L’abîme au-delà des rêves – Les naufragés du Commonwealth
Par Peter F. Hamilton (Extrait)
Ce n’était pas la première fois que Laura Brandt sortait de suspension; elle avait l’habitude. Par ailleurs, il y avait longtemps de cela, avant les implants biononiques, avant que le séquençage de gènes Avancés dans l’ADN humain ait pratiquement éradiqué le processus de vieillissement, elle avait subi un rajeunissement à l’ancienne, procédure au terme de laquelle on revenait à la vie d’une façon assez similaire à une sortie de suspension. Cela commençait toujours par un let et agréable retour à la conscience, le corps se réchauffant à un rythme régulier, l’injection de nutriments et de narcotiques chassant tout inconfort ou sensation désagréable de désorientation. Quand on était complètement réveillé et sur le point d’ouvrir les paupières, on avait l’impression d’émerger d’une bonne nuit de sommeil, prêt à affronter la journée avec enthousiasme. Pour que l’expérience de ce retour à la conscience soit pleinement réussie, il ne fallait pas négliger le petit déjeuner – complet – composé de crêpes, de bacon grillé, de sirop d’érable et de jus d’orange bien frais (mais sans glace, merci).
Cette fois-ci aurait dû être spéciale, car elle aurait dû se réveiller dans un amas stellaire situé hors de la Voie lactée. Là, elle aurait commencé une nouvelle vie avec d’autres membres de la Dynastie Brandt; elle aurait fondé une nouvelle civilisation – une civilisation tellement différente du Commonwealth sclérosé qu’ils avaient tous abandonné.
Mais il y eut la procédure d’extraction d’urgence, que l’équipage du vaisseau appelait « la vidange subite ».
Quelque’un appuyant sur le bouton rouge de sa chambre de suspension. L’injection de puissants médicaments de réveil dans son corps encore froid. Le retrait des tuyaux ombilicaux hématologiques de son cou et de ses cuisses. Des crampes dans ses muscles choqués. Sa vessie envoyant de frénétiques messages d’urgence à son cerveau, son cathéter s’étant déjà rétracté automatiquement – super design, les gars. Mais ce n’était rien comparé à sa migraine carabinée et aux spasmes de son diaphragme qui contractait son estomac de façon répétée.
Laura ouvrit les yeux et découvrit un horrible brouillard lumineux et coloré en même temps qu’elle vomissait. Les muscles de son estomac se crispèrent, soulevant son torse de ses coussins. Son front heurta le couvercle, qui n’avait pas terminé de se soulever.
– Nom de Dieu…
Des étoiles de douleur rouge se mêlèrent au brouillard et aux formes floues. Elle se pencha sur le côté pour vomir de nouveau.
– Doucement, doucement, lui dit une voix.
Des mains lui agrippèrent les épaules pendant qu’elle rendait. Un bol en plastique apparut sous elle pour récupérer la majeure partie du liquide dégoûtant.
– Encore ?
– Quoi ? Grogna Laura.
– Vous allez encore vomir?
Laura ne put que lâcher un grognement, car elle aurait bien voulu, elle aussi, connaître la réponse à cette question. La moindre particule de son corps lui criait qu’elle se sentait mal.
– Inspirez profondément, reprit la voix.
– Oh, mon…
Vu la manière dont son corps tremblait, le simple fait de respirer lui était difficile, alors faire des exercices de yoga… Voix débile!
Vous allez bien. Les médicaments vont bientôt faire effet.
Laura déglutit, ravalant le liquide qui lui brûlait la gorge, mais, en effet, elle respirait un peu mieux. Elle ne s’était pas sentie aussi mal depuis des siècles. Soudain, une pensée désagréable quoique cohérente : Pourquoi mes implants bioniques ne sont-ils pas intervenus? Les minuscules machines moléculaires qui enrichissaient ses cellules auraient dû être en train de stabiliser son état. Elle plissa les yeux pour essayer de faire le point sur les lumières colorées, sachant que certaines d’entre elles étaient des icônes flottant dans son exovision, mais elle n’y parvint pas.
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