Mademoiselle Colette Lesage est décédée
Le 2 avril 1961, à l’âge de 85 décéda Mademoiselle Colette Lesage qui, pendant plus de cinquante ans, avait signe le fort populaire Courrier de Colette dans le quotidien La Presse.
Deux jours plus tard, M. Roger Champoux lui rendait hommage de la manière suivante dans un article éditorial, publié dans ce journal:
Dans la vie, il y a beaucoup de gens qui sont quelque chose: très peu sont quelqu’un.
Colette Lesage, c’était quelqu’un! Cette femme si frêle était une force; cette personne si modeste, si effacée, était une puissance. Doyenne, à tous les titres, du journalisme féminin canadien-français, Colette a tenu la plume durant plus de cinquante années (de 1898 à 1953). Dans la troisième année du vingtième siècle, elle fondait la page féminine de La Presse et Mlle Edouardina Lesage n’allait pas tarder à rendre célèbre un prénom, Colette, qui devint son nom de plume et son nom pour de bon.
Colette Lesage aura été la créatrice du «courrier du cœur», formule aujourd’hui répandue. Mais est-ce faire injure à quiconque d’oser écrire que, dans cette discipline littéraire, Colette aura toujours été au pinacle de la perfection? Superbement intelligente, cultivée, près des humbles parce qu’elle était humble elle-même, philosophe parce que son volumineux courrier (on a déjà compté 400 lettres en un seul jour) lui révélait autant les beautés que les noirceurs de l’existence, cette femme rédigeait les réponses à son courrier avec un soin extrême. Tant pour le fond que pour la forme.
On a pu écrire que le cœur des femmes est un abîme dont personne ne connaît le fond. Cette réflexion faisait sourire Colette qui pouvait se vanter de connaître ses sœurs mieux qu’elles-mêmes. Elles sont légions celles qui ont trouvé en Colette, non seulement une confidence, mais une conseillère. Délicate, fine, perspicace, sachant être catégorique quand le problème exigeait une solution tranchée, Colette possédait l’art, combien difficile! d’associer la bonté à la rigueur.
Au départ, le Courrier de Colette fut un succès sans précédent; la popularité de la rubrique n’a jamais fléchi parce que l’éminente femme de lettres, semblant deviner les angoisses des générations nouvelles, traitait des problèmes du temps présent avec une autorité fondée sur la longue et féconde expérience du passé. L’amour, l’inquiétude et le chagrin cheminent toujours ensemble.
Colette évitait de pleurnicher avec les adolescentes. Elle détestait la sottise et la friponnerie chez les femmes noircissant toujours le mari pour mieux masquer leurs propres fautes.
Celles qui cherchaient des doléances étaient déçues; celles qui désiraient une leçon d’optimisme et de confiance ne lui ont jamais écrit en vain.
Surtout de la dignité chez Colette. Combien de lettres de ton scabreux sont parvenues sur sa table de travail auxquelles elle a su répondre avec vigueur et vérité, certes, sans jamais que l’écrivain ait senti le besoin de se livrer à une bassesse d’écriture.
Sachant combien redoutable était son poste, comprenant l’immense répercussion de ses directives, Colette n’a jamais donné un conseil qui n’ait été longuement mûri. Cette femme avait charge d’âmes en quelque sorte; elle fut toujours impeccablement à la hauteur de cette exaltante mais difficile mission. Et lorsque le cardinal Léger lui remit la médaille «Bene Merenti», accordée par sa Sainteté le pape Pie XII, jamais pareil hommage ne fut aussi bien mérité.
Colette Lesage, qui avait fait valoir ses droits à la retraite en 1956, s’est éteinte à 85 ans, en ce dimanche de Pâques. Coïncidence, évidemment. Mais les lis de Pâques qui fleurissent sa tombe sont l’offrande qui convient à celle dont la vie et les écrits furent toujours si purs.
Entre nous Mesdames
Il s’agit en l’occurrence d’extraits du premier Courrier de Colette, publié le 28 mars 1903, et signé tout simplement Colette.
Petite correspondance
Note préliminaire : Mme Gaétane de Montreuil, ayant abandonné la direction de cette page, on m’a chargée de répondre, à l’avenir, en sa place, à la petite correspondance. C’est une tâche dont je m’acquitterai avec plaisir et au mieux de mes très faibles lumières.
Les correspondants voudront bien désormais adresser leurs communications à Colette, au bureau de La Presse.
Flecca – Est-ce bien votre pseudo? Je ne suis pas sûre d’avoir parfaitement compris. 1) L’une ou l’autre des jeunes filles peut indifféremment faire les premières avances. 2) Vous pouvez discrètement lui laisser savoir que ses visites vous sont agréables. Vous avez aimé ces représentations tellement que, sur votre foi, je regrette de n’avoir pas eu l’occasion d’y assister.
Sans soutien – C’est un conseil très grave que vous demandez là, ma chère, et vous promettez de le suivre quel qu’il soit. Ce n’est pas à moi que vous vous adressez, mais je suis sûre que celle-là vous dirait exactement ce que je vais vous dire. N’embrassez pas cette carrière, vous n’y rencontreriez que déceptions, contretemps et malheurs. Croyez-moi, malgré ses dehors plutôt brillants ce métier est un des plus pénibles qui se puisse exercer. Puis songez qu’au point de vue moral, il est superlativement dangereux, et vous avez charge de deux âmes : la vôtre et celle de votre sœurette. Vous êtes l’aînée, n’est-ce pas? Ne vous exposez donc pas aux périls de tous genres que comporte cette situation. Ne connaissez-vous pas quelqu’un de sage et d’expérimenté, vous connaissant mieux que moi et qui out vous conseiller, vous enseigner le moyen d’améliorer votre situation actuelle sans compromettre votre avenir d’honnêtes jeunes filles.
Anxieuse – Je n’ai pas la moindre idée de ce que peut signifier « une bague portée au petit doigt de la main droite ou gauche d’un jeune homme ». Si quelqu’un parmi nos correspondants se trouvait être mieux renseigné que moi sous ce rapport, nul doute qu’il s’empresserait de vous tirer d’inquiétude, surtout quand il saurait s’acquérir ainsi votre « reconnaissance éternelle ».
J.E.D. St-Ant. – J’espère que vous avez reçu l’article demandé : C’est ce que j’ai pu trouver de mieux dans le genre et le prix de trouve être juste ce que vous aviez présumé. Je vous serais obligée de bien vouloir accuser réception sans délai. J’ai hâte de savoir si la poste a fait son devoir.
Mignone – 1) Toutes les nuances sont portées cette saison. Les bleus, les verts et les gris sont bien seyants et toujours de mode. 2) On dit que l’eau de pluie employée comme ablution fait disparaître les taches de rousseurs; quant à ces petits points noirs, il suffit de les presser fortement entre le pouce et l’index pour les faire disparaître.
M.A. Puricima – Pour votre première question, vous feriez mieux de consulter un homme de loi, je ne saurais vous renseigner avec certitude. 2) Il n’est pas nécessaire de remercier. 3) Le blanc est toujours porté; quant à la chaussure, pour la rue, la noire est préférable avec n’importe quelle toilette. 4) Prenez avec les doigts et servez-vous de la fourchette pour ces gâteaux et pâtisseries. Il n’est absolument pas nécessaire qu’il y ait des témoins aux fiançailles. Les membres de la famille seulement. Il n’y a pas de règle pour la bague; le fiancé la choisit en rapport avec ses moyens de fortune; pour ce qui est de la forme ou du genre de pierres, il demande le goût de la jeune fille. Cette bague se porte dans l’annulaire de la main gauche, comme l’alliance.
Orphena – J’ai lu l’article qui ne m’était pas adressé et je l’ai tout de même bien aimé. Je le garde, et à l’occasion, je le ferai parvenir à qui de droit.
Colette

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