Histoire du Canada pour tous

Histoire du Canada pour tous

Il est assez rare qu’un livre, au Canada français, soit réédité à plusieurs reprises. De nombreux exemplaires demeurent en général durant les années sur les rayons des libraires. L’appétit du public lecteur n’est pas si vorace qu’il exige une nourriture abondante. Il se contente de peu…. M. Jean Bruchesi est un veinard. Son Histoire du Canada pour tous est rendue à son septième mille. C’est un mérite qui lui vaut des félicitations.

L’auteur ne s’est pas proposé un idéal inaccessible. Il n’est pas un historien de métier et il le sait. Son ouvrage n’apporte rien de neuf, si ce n’est qu’il présente de façon agréable et parfois captivante des faits que nous connaissons tous (que nous croyons connaître du moins(, en de brefs chapitres, écrits allégrement. Il s’adresse au lecteur moyen, à celui qui ignore à peu près tout des origines et de l’histoire de son pays, sauf les quelques dates et les faits saillants qu’il a, d’aventure, retenus de son stage scolaire. Dans la plupart des cas, on avouera que c’est un bagage assez mince.

Monsieur Bruchesi avait un illustre modèle. En France, Jacques Bainville n’a peut-être pas enrichi la science historique ; n’a pas épuisé sa vie à compulser de vieux documents et à fureter dans les arcanes du passé. En un sens, il a fait davantage ; il a recherché les lignes directrices d’une histoire plus que millénaire, il a trouvé des fils conducteurs, l’enchaînement des causes et des effets. La philosophie politique qu’il en a retirée peut ne pas agréer à tout le monde ; elle n’en est pas moins un monument, fruit d’une extrême lucidité.

L’Histoire du Canada pour tous n’est pas une œuvre de cette envergure. Ce serait se moquer de son auteur que de l’affirmer. Elle n’en est pas moins utile. « Entre l’ouvrage savant, bourré de notes et de références, l’usage des spécialistes et des chercheurs, et le simple manuel qu’on ne lit pas, il doit y avoir place pour une Histoire du Canada synthétique, de lecture facile, à la portée du lecteur moyen. »

C’est bien notre avis.

Monsieur Bruchesi sait très habilement dégager le principal de l’accessoire. Pour conserver à son récit une allure cursive, il se débarrasse de multiples détails qui surchargeraient vainement son texte. Les fabricants de manuels scolaires auront avantage à l’imiter. Après l’avoir lu, l’esprit conserve une vue d’ensemble suffisamment nette et de courbe générale des événements.

L’université de la Colombie canadienne a reconnu la valeur de cette étude, en adoptant le volume qui traite du régime français pour ses étudiants. Des jeunes Anglo-Canadiens y trouveront des connaissances générales sur les premiers habitants du Canada, sur ceux qui l’ont découvert et colonisé les premiers. Cela leur facilitera, nous en sommes persuadé, une meilleur compréhension de leurs concitoyens canadiens-français.

Peut-être eussions-nous souhaité que l’auteur tirât des conclusions de son vaste panorama. Il nous répondra sans doute que tel n’était pas son propos et nous voulons croire qu’il aura raison. Néanmoins quelques jugements n’eussent pas été superflus. Ils nous auraient permis de fermer un livre avec plus de bénéfice. Car nous avons un peu l’impression d’un déroulement très brillant où nous cherchons parfois les liens et les relations. Il y a là le danger de disperser l’attention. Cela n’est pas très grave pour ceux qui s’intéressent à notre histoire et se flattent de connaître les principaux ouvrages qu’on lui a consacrés. Mais pour les autres, pour le lecteur moyen ?

Cette réserve faite, nous recommandons fort la lecture de l’Histoire du Canada pour tous. M. Bruchesi a rendu un excellent service à ses compatriotes en leur offrant un récit dont nous n’avions pas l’équivalent. C’est sans aucun doute le meilleur ouvrage qu’il ait publié.

Roger Duhamel sur Jean Bruchesi, auteur de l’Histoire du Canada pour tous, éditions de l’AC.C.F. Montréal 1940.

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