Maigret voyage, roman par Georges Simenon
Première édition : Presses de la Cité, 1958
C’était Maigret qui avait dit ça, jadis, à l’inspecteur Janvier, un soir qu’ils s’en revenaient tous les deux par le Pont-Neuf au Quai des Orfèvres.
Mais, cette nuit, Maigret ne commentait pas les événements qui se déroulaient, car il dormait profondément, dans son appartement du boulevard Richard-Lenoir, à côté de Mme Maigret.
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À deux pas, avenue Marceau, le docteur Frère s’habillait en hâte, saisissait sa trousse et, un peu plus tard, sortait de l’immeuble endormi, montait dans sa voiture qui stationnait au bord du trottoir.
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– Faites téléphoner à l’Hôpital Américain de Neuilly pour qu’ils envoient une ambulance…
Tout cela n’avait rien d’exceptionnel. La téléphoniste, le casque sur la tête, s’adressait à une autre téléphoniste de nuit, là-bas, à Neuilly.
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Poste de la rue de Berry.
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A cinq heures et demie, l’inspecteur Justin, du VIIIe arrondissement, questionnait le concierge de nuit du George-V, inscrivait quelques mots dans son calepin, parlait ensuite à Jules, le garçon, puis se dirigeait vers l’hôpital de Neuilly, où on lui déclara que la comtesse dormait et que ses jours n’étaient pas en danger.
A huit heures du matin, il pluvinait toujours, mais le ciel était clair et Lucas, légèrement enrhumé, prenait place à son bureau du Quai des Orfèvres où les rapports de la nuit l’attendaient.
Il retrouvait ainsi la trace, en quelques phrases administratives, de la bagarre de la rue de Ponthieu, d’une dizaines de filles appréhendées, de quelques ivrognes, d’une attaque au couteau rue de Flandres et de quelques autres incidents qui ne sortaient pas de la routine.
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Un certain John T. Arnold, vers le même moment, qui, à l’Hôtel Scribe, sur les Grands Boulevards, prenait son petit déjeuner, en pyjama et en robe de chambre, décrocha le téléphone.
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– J’ai pu rejoindre le docteur Frère chez un de ses patients, rue François 1er.
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– Je ne sais pas. Quelqu’un du VIIIe arrondissement s’est rendu à l’hôpital de Neuilly…
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– Lorsqu’elle était à Paris, je lui en faisais deux par semaine…
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Celui-ci, pour rattraper sa faute du matin, s’était mis en rapport avec l’Hôpital Américain de Neuilly.
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Il avait à peu près l’âge de Lapointe et on l’avait envoyé , pour une simple vérification, dans le quartier même où il se trouvait à présent, entre l’Étoile et la Seine, il ne se rappelait pas le nom de la rue.
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On entendait seulement des chants d’oiseaux, le bruit rythmé du sabot des chevaux montés par des amazones et des cavaliers en melon clair qui se dirigeaient vers le Bois.
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L’avenue elle-même, la rue François-Ier, l’avenue Montaigne constituaient un monde à part où, sur les plaques des maisons, on lisait les noms des grands couturiers et où dans les vitrines, à la simple devanture d’un chemisier, on voyait des choses inconnues partout ailleurs.
Est-ce que Lapointe, qui vivait dans un meublé modeste de la Rive Gauche, n’était pas désorienté?
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– Donnez-moi le Parquet, mademoiselle…
– Quel parquet ?
Ici, on ne parlait pas le même langage qu’au Quai des Orfèvres.
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Son père possédait déjà les plus grosses tréfileries de Manchester, fondées par son grand-père…
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– Il ne vivait pas à Manchester ?
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Pour la plupart des gens, David, qui avait hérité d’une fortune considérable, d’une affaire solidement établie, n’avait rien d’autre à faire que de passer son temps gaiement à Paris, à Deauville, à Cannes, à Lausanne ou à Rome, fréquentant les cabarets et les champs de courses, entouré de jolies femmes et de personnalités aussi connues que lui…
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– Si David n’a pas mené, à Manchester, la vie habituelle d’un gros industriel anglais, c’est, justement, parce que sa situation, là-bas, était fait d’avance, qu’il n’avait qu’à y continuer l’œuvres de son père et de son grand-père, ce qui ne l’intéressait pas.
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Loin d’être un playboy, David Ward s’occupait, à titre personnel, et non pas en tant que propriétaire des Tréfileries Ward, de Manchester, d’un certain nombre d’affaires diverses…
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– Un jour que nous passions ensemble, dans sa Rolls, sur la Riviera italienne, une panne nous a forcés à nous arrêter dans une auberge assez modeste.
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Le même soir, nous étions à Rome, mais quelques jours plus tard, j’achetais, pour le compte de David, deux mille hectares de terrains en partie couverts de vignes… Aujourd’hui, vous y verrez trois grands hôtels, un casino, une des plus jolies plages de la côte, bordée de villas …. En Suisse, près de Montreux…
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Cela vous paraîtra bizarre mais, à Paris, comme ailleurs, nous habitions presque toujours des hôtels différents.
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Un fils, Bobby, qui a seize ans et qui est à Cambridge, de la seconde, et une fille, Ellen, de la troisième.
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– La première, Dorothy Payne, qui appartient à une importante famille du textile de Manchester.
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– Nous sommes arrivés le 2, venant de Cannes… Auparavant, nous étions à Biarritz, après avoir quitté Deauville le 17 août… Nous devions repartir le 13 pour Lausanne…
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– David a un appartement ;à Lausanne et y est même domicilié…
– Et ici ?
– Il a cet appartement à l’année aussi, comme il en a un à Londres et un autre au Carlton de Cannes…
– Et à Manchester ?
– Il possède la maison familiale des Ward, une énorme construction de style victorien où, je crois bien, il n’a pas dormi trois fois en trente ans… Il avait Manchester en horreur…
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– Je fais surveiller les gares, les aéroports et les différentes sorties de Paris.
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Par exemple, le réveille-matin, sur la table de nuit, était en or et sortait de chez Cartier, comme un étui à cigares traînant sur une commode, tandis que le nécessaire à manucure portait la marque d’une grande maison de Londres.
Dans la penderie, un inspecteur compta dix-huit complets, et sans doute y en avait-il autant dans les autres appartements de Ward, à Cannes, à Lausanne, à Londres…
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– Téléphone donc à Lucas pour savoir s’il a des nouvelles … dit-il à Lapointe, qui semblait un peu perdu dans le brouhaha.
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– Pas ceux de Paris, deux ou trois, paraît-il, dont deux fois le même. Elle a ensuite appelé Monte-Carlo…
– Quel numéro?
– L’Hôtel de Paris…
– On ne sait pas qui ?
– Non, Vous voulez que je demande l’Hôtel de Paris?
On restait dans un même milieu. Ici, le George V. A Monte-Carlo, l’hôtel le plus fastueux de la Côte d’Azur.
– Allô! Mademoiselle, donnez-moi l’Hôtel de Paris, à Monte-Carlo, s’il vous plaît…
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Elle a reçu plus de quinze communications de Paris ce matin et est incapable de dire à qui celle-là était adressée.
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C’était moins compliqué, la veille, à peu près à la même heure, quand le commissaire était allé, rue de Clignancourt, rendre visite à l’encaisseur, père de trois enfants, qui avait reçu deux balles dans le ventre en essayant de défendre sa sacoche qui contenait huit millions.
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Je crois, dit soudain Maigret, comme s’il se parlait à lui-même, que je vais aller faire un tour à Orly.
Peut-être à cause des indicateurs d’Air-France et de la Pan-Américan qui traînaient dans un tiroir, ou à cause du coup de téléphone à Monte-Carlo.
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Dans un placard de 332, le commissaire avait aperçu des valises qui sortaient de chez un malletier célèbre, de l’avenue Marceau et les moindres objets usuels, un chausse-pied, par exemple, ou un presse-papier, portaient la marque d’une maison de grand luxe.
Or, c’était dans une simple boîte à biscuits que la comtesse gardait pêle-mêle les photographies d’elle et de ses amis, des instantanés pris au hasard de ses déplacements, qui la montraient, en maillot, à bord d’un yacht, en Méditerranée probablement, ou faisant du ski nautique, ou encore dans la neige, en haute montagne.
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Arnold connaissait tout le monde, en effet, et beaucoup étaient des personnages dont Maigret connaissait le nom, lui aussi : deux anciens rois, qui avaient régné dans leur pays et qui vivaient maintenant sur la Côte d’Azur, une ex-reine qui habitait Lausanne, quelques princes, un metteur en scène anglais, le propriétaire d’une grande marque de whisky, une danseuse de ballets, un champion de tennis…
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– Paul de Yougoslavie. Ici, c’est Nénette…
Nénette n’était pas le petit nom d’une actrice ou d’une demi-mondaine, mais celui d’une dame du Faubourg Saint-Germain qui recevait ministres et ambassadeurs à sa table,
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Il était en short, coiffé d’un immense chapeau de paille de planteur sud-américain, et il jouait aux boules sur une place de Saint-Tropez.
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Savez-vous qui se trouve actuellement à Monte-Carlo, à l’Hôtel de Paris, et à qui la comtesse, dans l’embarras, aurait pu avoir l’idée de téléphoner ?
Elle a téléphoné à Monte-Carlo ?
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Il vit une bonne partie de l’année sur la Côte. Il est propriétaire d’une villa, à Mougins, près de Cannes, mais la plupart du temps, il préfère l’Hôtel de Paris.
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A Londres, ses solicitors l’appellent MM. Philps, Phils et Hadley. A New York, la firme Harrison et Shaw s’occupe de ses intérêts… A Lausanne…
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– A Orly, mon petit…
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Le commissaire aurait aimé aller à l’Hôpital Américain de Neuilly, questionner l’infirmière, la réceptionniste, la demoiselle du téléphone.
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Il lui était arrivé quatre ou cinq fois de voyager en avion, il y avait un certain temps de cela, et il reconnut à peine Orly où il découvrait de nouveaux bâtiments et où régnait plus d’activité que, par exemple, à la gare, du Nord où à la gare Saint-Lazare.
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– Un instant… Vol 315, pour Londres,… Palmieri… Palmieri… P… Non… Pas de Palmieri parmi les voyageurs… Vous ne savez pas où elle est allée?… L’avion suivant : Stuttgart… Pas de Palimieri non plus … Le Caire, Beyrouth… P… Potteret… Non ! … New York, via Pan-American… Pittsburg… Piroulet… Toujours pas de Palmieri…
– Il n’y a pas eu d’avion pour la Côte d’Azur?
– L’avion de Rome, avec escale à Nice, oui, à dix heures trente-deux.
– Vous avez la liste des passagers ?
– J’ai la liste des passagers pour Rome, parce que mes hommes ont visé leur passeport… Ils ne s’occupent pas de voyageurs pour Nice, qui ne passent pas par la même porte et qui n’ont pas à accomplir les formalités de douane et de police…
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Elle devait absolument de rendre à Nice et avait raté l’avion d’Air-France du matin.
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– De sorte qu’elle est arrivée à Nice?
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Le chèque n’était pas tiré sur une banque françasie, mais sur une banque suisse qui avait un bureau avenue de l’Opéra.
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– Je peux appeler Nice de votre bureau?
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Vous nous préviendrez quand nous aurons Nice, Dutilleul?
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Les arbres de la Promenade des Anglais… Oui, l’avion venant de Londres via Paris…
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L’avion de Casablanca est arrivé une heure et demie en retard et celui de …
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Il finit par comprendre que le policier de Nice l’avait ratée de justesse. Les passagers en provenance de Londres étaient encore là, car ils devaient passer par la douane, mais la comtesse, embarquée à Paris, était sortie la première et était montée tout de suite dans une voiture qui l’attendait.
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De l’Hôpital Américain, elle avait téléphoné à Monte-Carlo, où son second mari, Joseph Van Meulen, s trouvait probablement à l’Hôtel de Paris. Puis elle s’était fait conduire à Orly et avait pris le premier avion pour la Côte. A Nice, une grosse auto belge l’attendait.
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A quelle heure y a-t-il un avion pour Nice?
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Je rappellerai de ici dans le courant de l’après-midi…
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Est-ce que les quotidiens de Londres n’enverraient pas des reporters à Paris?
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Il était persuadé que John T. Arnold, si désinvolte, à son aise devant des rois en exil ou des banquiers, à Londres, à Rome, à Berlin ou à New York, s’était amusé de sa gaucherie et l’avait traité avec une condescendance un rien apitoyée.
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Dorothy Payne, la première, était la seule à appartenir plus ou moins à son milieu et à être originaire, comme lui, de Manchester. Ils n’avaient pas eu d’enfants et avaient divorcé après trois ans.
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Si sa famille était du clan bourgeois, ce n’était pas dans ce monde qu’elle était rentrée après son divorce et elle n’était pas retournée à Manchester. Elle avait épousé un épousé un autre Ward, en quelque sorte, un nommé Aldo de Rocca, magnat des soies artificielles en Italie, qui avait la passion des autos et qui courait chaque année les 24 Heures du Mans.
Celui-là aussi devait descendre au George-V ou au Ritz, au Savoy, à Londres, au Carlton, à Cannes, à l’Hôtel de Paris, à Monte-Carlo.
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La deuxième femme du colonel, Alice Perrin, dont le fils était à Cambridge, sortait d’un milieu différent, puisqu’elle était la fille d’une institutrice de village, dans la Nièvre, et qu’elle travaillait comme mannequin à Paris quand Ward l’avait rencontrée.
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On aurait pu se demander la même chose de la troisième – Muriel Halligan, fille d’un contremaître de Hoboken, près de New York, qui vendait des cigarettes dans une boîtes de Broadway lorsque David Ward en était tombé amoureux.
Elle vivait à Lausanne, avec sa fille débarrassée, elle aussi, des soucis d’argent.
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Il avait étudié à Eaton ou à Cambridge, pratiqué le golf, le tennis, la voile, l’aviron.
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Dans quelques instants, nous atterrirons à Nice.
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Le commissaire de l’aéroport s’excuse de ne pas être ici pour vous accueillir. Il a été appelé à Nice pour une affaire urgente.
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– Nous avons été assez embarrassés, tout à l’heure, et, après avoir demandé conseil au commissaire, je me suis permis de téléphoner Quai des Orfèvres.
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Il y avait avec elle un monsieur à l’air important que l’avait amenée dans sa voiture et qui avait téléphoné une demi-heure plus tôt pour lui retenir une place dans l’avion de Genève.
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À quelle heure y a-t-il un autre avion pour Genève ?
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En prenant l’avion de vingt heures quarante pour Rome, vous arrivez à temps pour l’avion Rome-Genève-Paris-Londres et…
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Pour aller de Nice à Genève, ils suffisait de se rendre à Rome, et , de là…
Au bar, il vit, comme à Orly, des pilotes et des hôtesses de l’air, des Américains, des Italiens, des Espagnols. Un enfant de quatre ans, qui voyageait seul depuis New York, et qui passait des mains d’une hôtesse à celles d’une autre, mangeait gravement de la crème glacée.
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– L’Hôtel de Paris, à Monte-Carlo.
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– Vous prenez l’avion de Rome? Demanda le jeune inspecteur niçois.
– Non. Je vais retenir une place à la Swissair pour demain matin et je passerai sans doute la nuit à Monte-Carlo.
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– C’est une de nos bonnes clientes. Elle a encore pris l’avion de Genève tout à l’heure…
– Vous savez où elle descend, à Genève?
– D’habitude, elle ne réside pas à Genève, mais à Lausanne. Nous lui avons souvent envoyé des billets au Lausanne-Palace…
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Il mit presque autant de temps à se rendre, en autocar, à Monte-Carlo, qu’il lui en avait fallu pour venir d’Orly.
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En entrant dans le hall, Maigret reconnut le concierge, à qui il avait téléphoné de l’aéroport et avec qui, il s’en rendait compte en le voyant, il avait été plusieurs fois en rapport quand l’homme travaillait dans un palace des Champs-Élysées.
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Cela n’étonnerait qu’un des Philps au moins, le plus jeune, sans doute, n’ait pas déjà pris l’avion pour Paris.
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J’ignore où est Dorothy, mais Alice doit se trouver à Paris et Muriel, qui vit à Lausanne, sautera dans le premier avion…
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Elle a été obligée, à Orly, de payer son taxi avec un chèque, ce qui n’a pas été tout seul… Bref, je l’ai fait chercher à l’aéroport et nous avons mangé un morceau à Nice, où elle m’a raconté l’histoire…
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Elle est née au Maroc, je crois, où son père était en garnison, mais elle a passé une grande partie de sa jeunesse à Nancy. Elle voulait déjà vivre sa vie et elle a fini par obtenir de ses parents qu’ils l’envoient à Paris pour suivre des cours d’histoire de l’art.
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Ils ont eu un appartement à Passy, puis une chambre à l’hôtel, un appartement à nouveau, des hauts, des bas, mais ils n’ont jamais cessé de se montrer dans les cocktails, les réceptions et les endroits où l’on s’amuse.
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Je ne vous cache pas que j’ai eu une conversation avec Marco, ni que je lui ai remis un chèque important pour qu’il aille se promener en Amérique du Sud.
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Elle a appelé alors un hôtel de la rue de Ponthieu où il lui arrive de passer la nuit quand il est en bonne fortune…
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Après avoir essayé en vain d’obtenir des précisions, je lui ai conseillé de se rendre à Orly et d’y prendre l’avion pour Nice…
« C’est tout, Maigret. Je l’ai envoyée à Lausanne, où elle a ses habitudes, non pas afin de la dérober à la police, mais pour lii éviter l’assaut des journalistes, des curieux, toutes les complications qui ne vont pas manquer de survenir.
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– Qu’est-ce que je fais si c’est New York?
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Le petit homme était le reporter d’un journal de la Côte.
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C’est exact que la comtesse Palmieri était sur la Côte cet après-midi?
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Quelqu’un avait dû alerter la presse, du George-V ou de l’aéroport, peut-être un des inspecteurs d’Orly qui était de mèche avec un journal ?
– Vous l’avez ratée?
– C’est-à-dire, que, quand je suis arrivé à Nice, elle était déjà repartie.
– Pour Lausanne, je sais.
La pesse n’avait pas perdu de temps.
– Je viens de téléphoner au Lausanne-Palace. Elle y est arrivée de Genève en taxi.
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– Vous irez à Lausanne?
– C’est possible.
– Par l’avion de demain matin? Vous savez que la troisième femme du colonel habite Lausanne et que la comtesse Palmieri et elle ne peuvent pas se sentir?
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– Donnez-moi Pars, s’il vous plaît… Danton 44.20…
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Je suis à Monte-Carlo, oui… Les nouvelles ?
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A quatre heures de l’après-midi, des journalistes anglais sont arrivés de Londres en même temps qu’un M. Philps, une sorte d’avocat ou de notaire…
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Je suis allé à l’Hôpital Américain de Neuilly comme convenu… j’ai questionné l’infirmière, la standardiste, la réceptionniste… En partant, la comtesse Palmieri a remis une lettre à cette dernière en lui demandant de bien vouloir la poster … Elle était adressée au comte Marco Palmieri, rue de l’Étoile…
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L’air était étouffant dans la cabine, d’autant plus que Maigret n’était pas habillé pour la Côte d’Azur.
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Leur petite comtesse appelait le médecin, geignait, se laissait transporter à l’hôpital puis, en douce, téléphonait, d’abord à Paris, cherchant à rejoindre son premier maire qui était toujours son amant intermittent, enfin le bon papa Van Meulen.
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C’était lui, cependant, quoi téléphonait aux attorneys de Londres pour qu’ils accourent, sans doute afin de l’aider à truquer l’affaire.
Van Meulen, tranquillement, comme si c’était la chose la plus naturelle, la plus régulière envoyait la comtesse Palmieri se reposer à Lausanne.
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Celui de Nice reproduisait en première page son portrait en compagnie de Van Meulen, devant l’ascenseur.
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Les journaux de Paris imprimaient en gros caractères : Un milliardaire anglais trouvé mort dans sa baignoire…
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L’hôtesse de l’aire, qui s’empressait, n’eut pas droit à un sourire et quand, sous un ciel sans un nuage, il découvrit les Alpes au-dessous de lui, avec de grandes traînées de neige, il ne consentit pas à avoir que c’était un magnifique spectacle.
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À Genève, il pleuvait.
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– Je n’ai rien à dire…
– Vous allez à Lausanne ?
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– Vous avez une voiture ? Vous prenez le train pour Lausanne?
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Il ne venait pas à Lausanne parce que c’était son idée d’y venir, mais parce qu’on lui avait tracé un chemin qui y conduisait bon gré, mal gré.
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– Vous avez Bangkok, monsieur…
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– Cette nuit, à une heure, elle a reçu un appel de Monte-Carlo…
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– Ce matin, elle a appelé Paris.
– Quel numéro ?
Celui de la garçonnière de Marco, rue de l’Étoile.
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– Il y a une dizaine de minutes, elle a à nouveau demandé Monte-Carlo.
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Est-ce que vous allez me ramener à Paris?…
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– Je savais que Marco et elle avaient eu des relations à Dauville…
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C’était reposant, presque rafraîchissant, d’entendre la voix calme de Lucas, une voix normale, enfin, de l’imaginer assis devant son bureau du Quai des Orfèvres.
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Il n’était pas à Paris, mais chez des amis qui ont un château dans la Nièvre et qui donnaient une partie de chasse…
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Il prétend qu’il y a plus d’une semaine qu’ils ont été invités à cette partie de chasse au château d’un banquier de la rue Auber…
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Ce matin, au moment de partir pour la chasse, il a parcouru machinalement les journaux dans le hall du château et il a foncé vers Paris, encore botté…
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Recommande-lui de ne pas quitter Paris…
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– Je suppose que vous avez l’intention de m’emmener à Paris?
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Maigret pensait aux journalistes, aux photographes qui ne manqueraient pas de la mitrailler aussi bien à Genève qu’à Orly.
– D’abord, ce matin, il s’est rendu dans un hôtel du Faubourg Saint-Honoré, le Bristol, où est descendu Philps, le solicitor anglais…
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Ils sont restés une heure en conférence, puis se sont rendus dans une banque américaine de l’avenue de l’Opéra, ensuite dans une banque anglaise de la place Vendôme, et, dans les deux, ils ont été reçus aussitôt par le directeur. Ils y sont restés assez longtemps. A midi juste, ils se sont quittés sur le trottoir de la place Vendôme et le solicitor a pris un taxi pour se faire reconduire à son hôtel, où il a déjeuné seul.
– Arnold?
– Il a traversé les Tuileries à pied, sans se presser, en homme qui a atout le temps devant lui, regardant parfois sa montre pour s’en assurer.
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Il paraît qu’elle est arrivée à Orly vers onze heures et demie, qu’elle a ensuite pris un bain, s’est reposée une demi-heure avant de se rendre au bac…
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C’est donc de Lausanne, avant de partir, qu’elle avait donné rendez-vous à Arnold.
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– Dans un petit restaurant qui a l’air d’un bistrot, mais qui est très cher, rue Jacob…
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Au Bristol, le téléphone n’arrête pas, avec Londres, Cambridge, Amsterdam, Lausanne…
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Ils attendent de savoir quand auront lieu les obsèques, si ce sera à Paris, à Londres ou à Lausanne… On dit en effet que c’est à Lausanne que Ward avait son domicile officiel…
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Conférences, coups de téléphone, M. Desmonteau, notaire, les journalistes dans le hall du Faubourg Saint-Honoré et à la porte du George-V où il n’y avait pourtant plus rien à voir…
Un jeune garçon, à Cambridge, qui allait sans doute être un milliardaire à son tour, apprenait soudain que son père, qui lui avait téléphoné la veille d’un hôtel du continent, était mort.
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Ils ne trouvèrent ni la clientèle du George-V, ni celle des avions, de Monte-Carlo ou de Lausanne.
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Maigret allait rôder avenue George-V, maussade, tirant de petits coups sur sa pipe, jetant des coups d’œil à gauche et à droite, s’asseyant ici où là et se relevant presque tout de suite comme s’il ne savait que faire de son grand corps.
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Quand il avait quitté Lucas, place Dauphine, celui-ci avait eu une hésitation, avait ouvert la bouche pour dire quelque chose et le commissaire l’avait regardé comme quelqu’un qui attend.
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Comme par hasard, cela se passait presque toujours la nuit, avec le reste du bâtiment dans l’obscurité, et ils étaient parfois plusieurs à se relayer auprès du personnage, homme ou femme, qui entrait au Quai des Orfèvres, comme simple suspect pour en sortir, après un temps plus ou moins long, les menottes aux poignets.
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Il était parti de chez lui, la veille au matin, sur de rentrer à midi boulevard Richard-Lenoir pour déjeuner.
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Il sortit de terre aux Champs-Élysées alors que l’avenue jetait tous ses feux et l’arrière-saison était assez douce pour qu’il y ait encore foule aux terrasses. Les mains dans les poches de son veston, il prit l’avenu George-V où, en face de l’hôtel, un géant en uniforme lui jeta un coup d’œil surpris en le voyant pousser la porte tournante.
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– Non. Il a une villa à Sèvres…
Pour questionner le concierge de nuit, Lapointe avait dû aller à Joinville. Le barman, Maigret le savait, habitat encore plus loin de Paris, dans la vallée de Chevreuse, et il prenait lui-même soin d’un assez grand potager, élevait des poules et des canards.
N’était-ce pas paradoxal ? Les clients payaient des prix astronomiques pour dormir à deux pas des Champs-Élysées et le personnel, ceux, en tout cas, qui pouvaient s’offrir ce vrai luxe, s’enfuyaient vers la campagne dès le travail terminé.
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L’atmosphère du hall lui rappelait son voyage aux États-Unis où un milliardaire américain – encore un milliardaire ! – l’avait supplié de venir débrouiller une affaire.
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– Vous le croirez si vous voulez, avait poursuivi le commissaire de bord, le plus difficile, sur un bateau, ce n’est pas de faire marcher les machines, de diriger la manœuvre, de naviguer par gros temps, d’arriver à l’heure dite à New York ou au Havre.
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C’était ceci, en résumé : ces gens-là, et il englobait les clients du George V, ceux de Monte-Carlo, et de Lausanne, les Ward, les Van Meulen, les comtesse Palmieri, tous ceux qui mènent ce genre d’existence, – ces gens-là ne se sentiraient-ils pas perdus, comme désarmés, tout nus, en quelque sorte, aussi impuissants, maladroits, fragiles que des bébés, si tout à coup ils étaient plongés dans la vie ordinaire?
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Ici, de l’instant ou ils quittaient leur appartement jusqu’à celui où ils s’installaient dans un appartement tout pareil de New York, de Londres ou de Lausanne, ils n’avaient pas à se soucier de leurs bagages, qui passaient de main en main, comme à leur insu, et ils retrouvaient leurs affaires à leur place dans les meubles…
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Ce n’était pas le commissaire de bord qui avait parlé ainsi, mais un concierge d’hôtel, aux Champs-Élysées, où Magret enquêtait vingt ans auparavant.
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Maigret reconnut une femme, une étole de vison négligemment jetée sur les épaules, qui avait eu affaire au Quai des Orfèvres à l’époque où, à Montmartre, elle travaillait pour le comte d’un petit souteneur corse.
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Passant d’un côté à l’autre, apercevant ici un monte-plats, ailleurs un garçon endormi sur sa chaise, ou deux femmes de chambre occupées à se raconter leurs maladies, il finit par aboutir sur le toit, surpris de voir soudain les étoiles au-dessus de lui et le halo coloré des lumières des Champs-Élysées dans le ciel.
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En face, la rue François-Ier était très éclairée et la pharmacie anglaise, au coin de la rue et de l’avenue George-V, encore ouverte.
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À gauche, la rue Christophe-Colomb, plus calme, n’était éclairée que par l’enseigne au néon rouge d’un restaurant ou d’une boîte de nuit, et de grosses voitures étaient assoupies tout le long des deux trottoirs.
Derrière, dans la rue Magellan, un bar, dans le genre bistrot pour chauffeurs qu’on voit dans les quartiers riches.
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Un homme du Texas, ou de l’Arizona.
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Il repart demain pour Le Caire et l’Arabie, où il a des intérêts.
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Ni lui ni les autres, sauf M. Levinson, qui a vécu à Paris quand il n’était pas encore l’agent d’une vedette de cinéma.
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Il était rue Magellan et à droite, au bout de la rue Bassano, c’étaient les Champs-Élysées.
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Peut-être avait-il eu tort de courir à Orly, à Nice, à Monte-Carlo, à Lausanne.
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Elle n’avait même pas, elle, la ressource d’aller, à Lausanne, prendre place parmi celles du club des dames seules qui, au restaurant, exigent des plats sans sel et sans beurre, mais boivent quatre ou cinq cocktails avant chaque repas.
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Il rencontra un seul garçon, au visage lugubre, qui aurait dû être à la retraite, s’orienta, descendit, d’abord trop bas, pour se retrouver dans le premier sous-sol, découvrant enfin la cage vitrée dans laquelle il n’y avait toujours personne, puis j’ai celle de la rue Magellan.
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Le bar, en face, était fermé depuis longtemps. Il en avait vu baisser le volet. La lumière au néon rouge, dans la rue voisine, était éteinte et, si les autos étaient encore là, il ne vit personne sur le trottoir, n’aperçut qu’une fois arrivé rue Bassano un passant qui marchait vite et qui parut avoir peut de lui.
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Le Fouquet’s était fermé aussi, au coin des Champs-Élysées, et la brasserie d’en face.
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Il le laissa passer, faillit descendre, sur le même trottoir, vers la Concorde.
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– Il y a d’autres bars ouverts d’ici la Madeleine?
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– Sauf quand elles emmènent un client rue Washington ou rue de Berry…
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La fille qui s’était proposée pour aller attendre Olga à la porte du meublé de la rue Washington et pour la ramener n’était pas de retour et Maigret but un second verre de bière.
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En fin, tout seul, il sortit du café et descendit les Champs-Élysées, sans se presser, les mains dans les poches, à fumer sa pipe à petites bouffées.
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Il atteignit l’avenue Matignon, hésita, se dit que l’homme, habitué à suivre ce chemin-là, avait dû couper au court par le Faubourg Saint-Honoré, de sorte qu’il passa devant l’ambassade britannique et devant l’hôtel où M. Philps se reposait de ses allées et venues de la veille.
La Madeleine, le boulevard des Capucines…
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– Vous êtes toujours à Lausanne ?
– Non, à Paris.
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– Mes hommes, Quai des Orfèvres, ont fait certaines découvertes que je voudrais vous soumettre…
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– La comtesse Palmieri arrivera à sept heures à la gare de Lyon. Elle est dans le train en ce moment…
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– Vous l’avez convoquée Quai des Orfèvres ?
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Ensuite, un petit vieux aux yeux bilieux, celui-là qui, en principe, aurait toujours dû se tenir dans la cage vitrée, près de l’entrée de service de la rue Magellan.
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Venaient ensuite Olga, la fille rousse à la poitrine abondante, qui trompait son énervement en mâchant du chewing-gum, et la copine qui était allée l’attendre à la porte du meublé de la rue Washington.
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Je n’ai pas cru devoir, jusqu’ici, déranger certaine dame qui est descendue dans un hôtel du quai des Grands-Augustins et avec qui vous avez déjeuné ce midi.
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Maigret, sans attendre, alla ouvrir la fenêtre et le ciel commençait à pâlir, on entendait des remorqueurs qui, en amont de l’île Saint-Louis, appelaient leurs chalands.
Noland (Vaud), le 17 août 1957.
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