V
La cinquième histoire de Yolène (légendes de Yolène)
Quand la légende protège les anges…
Cour des miracles
Copyright © Véronique Moisson
En ce jour de la transfiguration, le Sieur Fondu de Casquentôle sortait de chez l’armurier. Plein soleil dans les rues de Chinon, l’homme se pavanait sous sa carapace de métal.
Sur les hauteurs de la ville, une forteresse de tuf blanc narguait les âmes grises en contrebas. À la merci des colères du fleuve, dans leurs cabanes de bois, les gueux élevaient leurs chèvres, leurs volailles et leur marmaille. Ingénieux castors, ils construisaient leurs abris avec des matériaux glanés, volés. Certains effrontés cumulant les larcins, finissaient pendus avant leurs vingt ans. Des vols si dérisoires pourtant…
Deux mondes, deux lois. Une étrange frontière séparait le haut et le bas de la ville.
Sur les coteaux, dans les rues pavées, une cour fermée par un grand porche de bois marquait une intrusion parmi les échoppes animées et les hôtels des nobles. Aucune indication à l’entrée de la Cour des Miracles, une plaque de terre cuite finement modelée ornait la pierre d’un pilier. Le buste d’une femme allaitant un enfant, les seins dodus et blancs, honorait ainsi le lieu.
Églantine, surnommée la Fille de la Cour, veillait comme une louve sur cet asile de gamins abandonnés. En fin de matinée, la foule se pressait dans la rue et la jeune femme s’asseyait sur le haut du mur pour interpeller les passants.
– Braves gens de Chinon, entrez, entrez, le lait est frais. Six sous l’once pour vos petiots.
Du lait de femme. Goûtez-y, vous aussi, triste sire. Retrouvez le goût de la jeunesse !