Cinq Questions et cinq réponses

Questions et réponses qui intéressaient le grand public du Québec en 1940

Un exemple représentatif du journalisme des années quarante du XXe siècle. Section R.S.V.P. (Répondez si vous le pouvez). Ces questions et réponses ont été publiées dans le quotidien Le Canada, le 28 août 1940.

Voici cinq questions. Pouvez-vous y répondre? Notez les réponses que vous croyez bonnes et continuez de lire le texte pour trouver les réponses exactes. Faites la comparaison.

QUESTIONS

  1. Vous connaissez des hommes qui ne meurent pas ? J’en connais pour ma part au moins un ; il vit au Tibet. Connaissez vous ce phénomène ?
  2. Nous n’avons pas coutume de construite nos habitations sur les ponts. Il est pourtant un château célèbre érigé sur un tel emplacement, le connaissiez-vous ?
  3. Sur les bouteilles et bonbonnes de métal contenant de l’air liquide, on ne met pas de bouchons, et cependant l’air liquide ne se perd pas. Comment l’expliquer ?
  4. Vous ne connaissez peut-être pas d’homme qui soit immortel mais, du moins, savez-vous en quelle partie de notre univers les hommes à trois ans pourraient avoir de la barbe et même une barbe blanche ?
  5. Si nous vous disons : Dame-Jeanne est bonbonne, s’agit-il là d’un met d’enfant ou d’une expression de faits et de quel ordre. Quelle est cette dame-jeanne?

RÉPONSES

  1. Vous auriez toutes les raisons de ne pas le connaître, car il n’est guère de personnage plus mystérieux et d’un abord plus difficile. Cela se comprend, c’est un Dieu, tout au moins pour ses fidèles. Plus modestement, c’est un Pape, le pape de la religion bouddhiste. Il est l’incarnation même de Bouddha, le fondateur. Cette religion prône la métempsycose ou transmigration des âmes. L’âme des croyants revient après leur mort dans le corps d’un animal pour y subir des souffrances qui la rachèteront Bouddha lui-même par son infinie sagesse a mérité que son âme ne revint pas dans le corps d’un animal mais dans celui d’un autre humain. De ce fait, cet humain devient son successeur. Quand il meurt à son tour, son âme passe dans le corps d’un enfant et celui-ci, que certains prodiges permettent d’identifier, reçoit une éducation spéciale qui doit lui permettre de tenir plus tard son rôle. Sous le nom de Dalaï-Lama, ce qui signifie Grand-Prêtre, il vit au fond d’un Palais, dans la capitale du Tibet, Lhassa.
  2. C’est le châteaux de Chenonceaux, qui est peut-être la plus remarquable de toutes les habitations seigneuriales qu’on a coutume d’appeler: les châteaux de la Loire. C’est la un terme général qui a consacré une série de résidences d’une architecture merveilleuse et d’un faste quasi-royal, toutes situées dans la même région, mais non pas toutes sur la Loire. Celui qui nous occupe appartient plutôt au Cher ; et c’est le cas de dire qu’il lui appartient, puisqu’il est bâti au milieu de son cours. On s’étonnera de cette fantaisie. C’est qu’il faut connaître l’époque. Ce fut une ère de luxe, d’art et de plaisir. Les plus riches n’étaient pas encore les grands seigneurs mais les marchands ; Sous le même roi, François 1er, un armateur de Dieppe, Jean Ango lui prêtait de l’argent. Ce fat un autre négociant millionnaire, Thomas Bohier ou Gohier, qui bâtit Chenonceaux. Peut-être n’avait-il pas la conscience en repos, à cause de bénéfices usuraires ou peut-être était-il de tempérament fort sauvage. Quoi qu’il en soit, il fit construire un pont qui servit de fondation au château. Plus tard une galerie couverte le relia a la terre ferme ; Bohier se rappelait les ponts de Paris dont les parapets étaient autrefois dissimulés par d’innombrables échoppes, au point que la circulation en était embarrassée et que la traversée était tout un problème.
  3. L’étroitesse de l’orifice suffit en effet à prévenir toute fuite. C’est qu’il faut tenir compte à la foi de la pesanteur et de la température du corps ainsi conservé. L’air liquide est un air refroidi. Il a diminué de volume, car un liquide est toujours plus concentré qu’un gaz; à égalité de volume, le liquide est plus pesant que le gaz, qu’il s’agisse ou non du même élément. Je n’ai pas besoin de redire que les corps plus lourds refusent toujours de s’élever, à moins qu’une force supérieure ne les y contraigne. Le facteur température a cependant une plus grande importance. Pour en arriver à l’état liquide, l’air, par des procédés artificiels dont le plus connu et le plus employé est le procédé George Claude, a dû s’abaisser à deux cent soixante treize degrés centigrades sous zéro, quatre cent soixante degrés à notre thermomètre Fahrenheit. Ce froid est suffisant pour que toute la chaleur contenue dans une pièce de dimensions moyennes ne suffise pas à ramener l’air liquide à l’état gazeux, bien plus encore si l’exiguïté de l’orifice diminue la possibilité de rayonnement.
  4. II n’est pas besoin d’aller plus loin que la planète Saturne. Cela représente, il est vrai, quelques centaines de millions de milles ; mais c’est peu si on compare cette distance à celle de notre univers. Vous n’auriez pu retrouver ce phénomène sur notre globe où aucune épreuve, quelque dure qu’elle soit, n’a jamais fait vieillir si vite. Sur Saturne, l’année est est a vingt-neuf des nôtres. L’année, vous le savez, est le temps que met un astre à tourner autour de son soleil. Trois années de Saturne vaudraient donc quatre-vingt-sept ans pour nous ; et à quatre-vingt-sept ans, ceux des humains qui sont parvenus à cet âge respectable ont généralement de la barbe au menton… Il n’est pas besoin de dire qu’elle est blanche et depuis longtemps… On gagnerait à vivre sur Jupiter, où l’année vaut douze ans de la terre. Mais celui qui choisirait Uranus ne verrait qu’une fois l’été, l’année y étant de quatre-vingt-quatre de nos ans. Quant à celui qui aurait choisi Neptune. la dernière planète de notre système, il n’aurait guère le temps que de connaître une seule saison, tout au plus deux, de cette intervalle de cent soixante-cinq ans.
  5. N’importe qui peut prononcer ses mots et il aura raison. En effet, dame-jeanne est bonbonne, ou si vous préférez, une dame-jeanne est une bonbonne. Toute l’explication repose sur l’article. Son emploi indique qu’il s’agit d’un nom commun, d’un substantif d’application générale. Ici dame-jeanne et bonbonne. Ce sont deux mots du provençal. L’on prononce et l’on écrit : damajano et boumbouno. Comme vous le voyez, la traduction en français a donné des termes qui pouvaient prêter à confusion. Pour les Provençaux, le sens n’admet aucune équivoque. Il est probable. (Car je ne connais pas assez la langue provençale pour en jurer). Que boumbone dérive de boumba, qui veut dire bombe. La forme de l’objet a servi à le désigner. Dame-jeanne et bonbonne sont toutes deux des cruches de verre ou de grès. C’est d’une contenance variable, mais généralement de plusieurs pintes. Une chemise d’osier tressé que l’on appelle clisse les recouvre. La dite clisse a pour but de protéger le récipient au cours de la manutention et du transport. Elle sert aussi à maintenir frais le contenu. C’est le système adopté de préférence en Italie et en Provence pour les bouteilles de vin du pays.

 Voir aussi :

Le problème avec le monde, c’est que les gens intelligents sont pleins de doutes. Tandis que les imbéciles sont pleins de confiance. (Bernard Shaw). Photo : Bing.

Laisser un commentaire