Le radeau de la Méduse

Le radeau de la Méduse (par Bernard Werber)

Le 17 juin 1816, le bateau La Méduse quitte la France pour rejoindre le Sénégal (qui vient d’être restitué à la France par les Anglais. Au gouvernail de cette frégate : le commandant Hugues Duroy de Chaumareys, un ancien officier de marine qui n’a pas navigué depuis vingt-cinq ans. Il a obtenu ce poste grâce à sa lignée aristocratique et son alliance politique avec le roi Louis XVIII qui vient de montrer sur le trône. Sur le bateau, le nouveau gouverneur du Sénégal ainsi que sa famille et ses serviteurs, plus des scientifiques, des marins et des soldats, et surtout des colons, marchands, artisans, agriculteurs venus chercher fortune au Sénégal. En tout 245 passagers.

Rapidement, les officiers (qui sont pour la plupart jeunes et bonapartistes) manifestent leur hostilité vis-à-vis de leur commandant qu’ils considèrent comme un vieil aristocrate prétentieux. Les disputes politiques s’enveniment et le climat dégénère.

Si bien que lorsque la frégate arrive face au seul danger de la région, un banc de sable au large de la côte mauritanienne, les ordres mal transmis ou mal compris provoquent, le 2 juillet 1816, un échouage du bateau sur le banc de sable affleurant la surface à 160 kilomètres de la côte. À l’intérieur de la Méduse échouée, on s’aperçoit que les canots de sauvetage sont insuffisants pour prendre tous les passagers. Dans un climat de plus en plus tendu, le commandant et les officiers décident de récupérer les planches du bateau pour construire un grand radeau de 20 mètres sur 7.

Le commandant Duroy de Chaumareys avec les officiers amis, ses meilleurs marins et la famille du gouverneur s’installent dans les canots de sauvetage qui seront en meilleur état. 88 personnes auront accès aux canots et 157 seront forcées de s’installer sur le gros radeau remorqué à l’arrière. Ceux du radeau protestent (d’autant plus que, le chargement étant trop lourd, le radeau s’enfonce et ils ont de l’eau jusqu’aux chevilles), mais pour les rassurer, on accroche tous les canots ensemble et le radeau est arrimé au dernier d’entre eux. Cependant le lourd radeau ralentit les canots manœuvrés à la rame et le commandant prend la décision de laisser aller le filin qui les relie puis de le couper. Les canots du commandant Duroy de Chaumareys et de ses amis atteindront tranquillement la côte sénégalaise quatre jours plus tard. Mais ils laissent derrière eux le radeau de la Méduse livré à lui-même avec ses 157 naufragés.

Le premier soir, les soldats se mettent en tête de saborder le radeau pour hâter une fin qu’ils considèrent comme inéluctable, mais les marins s’y opposent et ils se battent toute la nuit à la hache et à la machette. Au matin, les marins ont gagné, mais le radeau est jonché de cadavres.

Dès lors, le cauchemar pour la survie commence. Le soleil provoque des insolations mortelles. Ils souffrent de la faim et de la soif (il n’y avait dans le bateau que du vin, ce qui les a saoulés et a provoqué une nouvelle bagarre entre eux). Au deuxième jour, ils ne sont plus que 75. Au cinquième jour, après avoir mangé les cordes et les vêtements, certains s’enhardissent à manger les cadavres.

Ils ne sont plus alors que 40 survivants. Les plus valides se réunissent et décident d’achever les plus malades pour prolonger la survie des autres.

Pendant ce temps, le commandant de Chaumareys se souvient qu’il a laissé trois barils remplis de 90 000 francs en pièces d’or sur le radeau de la Méduse et cela le contrarie. Il décide d’envoyer un bateau, l’Argus, pour retrouver ce trésor. À ce moment, tout le monde pense que les passagers du radeau sont morts.

Pourtant, au douzième jour de dérive, ils sont encore 15 survivants. Ils ont construit une tente pour se protéger du soleil.

Le treizième jour, le 17 juillet, les rescapés aperçoivent au loin une voile. Ils crient, font des signes, agitent des guenilles au bout de planches, mais le bateau ne es repère pas. Deux heures plus tard, le canonnier Courtade revoit passer le bateau. C’est l’Argus qui est toujours en mission de repérage pour récupérer les 90 000 francs.

Cette fois, ils sont repérés et sauvés.

Lorsque les rescapés raconteront leur périple, leur récit va défrayer la chronique de l’époque.

Le commandant de Chaumareys, qui ne comprend pas ce qu’on lui reproche, sera condamné à trois ans de prison militaire. Son fils, écœuré par le comportement de son père, préféra se suicider.

Le drame du radeau de la Méduse inspirera le peintre Théodore Géricault qui mettra un an pour créer une toile fascinante de 5 mètres sur 7. Par souci de réalisme, le peintre mène une enquête afin de savoir ce qui s’est passé et demande aux survivants de poser pour lui. Ce sont donc les vrais acteurs du drame qui sont représentés sur la toile. Pour compléter la scène, il fait venir des cadavres qu’il entasse dans son atelier, qui sent de plus en plus mauvais.

Cette peinture d’une puissance rare est désormais placée à l’entrée du Louvre comme un avertissement.

Edmond Wells, Encyclopédie du Savoir Relatif et Absolu, Tome VII. Bernard Werber, Troisième Humanité. Éditions Albin Michel et Bernard Werber, Paris, 2012.

Le Radeau de la Méduse, un tableau peint par un artiste nommé Gércault

Cette toile représente des humains qui avaient fait naufrage en haute mer et s’étaient réfugiés sur un radeau en bois. La plupart sont morts les uns après les autres, et les survivants ont fini par s’entredévorer. Cet épisode avait beaucoup choqué son époque et inspiré ce tableau. Au-delà du simple récit d’un événement réel, cette œuvre devient allégorique et représente ce qui pourrait arriver: l’humanité en perdition qui finirait par s’entretuer pour survivre. 

Voir aussi :

Le radeau de la Méduse. Peinture par Théodore Géricault.
Le radeau de la Méduse. Peinture par Théodore Géricault.

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