Maisons d’édition et périodiques au Québec
Le milieu de l’édition est particulièrement fébrile au Québec après la Deuxième guerre mondiale. De petits éditeurs prennent le relais des grandes maisons et publient une littérature moderne. Fondée en 1953 par Gaston Miron, la maison L’Hexagone met de l’avant une poésie dégagée des canons esthétiques et thématiques jusque-là en vigueur.
De nombreux périodiques nouvellement créés s’en prennent au gouvernement Duplessis. La revue Cité libre, où l’on trouve Pierre-Elliott Trudeau, qui sera premier ministre du Canada de 1978 à 1979 et de 1980 à 1984, privilégie le libéralisme réformiste qui met de l’avant les droits individuels dans le système fédéral, le laïcisme et la lutte contre les inégalités sociales.
Le journal Le Devoir, dont la création remonte à 1910, penche plutôt pour le néo-nationalisme qui défend l’affirmation de l’identité nationale et le vouloir-vivre collectif. Ce nationalisme diffère pourtant du celui de Maurice Duplessis, qui combat vigoureusement l’offensive centralisatrice du gouvernement fédéral. En 1954, il met en place l’impôt sur le revenu des particuliers, geste fondateur de l’état du Québec.
C’est dans les périodiques que commence à prendre forme une critique littéraire de plus en plus autonome par rapport à la littérature française. On y commente les œuvres publiées en reconnaissant leur caractère indigène et en les remplaçant dans une dynamique culturelle encore qualifiée de canadienne-française.
Dans les années 1970, le marché de l’édition est encore plus vaste. Livres, journaux et revues se multiplient. En effet, la prospérité économique, une scolarisation accrue associée à une demande grandissante de produits culturels locaux favorisent l’essor du milieu de l’édition. Des revues de toute nature, parfois éphémères, sont lancées dans le but de permettre la libre expression de toutes les tendances, depuis la création littéraire jusqu’à la critique universitaire, en passant par la pensée politique ou sociale.
L’affirmation d’une identité culturelle est prépondérante durant cette période. Tous les secteurs de la culture sont mis à profit en connaissent une activité sans précédent, aidés en cela par le régime des subventions qui favorisent la création, la diffusion et la promotion des œuvres québécoises. Bien que la littérature québécoise fasse dorénavant partie des programmes d’enseignement – du primaire au collégial -, et qu’elle soit lue par le public, bien que la chanson connaisse son âge d’or, que les productions cinématographiques soient présentées à l’écran et les pièces de théâtre dans les salles, il n’en demeure pas moins que le champ de la culture est le plus exposé à la domination étrangère.
La défense du français se fait sur la place publique et culmine dans le cadre des manifestations d’opposition au projet de loi 22 que cherche à faire adopter le gouvernement Bourassa et qui reconnaissait le français comme la langue officielle du Québec dans les faits, au-delà des déclarations symboliques. Or, à la lecture des articles, on constate que le législateur ne consacre pas la prééminence de la langue française, mais plutôt la possibilité d’un bilinguisme capable d’en occulter le caractère officiel.
Pour sa part, l’Association québécoise des professeurs de français (AQPF) fait paraître le Livre noir sur l’impossibilité (presque totale) d’enseigner le français (1971, André Gaulin, Aurélien Boivin et Gilles Dorion figurent parmi les auteurs de cet ouvrage), qui dénonce la précarité de la langue française au Québec.
(D’après Claude Cassista et coll. Littérature québécoise des origines à nos jours. Textes et méthode).
