardonne. Comme le notre Père nous l’ordonne. « Pardonner, dira mme Dupont, c’était ça offrir notre fille au Seigneur. »
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Ces parents-là ont vu le corps de leur fille noyée, un corps boursouflé, une tête quasi-méconnaissable qui n’avait plus de cheveux, emportés par l’eau. Ils ont pardonné quand même. On entend dire que la foi soulève les montagnes, mais le pardon, un pardon de cette magnitude, on n’arrive pas à comprendre.
On rencontrera le frère jumeau de l’assassin et sa mère. Elle dira : « J’ai été si surprise de leur pardon que je n’ai pas été capable de dire merci. » Et elle ajoutera cette phrase étonnante : «Si eux pardonnent, alors que nous on a de la misère, de quoi on aurait l’air si on ne pardonnait pas aussi?»
Et Normand Guérin, l’assassin, qui dit cette phrase : « J’ai vu la pureté de cette fille-là. Je la voulais rien que pour moi.» Et qui avouera qu’il a eu peur de l’amour des Dupont.
Peut-être comme on a peur de Dieu…
La scène finale nous montre les Dupont qui arrivent à la prison de Port-Cartier pour rencontrer Normand Guérin. Longue marche dans les couloirs d l’institution. On n’en finit plus d’arriver, comme sans doute on n’en finit plus d’arriver à pardonner. Décidemment, Denis Boivin est un poussant réalisateur.
Financement difficile
M. Boivin expliquait au visionnement de presse que c’est son incompréhension des Dupont qui l’a poussé à faire son film Pas une œuvre facile à réaliser. Il fallait moult permissions, et, en plus, il n’a jamais pu obtenir d’aide financière d’organismes comme Téléfilm Canada ou la Sogic. Finalement, c’est un vendeur de voitures de Québec, Giguère automobiles, et l’Office des communications sociales qui lui ont assuré son financement.
Pas facile à vendre non plus. Ni Radio-Canada ni Radio-Québec ne se sont intéressés à ce projet. Trop explosif, trop dangereux, ou peut-être simplement trop religieux. Peur que l’assassin y soit trop sympathique. «Certains auraient voulu un film davantage antireligieux», dira le réalisateur. C’est Quatre Saisons qui a donné le feu vert, grâce sans doute à l’intervention du reporter Claude Poirier qui y anime l’émission 24/24.
Et Quatre Saisons a été récompensée : le film a remporté des prix à l’étranger, et a eu l’effet d’une bombe aux Rendez-vous du cinéma québécois en 1992.
Le Pardon. 1992. 16mm couleur
Durée 56 min.
Réalisation : Denis Boivin
Production : Les Productions de film Dionysos
Musique : Daniel Bernatchez
Participation financière : Fondation Giguère –
Prix et mentions pour Le Pardon de Denis Boivin :
Festival International de Tours 1992 (France):
- Grand Prix Henri-Langlois de la Presse.
- Prix pour le meilleur Grand Reportage.
Prix Can-Pro, pour le meilleur documentaire télédiffusé sur les réseaux canadiens en 1992.
Deux nominations aux Prix Gémeaux 1993 :
- meilleur montage documentaires toutes catégories.