
Ascension vers la civilisation – Atlantides, les îles englouties
Par Robert Howard, extrait des nouvelles Le Roi Kull
Cinq cents ans dans les régions nordiques… une nouvelle race est née, robuste et guerrière… Des hommes de grande taille, aux cheveux épais et au teint hâlé, aux yeux gris, qui manifestent déjà une nature artistique et poétique parfaitement définie. Ils vivent encore principalement de la chasse, mais les tribus qui vivent au sud élèvent du bétail depuis plusieurs siècles déjà. Une exception à cette absence de tout contact avec d’autres races, à leur isolement presque total : un voyageur parti vers les lointaines régions du nord et revenu avec la nouvelle que ces étendues glacées que l’homme croyait désertes, sont habitées par une importante tribu dont des hommes ressemblant à singes, qui descendent, affirme ce voyageur, des bêtes sauvages chassées de régions moins hostiles par les ancêtres des Hyboriens.
Il insiste pour qu’une grande expédition guerrière soit envoyée au-delà de l’Arctique, afin d’exterminer ces bêtes sauvages et, il affirme, évoluent rapidement et ne tarderont pas de devenir de vrais hommes. On se moque de lui ; un petit groupe de jeunes guerriers séduit par l’aventure le suit vers le nord, mais aucun ne revint jamais.
Mais les tribus hyboriennes émigrent vers le sud et, comme la population augmente rapidement, cet exode devient intensif.
L’ère suivante fut une époque fut une époque de migrations et de conquêtes. L’histoire du monde est faite d’exodes de tribus et d’errances au sein d’un cadre naturel et en perpétuelle mutation.
Regardons le monde cinq cents ans plus tard… Les tribus des hyboriens velus et basanés, ont immigré vers le sud et vers l’ouest, affrontant et exterminant beaucoup de petits clans isolés. Au contact des races conquises, à la suite de mariages interraciaux, les descendants des premières migrations commencent à présenter des traits raciaux différents. Et ces races mixtes sont ferocement attaquées par de nouvelles migrations au sang plus pur et balayées, et emportées, comme un balai disperse la poussière en toute impartialité. Ces races se mélangent encore plus et se confondent, pour devenir les vestiges et les restes non identifiables de précédentes races.
Pour le moment, les conquérants ne sont pas encore entrés en contact avec les races plus anciennes. Au sud-ouest les descendants Zhemris, un sang nouveau clan, dans leurs veines par suite de mariages avec une tribu non identifiée, tant de faire revivre dans une certaine mesure leurs anciennes cultures.
À l’ouest, les Atlantes simiesques entreprennent leur longue ascension vers la civilisation. Ils ont achevé le cycle de l’existence ; ils ont oublié depuis longtemps leur existence antérieure en tant qu’hommes ; ignorant tout de leur condition précédente, ils entreprennent cette lente montée sans être aidés, ni gênés, par des souvenirs humains. Au sud, les Pictes restent à l’état sauvage, défiant apparemment les lois de la Nature par leur absence de toute progression ou de régression. Encore plus loin au sud, l’antique et mystérieux royaume de Stygie sommeille, plongé dans ses rêves. Sur ces frontières orientales errent des clans de sauvages nomades, déjà connus sous le nom de Fils de Shem.
Voisins des Pictes, dans la vaste vallée de Zingg, protégée par des montagnes élevées, un groupe de primitifs sans nom, et que l’on a voulu apparenter aux Shémites, a évolué progressivement vers une vie agricole et un système social avancé.
Les miroirs de Tuzun Thune
Le plafond était couvert de grands miroirs, et les murs étaient des miroirs, parfaitement joints, bien que de nombreuses tailles et de formes variées.
- Les miroirs sont le monde, Kull, fit doucement le magicien. Contemple mes miroirs et découvre la sagesse.
Kull choisit un miroir au hasard et le fixa intensément. Les miroirs du mur d’en face s’y reflétaient et en reflétaient d’autres, de telle sorte qu’il avait l’impression de regarder au fond d’un long couloir lumineux, formé par tous ces miroirs ; et tout au fond de ce couloir il y avait une silhouette minuscule. Kull la regarda longtemps avant de comprendre que c’était son propre reflet. Il la fixa et une singulière impression de petitesse l’envahit ; on aurait dit que cette silhouette minuscule était le vrai Kull, représentant ses véritables proportions. Aussi il se détourna et se plaça devant un autre miroir.
- Regarde attentivement, Kull. C’est le miroir du passé, lui dit le magicien.
Un brouillard gris occulta la glace, de grands tourbillons de brume se soulevant et se transformant, tel le fantôme d’un grand fleuve. ; au travers de ces brumes, Kull apercevait des visions fugitives, horribles et étranges ; des bêtes et des hommes allaient et venaient, et des formes qui n’étaient ni des bêtes ni des hommes ; de grandes fleurs exotiques au-dessus de marais fétides où se vautraient et mugissaient de monstrueux reptiles ; le ciel était livide, peuplé de dragons volants, et les mers agitées grondaient et leurs vagues battaient sans fin des rivages boueux. L’homme n’existait pas encore, l’homme était un rêve des dieux, et étranges étaient les formes de cauchemar qui se glissaient à travers les jungles horribles. Des batailles et des massacres avaient lieu là-bas, et des amours effroyables. La Mort était là, car la Vie et la Mort marchent main dans la main. Sur les plages visqueuses du monde retentissait le mugissement de monstres et d’incroyables formes surgissant à travers le rideau ruisselant d’une pluie incessante.
- Celui-ci représente l’avenir.
Kull régarda en silence.
- Que vois-tu ?
- Un mont étrange, dit Kull d’une voix pesante.
Les Sept Empires tombent en poussière et sont oubliés. Les vagues vertes grondent éternelles à les lies au-dessus des collines éternelles de l’Atlantis. Les sommets de la Lémurie de l’ouest sont les îles d’une mer inconnue. D’étranges sauvages parcourent les antiques contrées, et de nouvelles régions ont surgi des profondeurs, défiant des anciens sanctuaires. La Valusie a disparu et toutes les nations d’aujourd’hui ; les hommes de demain, sont des étranges. Ils ne nous connaissent pas.
- Le temps ne revient pas en arrière, – déclara Tusun Thun calmement. Nous vivons aujourd’hui ; pourquoi nous soucier de demain… ou d’hier ?
- La roue tourne et les nations surgissent et disparaissent ; le monde change et le temps retourne à sa sauvagerie pour se lever de nouveau vers la civilisation au cours des âges. Avant qu’Atlantis soit, la Valusie existait, et avant la Valusie, il y avait les anciennes nations. Oui, nous aussi nous avons piétiné de tribus oubliées dans notre marche en avant. Toi qui es venu de vertes collines baignées par la mer d’Atlantis pour t’emparer d’atlantique couronne de Valusie, tu penses que ma tribu est très vieille… Nous qui avons régné sur ces terres avant la venue de Valusie de l’est, au temps où l’homme n’existait pas encore dans les régions de la mer. Mais des hommes vivaient ici lorsque les anciens tribus ont quitté leur terres désertique, et d’autres hommes avant celles-là, et d’autres tribus avant celles-là. Les nations passent et sont oubliées, car telle est la destinée de l’homme.
- Oui, murmura Kull. Pourtant, n’est pas dommage que la beauté et la gloire des hommes disparaît comme une brume au-dessus d’une mer d’été ?
- Pour quelle raison puisque tel est leur destin ?
- Je ne regrette pas les gloires enfuies de ma race, et je ne me soucie pas des races à venir. Vis maintenant, Kull, vis maintenant. Les morts sont morts, ce qui ne sont pas encore nés n’existent pas. Qu’importe si les hommes t’oublient, quand tu seras toi-même oublié dans les mondes silencieux de la mort ? Contemple mes miroirs et découvre la sagesse.
Kull choisit un autre miroir et le contempla.
- C’est le miroir de la plus grande magie ; que vois-tu, Kull ?
- Rien que moi.
- Regard plus attentivement, Kull. Est-ce vraiment toi ?
Kull fixa le grand miroir et l’image qui était son reflet lui rendit son regard.
L’Ancienne Planète
- Ils ont disparu, dit Brule, comme s’il lisait dans son esprit, les harpies, les hommes chauve-souris, les créatures ailées, le peuple loup, les démons, les gobelins … tous, sauf les être comme celui qui gît à nos pieds, et un petit nombre d’hommes-loups. Longue et cruelle fut la guerre, menée à travers les siècles sanglants, depuis que les premiers humains, sortant du limon de l’ère simiesque se dressèrent contre ceux qui régnaient alors sur le monde. Et finalement l’humanité l’importa, il y a si longtemps que seules des bribes de légendes se rapportant à ces temps occultes sont arrivées jusqu’à nous, traversant les siècles.
Le peuple Serpent fut le dernier à disparaître ; pourtant les hommes finirent par triompher d’eux. Ils les chassèrent vers les régions déshéritées du monde où ils s’accouplèrent avec de véritables serpents, jusqu’au jour, disent les sages, où l’horrible vengeance disparaîtrait complètement. Mais ces créatures revinrent, sous d’habiles déguisements, tandis que les hommes s’amollissaient et que leurs mœurs dégénéraient, oubliant les anciennes guerres.
Oh, ce fut une guerre cruelle et secrète! Parmi les hommes de la Jeune Terre se glissèrent furtivement les monstres terrifiants de l’Ancienne Planète, protégés par leur savoir et leurs mystères redoutables, prenant toutes les formes et apparences, commettant en secret des actes horribles.
Aucun homme ne savait qui était vraiment un homme et qui n’en avait que l’apparence. Aucun homme ne pouvait faire confiance à un autre homme. Cependant, se servant de leur astuce, ils inventèrent des moyens permettant de distinguer les vrais des faux.
Les hommes prirent pour symbole et emblème le dragon volant, le dinosaure ailé, un monstre des ères passées, qui avait été le plus grand ennemi du serpent.
Et les hommes se servirent des mots que j’ai prononcés devant toi comme d’un signe et d’un symbole ; car, ainsi que je te l’ai appris, seul un homme véritable peut les répéter.
Ainsi triompha l’humanité. Mais ces démons revinrent, une fois des années de négligence et d’oubli écoulées, car l’homme reste un singe, en cela qu’il oublie ce qui n’est pas sous ses yeux. Ils vinrent sous l’apparence de prêtres et, comme les hommes dans leur luxure et leur volonté de puissance ne croyaient plus depuis longtemps aux vieilles religions et aux anciens cultes, les hommes serpents, sous le prétexte d’un culte nouveau et authentique, bâtirent une monstrueuse religion reposant sur l’adoration du dieu Serpent. Si grand est leur pouvoir à présent que c’est la mort pour celui qui répète les anciennes légendes du Peuple Serpent, et les gens se prosternent à nouveau devant le dieu Serpent, qui a revêtu une nouvelle forme ; et, en fous aveugles qu’ils sont, ils ne voient pas le rapport entre ce pouvoir et celui auquel les hommes ont mis fin, il y a des éons. Les hommes-serpents se contentent d’exercer une influence en tant que prêtres… et pourtant…
Il s’interrompit.

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