La guerre du feu

Roman La guerre du feu de J.-H. Rosny aîné

La Guerre du feu est un roman de J.-H. Rosny aîné (nom de plume de Joseph-Henri Honoré Boex) publié pour la première fois en France en 1909 Il s’agit d’une fiction préhistorique qui raconte l’aventure de trois guerriers d’une tribu qui partent à la recherche du feu après l’avoir perdu lors d’une attaque ennemie. Le roman a connu un grand succès. Il a été adapté au cinéma en 1981 par le directeur français Jean-Jacques Annaud.

J.-H. Rosny du livre s’est inspiré des découvertes scientifiques de son époque sur la géologie, la paléontologie, l’archéologie et la biologie. L’auteur a aussi utilisé les théories de Charles Darwin sur l’évolution des espèces. Il a consulté des ouvrages de vulgarisation et des revues spécialisées, comme La Nature ou L’Anthropologie. L’écrivain a aussi visité des musées et des sites préhistoriques, comme la grotte de Niaux dans les Pyrénées.

La guerre du feu

L’auteur du roman a inventé les personnages et les langages préhistoriques en se basant sur sa connaissance des peuples primitifs et des langues indo-européennes. Il a aussi utilisé son imagination et sa sensibilité pour créer des héros attachants et crédibles. J.-H. Rosny a essayé de rendre compte de la diversité des cultures et des races humaines. Il le fait à travers les différentes tribus rencontrées par les protagonistes. Il a aussi inventé des mots et des expressions pour exprimer les sentiments et les pensées des personnages, en utilisant des racines communes à plusieurs langues ou des onomatopées.

Ci-dessous, nous présentons quelques courts extraits du roman La Guerre du feu. En effet, ils illustrent le cadre de cette histoire lointaine :

Rosny

Le trouble revint; les futaies rugirent, les arbustes craquèrent, les loups et les hyènes levèrent tous ensemble leurs gueules sanglantes, et Gaw, avançant sa tête dans l’ombre des pierres, darda son ouïe, sa vue et son flaire. Un cri d’agonie, un grondement bref, puis des branches s’écartèrent. Le lion géant sortit de la forêt, avec un daim aux mâchoires. Près de lui, humble encore, mais déjà familière, la tigresse se coulait comme un gigantesque reptile. Tous deux s’avancèrent vers le refuge des hommes :

Forêts canadiennes. Photo d'Anatoly Vorobyov.
Forêts canadiennes. Photo d’Anatoly Vorobyov.

À part la rousseur mobile d’un écureuil tout de suite noyée dans les feuilles, on n’entrevoyait point de mammifères; l’odeur des grands félins les maintenait dans la pénombre ou tapis au fond d’abris sûrs :

Forêt québécoise. Photo de GrandQuebec.com.
Forêt québécoise. Photo de GrandQuebec.com.

Une gaieté heureuse descendait sur la forêt, la savante et la rivière. Les hérons conduisaient leurs héronneaux à la pêche; un éclair de nacre précédait la plongée des grèves; à tous les détours de l’herbe et de la branche rôdaient les oisillons. Un miroitement brusque signalait le martin-pêcheur; le geai étalait sa robe bleu, argent et roux, et parfois la pie goguenarde, jacassant sur une fourches, balançait sa queue d’où semblaient alternativement jaillir l’ombre et la lumière :

Castor et son barrage. Photo de Megan Jorgensen.
Castor et son barrage. Photo de Megan Jorgensen.

la guerre du feu

La lumière tourna sur la forêt; le sommeil des félins rassurait les bêtes agiles qui, furtivement, passaient le long de la rivière. Les vautours, à longs intervalles, happaient quelques lambeaux de chair. La corolle des fleurs se haussait ver le soleil. La vil s’exhalait si tenace et si innombrable qu’elle semblait devoir s’emparer du firmament. :

Lac Saint-Pierre
Parc récréotouristique L’Héritage Carcajou. Saint-Boniface. Photo © Comité ZIP du lac Saint-Pierre.

Lorsque les trois hommes virent le brasier du soleil descendre vers les ténèbres, ils conçurent la même angoisse secrète qui, dans le vaste pays des arbres et des herbes, agite des herbivores :

Sept bombes à Westmount Les questions qui se sont posées la semaine dernière après l’explosion de bombes, le 31 mai 1970, par le FLQ
Lac Saint-Pierre. Photo © Comité ZIP du lac Saint-Pierre.

Ils revinrent flairer la présence des hommes au moment où croulait l’astre rouge, où un frisson immense, des voix affamées s’élevaient sur la plaine : les gueules monstrueuses passaient et repassaient devant les Oulhamr, les yeux de feu vert dansaient comme de lueurs sur un marécage :

Foret sauvage
Forêt sauvage. Photo de GrandQuebec.com.

Rosny

De grosses étoiles s’allumèrent dans les eaux du firmament. Puis l’étendue palpita tout entière de ces petits feux immuables et l’archipel de la voie lactée précisa ses golfes, ses détroits, ses îles claires :

aurore
Aurore boréale. Photo libre de droit.

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Cette nuit descendit, humide et pesante : le crépuscule d’argile rouge traîna longtemps au fond du ciel ; les herbes et les arbres ployaient sous la bruine ; les feuilles tombaient avec un bruit d’ailes chétives et une rumeur d’insectes. De grandes lamentations s’élevaient de la profondeur des futaies et des brousses grelottantes, car les fauves étaient tristes et ceux qui n’avaient pas faim se terraient dans leur repaire :

Lac saint-pierre
La nuit descend. Photo © Comité ZIP du lac Saint-Pierre.

Ils marchèrent très longtemps. Quoique la bruine fût dissipée, les ténèbres demeuraient profondes. Une épaisse muraille de nuages couvrait les étoiles. On n’apercevait que ces phosphorescences légères qui s’échappent des plantes ou se posent sur les eaux ; une bête soufflait dans le silence ou faisait entendre le frôlement de ses pattes ; un grondement roulait sur les herbes mouillées ; des fauves en chasse hurlaient, glapissaient, aboyaient :

cours d'eau
Ténèbres. Cours d’eau Beaudry. Photo © Comité ZIP du lac Saint-Pierre.

Pour la prunelle perçante de Naoh, le site se dessina jusqu’aux frontières mêmes de l’horizon : vers le levant, le chef discernait des côtes et des lignes arborescentes, estompées à contre-lune, qui indiquaient la route du voyage ; au sud et vers l’ouest, le lac s’étendait indéfiniment :

Chemin dans la forêt
Chemin dans la forêt. Photo de GrandQuebec.com.

La Guerre du feu

Las d’immobilité, impatient de préciser sa vision, Naoh sortit de l’ombre du peuplier et rôda le long du rivage. Selon les dispositions du terrain et des végétaux, le site s’ouvrait largement ou se rétrécissait, les frontières orientales du lac apparaissaient plus précises ; des traces nombreuses décelaient le passage des troupeaux et des fauves :

Île plate
île Plate. Photo © Comité ZIP du lac Saint-Pierre.

La plaine était muette ; les bêtes se taisaient ; la brise même venait de s’alanguir sur le fleuve et de s’évanouir dans les trembles ; on n’entendait que la rumeur assourdie des eaux :

Lièvre d'Amérique.
Lièvre d’Amérique.

*

Les Wah et les Oulhamr traversaient le Pays des Eaux. Elles se répandaient en nappes croupissantes, pleines d’algues, de nymphéas, de nénuphars, de sagittaires, de lysimaques, de lentilles, de joncs et de roseaux ; elles formaient de troublantes et terribles tourbières. Elles se suivaient en lacs, en rivières, en réseaux entrecoupés par la pierre, le sable ou l’argile ; elles jaillissaient du sol ou se plaignaient sur la pente des collines, et quelquefois, bues par les fissures, elles se perdaient au fond de contrées souterraines. Les Wah savaient maintenant que Naoh voulait suivre une route entre le nord et l’occident. Ils lui abrégeaient le voyage, ils voulaient le guider jusqu’à ce qu’il fût au bout des terres humides :

Nénuphar
Nénuphars, marais Saint-Eugène. Photo © Comité ZIP du lac Saint-Pierre.

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L’ours géant est dans le défilé. Depuis longtemps, Naoh avait quitté les Wah et traversé la forêt des Hommes-au-poil-bleu. Par l’échancrure des montagnes, il avait gagné les plateaux. L’automne y était plus frais, les nuages roulaient, interminables, le vent hurlait des journées entières, l’herbe et les feuilles fermentaient sur la terre misérable et le froid massacrait les insectes sans nombre, sous les écorces, parmi les tiges branlantes, les racines flétries, les fruits pourris, dans les fentes de la pierre et les fissures de l’argile. Lorsque la nue se déchirait, les étoiles semblaient glacer les ténèbres. La nuit, les loups hurlaient presque sans relâche, les chiens poussaient des clameurs insupportables.

La guerre du feu

On entendait le cri d’agonie d’un élaphe, d’un saïga ou d’un cheval, le miaulement du tigre ou le rugissement du lion, et les Oulhamr apercevaient des profils flexibles ou des yeux de phosphore, brusquement apparus sur le cercle d’ombre qui enveloppait le Feu. La vie se faisait plus terrible. Avec l’hiver proche, la chair des plantes devenait rare. Les herbivores la cherchaient désespérément au ras du sol, fouillaient jusqu’à la racine, arrachaient les pousses et les écorces.

Les mangeurs de fruits rôdaient parmi les ramures ; les rongeurs consolidaient leurs terriers ; les carnivores guettaient infatigablement dans les viandis, s’embusquaient aux abreuvoirs, exploraient la pénombre des fourrés et se dissimulaient au creux des rocs. Hors les bêtes qui hibernent ou celles qui accumulent des provisions dans leur retraite, les êtres travaillaient très durement, avec des besoins accrus et des ressources diminuées :

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Bois Marcel-Laurent au printemps. Photo de GrandQuebec.com.

Des sauterelles rouges, des lucioles de rubis, d’escarboucle ou de topaze agonisaient dans la brise ; des ailes écarlates craquaient en se dilatant ; une fumerolle brusque montait en spirale et s’aplatissait dans le clair de lune ; il y avait des flammes lovées comme des vipères, palpitantes comme des ondes, imprécises comme des nues :

Saint-Boniface
Marais Saint-Boniface. Photo © Comité ZIP du lac Saint-Pierre.

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