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Menace de destruction

Menace de destruction

Menace de destruction de l’Atlantide et des Atlantes

(D’après Lauric Guillaud)

Il est dangereux, sinon fatal, de troubler le repos éternel des Atlantes, ces dieux primitifs qui gisent enfouis dans leur royaume souterrain. Telle est la morale de plusieurs romans atlantidiens.

Les explorateurs que décrit Haggard dans son roman Le Jour où la Terre trembla, paru en 1919, transgressent les interdits d’une population indigène insulaire et, ce faisant, provoquent le réveil de deux assoupis, Oro et Yva, qui avaient déjà noyé l’humanité 250 000 ans auparavant. Voyant l’étendu du mal qui ronge le monde, les dieux décident de procéder à un nouveau Déluge purificateur qui renvoie le lecteur aux thèmes du réveil cyclique des dieux et du cataclysme potentiel qu’il implique.

Une œuvre similaire, La Sphère d’Or (1925) dynamise ce thème en introduisant des éléments raciaux prémonitoires. Erle Cox y décrit la découverte d’une sphère intra-terrestre, véritable musée technologique d’un passé immémorial, qui recèle une femme en état d’hibernation.

Son réveil, une fois encore, entraîne une menace directe sur l’humanité, car la belle endormie veut procéder à un génocide systématique des races inférieures, grâce aux moyens technologiques avancés dont elle dispose.

Dans The Vampires of the Andes (1925) d’Henri Carew, un explorateur atteint un sanctuaire atlante après un véritable parcours initiatique. C’est pour apprendre que le jour est désormais proche où les oiseaux sacrés boiront le sang de sept jeunes vierges, ressuscitant ainsi les formes gigantesques des sept grands dieux. Le retour des dieux coïncide une fois de plus avec le châtiment d’une humanité coupable d’avoir sombré dans le mal et d’avoir inventé des outils de destruction.

La menace de destruction est également associée au thème du « savoir perdu » que tentent de récupérer aventuriers et autres savants fous. T. Mundy l’esquisse dans The Nine unknown (1924) et le développe dans Jimgrim (1931) où il compte le combat à mort de Jimgrim et de Dorjé, qui a dérobé le secret d’une énergie redoutable à une cite atlante dans le désert de Gobi.

Les Atlantes possèdent d’ailleurs l’arme suprême, explicitée plus tard par I. C. Crawford dans The Tapestry of Time. La destruction d’Atlantis par l’arme atomique renvoie aux craintes d’une génération inquiète des progrès de la science. Grâce à leur connaissance de la matière, les Atlantes, dans The Drums of Tapajos de S.P. Meck, observent le monde entier à son insu, mais les Big brothers d’Atlantis peuvent s’avérer encore plus dangereux : dans The Light in the Sky, la civilisation ultra-scientifique d’Atzlan utilise les pouvoirs de la lumière. Le grand prêtre contrôle cette arme suprême qu’il nomme la « huitième couleur » et qui risque de devenir un moyen d’anéantir le monde extérieur. Nouvel exemple de renversement mythique, la lumière est ici principe de destruction. Pour les prêtres, la fin du cycle doit coïncider avec l’avènement d’une nouvelle ère qui nécessitera la purification de l’humanité par le feu. Cette résurrection du dieu solaire, imposée en ses symboles par le nazisme avec les conséquences funestes que l’on sait, va de pair avec l’idéologie véhiculée par une certaines littérature atlantidienne, florissante à cette époque, qui insiste sur l’origine « aryenne » du peuple atlante (Yermah the Dorado, The Divine Seul, The Prince of Atlantis).

Les cités atlantidiennes sous-marines trahissent elles aussi une angoisse devant l’avenir. Deux œuvres de science-fiction américaines, publiées en 1930, s’inscrivent dans une perspective de bouleversements. La première, The Green Girl, nouvelle de Jack Williamson, commence le 4 mai 1999 par la disparition du soleil. Grâce à une machine amphibie, le héros et son beau-père atteignent une cité sous-marine gouvernée par une princesse à la peau verte. Ce petit monde subaquatique est menacé par le Seigneur de la Flamme qui a réduit la princesse en esclavage. Le combat s’engagera alors entre le héros et la créature satanique.

L’action de See Girl de R. Cummings se situe en 1990, alors que se manifeste une série de cataclysmes marins qui terrorise l’humanité. Une sirène guide un groupe d’amis vers les profondeurs sous-marines, expliquant qu’une race appelée les « Giants », menée par la terrible reine Rhana, menace de conquérir le monde en provoquant artificiellement une sorte de peste chimique – proche des armes bactériologiques, – projet finalement contrecarré par les héros.

Alors que Williamson et Cummings projettent leurs fantasmes de guerre et leur angoisse de l’avenir sur des prototypes fictionnels (le méchant, le diable, le savant fou), certains utilisent la science-fiction et ses archétypes atlantidiens pour expliciter leur démarche littéraire dans un cadre historique contemporain qui ne laisse subsister aucun doute. C’est le cas du Britannique Joseph Delmont qui décrit dans The Submarine City (1930) une gigantesque cité sous-marine abritant des sous-marins allemands qui s’apprêtent à conquérir le monde. Ce roman s’inscrit dans la lignée des ouvrages de science-fiction idéologique (City of Endless Night, 1919, de M. Hastings ; The New Race of Devils, 1921, de J. Bernard) qui décrivent les Allemands fourbissant des armes de plus en plus sophistiquées par satisfaire leur désir de revanche. Le thème de la cité-bulle subocéanique sera définitivement laminé par l’idéologie pré-nazie dans World D (1935) de H. P. Trevarthen qui conte le projet d’un savant fou, consistant à peupler sa cité d’échantillons humains hyper-sélectionnés, le monde extérieur étant condamné à la destruction (Cette contagion historique ne concerne pas que les Atlantides « contemporaines ». « À croire que certains ont la faveur de soulever le voile masquant les événements à venir, écrit J. Van Herp (José Moselli et la SF, ides et autres, Bruxelles, 1984, p. 187) à propos de l’ouvrage de José Morelle, La Fin d’Illa, parue en 1925. Cette civilisation de type atlantidien, quoique située dans le passé le plus lointain, prend un relief tragique par sa prescience du totalitarisme. La fin d’Illa la Glorieuse, dont les machines sont nourries avec du sang humain, semble inéluctable. Les noms mêmes du dictateur et de son chef de la police secrète, Rair et Lim, semblent prophétiser les noms sinistres d’Hitler et d’Himmler.

« Il n’y a pas de gloire à la guerre. Seulement des ruines, du sang, des morts, de la destruction. » (Maurice Gagnon, écrivain québécois né en 1912 et mort en 1999, Les tours de Babylone). Image : © Megan Jorgensen.

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