La drave, l’exportation du bois et le rôle du bois dans l’économie canadienne
La drave
Sur la drave : Avant l’arrivée des Européens, la Mauricie a été le lieu de rassemblement des Algonquins qui se concentraient sur la rive nord du fleuve Saint Laurent, tandis que des Attikameks occupaient l’intérieur des terres mauriciennes. Les Français faisaient de brèves incursions dans le territoire afin d’échanger des fourrures. De plus une petite mission d’évangélisation y fut fondée.
C’est la fondation de Trois-Rivières, en 1634, qui marque la première implantation sérieuse européenne dans la région. La petite colonie exploite les terres fertiles le long du Saint-Laurent. Un nombre de seigneuries sont créées, mais en 1666, lorsque le premier recensement en Nouvelle France, Trois–Rivières ne compte que quelques 600 habitants.
En 1852, une nouvelle tendance voit le jour en Mauricie : la « drave ». C’est le flottage du bois sur la rivière. Ce phénomène économique dura plus d’un siècle. De nombreux ateliers, fours à charbon, chantiers de construction naval, moulins et scieries furent érigés le long des berges de la Saint-Maurice. Tout l’espace fut couverte de billots à la dérive.
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Pendant la saison froide, le bois est coupé, transporté par des chevaux et entassé sur les rives des cours d’eau, mais dès la fonte des neiges, des petits barrages sont construits sur les ruisseaux pour permettre le flottage des billes jusqu’aux rivières principales. De là, les plus expérimentés des bûcherons se font draveurs ou raftmans pour accompagner les billes de bois à destination et veiller à ce qu’elles ne forment pas d’embâcles aux rétrécissements des rivières.
À l’aide de perches, ces gars sautent de bille en bille, essayant de décoincer et de guider les troncs pour qu’ils se libèrent et continuent leur route. À leur arrivée sur les grandes rivières, les billes sont assemblées en radeaux, appelés cages, pour éviter qu’elles ne se dispersent et s’échouent. Lorsque les rapides risquent de bloquer les cages, les radeaux sont démontés et les draveurs guident les billes dans les rapides avec de longues perches, puis reconstituent les cages une fois les rapides franchis.
Pendant de nombreuses décennies, le bois coupé dans les forêts québécoises, notamment le pin blanc destiné à la construction navale à Québec et en Angleterre, était ainsi transporté sur l’eau par ces énormes radeaux, appelés cages. Les troncs étaient attachés ensemble et les hommes qui manœuvraient ces radeaux étaient des cageux. En amont de rapides, ces cages étaient démontées, puis réassemblées en aval. Dans son roman La corne de brume, paru en 1989, Louis Caron raconte la vie de ces travailleurs intrépides : Le fleuve respirait calmement. De grandes masses de joncs flottaient ici et là. Hyacinthe se laissait dériver vers les promesses de l’aube. Le fleuve allait dans le même sens. Le cours de ses pensées aussi.
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Le processus de la drave était un métier dangereux, nécessitant parfois l’utilisation de la dynamite pour défaire les embâcles qui se formaient régulièrement. Les métiers de la forêt ont coûté cher en vies humaines, mais ils sont le point de départ du développement général de la région.
Des draveurs accompagnaient les troncs d’arbres jusqu’aux scieries. Ces troncs, coupés en hiver, étaient emportés par les courants et parcouraient ainsi des centaines de kilomètres. Plus de deux mille draveurs travaillaient sur les cours de la Saint – Maurice chaque année.
Mais de la deuxième moitié du XXe siècle, la drave diminue. Finalement on l’interdit en 1995 à cause de la pollution des eaux qu’elle provoque. Vers 1998, on nettoie la rivière des billots. Aujourd’hui, le musée du Draveur au village du Bûcheron raconte cette partie de l’histoire du Québec.
Description de la drave par Louis Hémon (« Maria Chapdelaine)
Les chantiers, la drave, ce sont les deux chapitres principaux de la grande industrie du bois. Pour les hommes de la province de Québec elle est plus importante encore que celle de la terre. D’octobre à avril les haches travaillent sans répit. Ainsi les forts chevaux traînent les billots sur la neige jusqu’aux berges des rivières glacées. Puis, le printemps venu, les piles de bois s’écroulent l’une après l’autre dans l’eau neuve. Ensuite ils commencent leur longue navigation hasardeuse à travers les rapides. Et à tous les coudes des rivières, à toutes les chutes, partout où les innombrables billots bloquent et s’amoncellent. Il faut encore le concours des draveurs forts et adroits. Habitués à la besogne périlleuse, pour courir sur les troncs demi-submergés. Pour rompre les barrages, aider tout le jour avec la hache et la gaffe. À la marche heureuse des pans de forêt qui descendent.