La chanson

La chanson au Québec : les voix d’un peuple

La chanson allie divers procédés littéraires, souvent narratifs, privilégiant tantôt la musique, tantôt le texte, mais la chanson repose surtout sur la performance des interprètes.

En fait, l’oralité a longtemps été l’une des caractéristiques de la littérature : pensons au conte, à la légende ou à la chanson folklorique.

Conte et légende sont passés à l’écrit sans que ne soit prolongée la tradition orale. Par contre, la chanson s’est renouvelée, devenant plus littéraire, sans rompre pour autant avec ses origines populaires.

De toutes les formes artistiques, la chanson est probablement celle qui assure le mieux la cohésion socioculturelle d’une communauté et c’est pourquoi elle a traversé les siècles avec une fonction sociale spécifique plus que toute autre forme artistique.

On considère qu’au Québec, la chanson, longtemps associée au folklore, s’en est affranchie le jour où Mary-Rose Travers, dite La Bolduc, s’est mis à écrire les paroles de ses chansons et à en composer la musique. À cette époque, dans les années 1930, les chansons de La Balduc ont même été refusés à la radio, parce qu’on croyait que ces œuvres, représentant la chanson américaine, n’étaient pas d’un niveau intellectuel digne des ondes. Par contre, la musique latino-américaine n’était pas vu de mauvais œil et des artistes, dont la brillante Alice Robitalle, mieux connue sous le nom d’Alys Robi, ont interprété avec un grand succès des rythmes « latinos » (Alys Robi qui a bâti une partie de son répertoire sur la base de la musique latino-américaine, notamment, des rythmes brésiliens et mexicains, est devenue une vedette de la chanson populaire).

Un peu plus tard, dans les années 1950, la France comprend mieux les premiers chansonniers québécois, ainsi Félix Leclerc et Raymond Lévesque s’y produisent. Le style Leclerc est reprise tant au Québec qu’en France : un chansonnier seul sur scène avec sa guitare, le pied posé sur une chaise ou assis sur un tabouret. La consécration européenne de Félix Leclerc force la main aux diffuseurs et aux cabaretiers. Dorénavant, ils accordent du temps d’antenne ou de scène aux chanteurs.

À cette même époque naît au Québec le mouvement des boîtes à chanson qui marquera les années 1960. Les chansonniers s’attaquent aux thèmes universels de l’amitié, de l’amour, de la justice. Ce phénomène gagne en popularité auprès d’un public sensible au langage musical et à l’esprit de convivialité. On chante les nouvelles valeurs d’une jeunesse instigatrice des transformations en cours et ces petites salles à l’allure sympathique favorisent un contact intime entre les artistes et les spectateurs. Chaque ville possède sa boîte à chansons, tandis que la radio et la télévision offrent aux chansonniers une diffusion plus large.

La question nationale l’envahit et la chanson se fait le porte-parole d’un pays à connaître et à construire, comme le chante Gilles Vigneault. La chanson devient la forme artistique à laquelle s’identifie un large pan de la jeunesse de l’époque et elle a été de toutes les manifestations et rassemblements politiques organisés par le mouvement nationaliste. Bref, la chanson a contribué de façon déterminante à la prise de conscience de l’identité québécoise. Gilles Vigneault, Claude Gauthier, Pauline Julien, Raymond Lévesque, Claude Léveillée, Georges Dor, Robert Charlebois – pour ne citer que ceux-ci – deviennent alors, en quelques années de véritables vedettes et porte-parole des aspirations du peuple québécois.

Dans les années 1960, le rock’n roll fait la vie dure à la chanson. Des groupes, rivalisant d’originalité dans leurs costumes et dans leurs manières interprètent ou adaptent en français les grands succès rock. Avec l’Osstidcho, Robert Charlebois, chansonnier à ses débuts, intègre finalement les deux mondes : celui des boîtes à chansons et celui du rock’n roll. Charlebois révolutionne la chanson québécoise et lui ouvre la porte à une multiplicité de styles et de discours avec ses textes bien tournés, des costumes singuliers, ainsi que des prestations électrisantes sur scène. Au plan musical, l’artiste réussit la synthèse de deux styles différents (le groupe Beau Dommmage exploitera plus tard cette synthèse pour exprimer les préoccupations urbaines de la génération.

(D’après Claude Cassista, Roger Chamberland, Robert Lévesque, Jean-Pierre Myette, Jean Simard, Heinz Winmann. Littérature québécoise des origines à nos jours. Lasalle, Hurtubise HMH, 1996, 349 p.)

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Félix Leclerc, le Géant. Photo : © GrandQuebec.com.

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