Les frères Grimm n’ont pas créé leurs propres contes de fées !
Il est difficile de surestimer l’impact culturel des contes des frères Grimm, publiés à l’origine en 1812 sous le titre Kinder und Hausmärchen, ou Contes pour enfants et du foyer. Deux siècles après leur publication, ces histoires sont devenues le socle créatif de centaines (voire de milliers) de films, séries télévisées, pièces de théâtre et œuvres d’art — que ce soit par des adaptations directes ou des inspirations plus libres.
Mais même si des récits comme “Le Petit Chaperon rouge”, “Rumpelstilzchen” (Rumpelstiltskin) et “La Belle au bois dormant” vous sont probablement familiers, vous ignorez peut-être que les linguistes allemands Jacob et Wilhelm Grimm n’ont pas créé eux-mêmes ces histoires. Ils ont en réalité rassemblé des contes transmis par la tradition orale, certains remonterant possiblement à des millénaires.
Les deux frères ont commencé à interroger leurs proches et amis afin de collecter ces récits alors qu’ils étaient encore étudiants à l’Université de Marburg. Après avoir publié leur première compilation comportant 86 histoires, ils ont publié une seconde édition trois ans plus tard, ajoutant 70 nouveaux contes. La septième et ultime édition, parue en 1857, totalisait 211 récits.
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À l’origine, ces histoires n’étaient pas destinées aux enfants — nombre d’entre elles étaient violentes, sexuelles ou autrement classées pour adultes. Les frères Grimm souhaitaient en fait explorer le patrimoine culturel allemand, et ils ont d’abord présenté ces récits comme un travail universitaire. Cependant, avec l’augmentation du taux d’alphabétisation au XIXe siècle, les éditions suivantes ont expurgé une grande partie de la brutalité originale afin de séduire un public plus large, et notamment les enfants.
Aujourd’hui, de nombreux enfants découvrent les contes des Grimm grâce à Walt Disney, qui puisa dans ces récits dès 1922 pour ses premières animations. Mais Disney est loin d’être le seul inspiré par les Grimm — plus récemment, leurs histoires ont servi de matériau narratif à la comédie musicale Into the Woods de Stephen Sondheim, à la série télévisée Faerie Tale Theatre de Shelley Duvall, au film d’horreur fantastique Gretel & Hansel sorti en 2020, ou encore à la série NBC tout simplement intitulée Grimm, pour ne citer que quelques exemples récents riches en folklore.
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En fait, le nombre approximatif de langues et de dialectes ayant servi à traduire les contes des Grimm s’élève à au moins 160 !
L’autre grande œuvre des frères Grimm était un dictionnaire allemand.
Si l’on se souvient d’eux comme de sauveurs du conte populaire, à leur époque les frères Grimm étaient aussi des médiévistes érudits et des linguistes allemands très respectés. En fait, ils l’étaient à tel point que le modèle régulier de changements phonétiques. Allant du proto-indo-européen (l’ancêtre théorique de toutes les langues modernes) aux langues germaniques, se connaît aujourd’hui sous le nom de “loi de Grimm”. Mais leur œuvre la plus ambitieuse fut le Deutsches Wörterbuch (“Le Dictionnaire allemand”), commencé en 1838. Au départ, Jacob Grimm estimait qu’il compterait seulement quatre volumes. Puis il a relevé cette estimation à sept. En fait, il a pensé qu’il leur faudrait environ dix ans pour achever l’ouvrage.
Au final, il a fallu plus d’un siècle pour la publication des 32 volumes entièrement. Le dernier parait en 1961. Bien entendu, les frères Grimm n’ont jamais vu l’achèvement de ce projet colossal. Lorsque Jacob Grimm décède en 1863, quatre ans après son frère Wilhelm, il avait seulement terminé jusqu’à la lettre “F”. Son dernier mot était frucht, ce qui signifie “fruit”.
Fait curieux : dans la “Cendrillon” originale des frères Grimm, la marraine fée est un arbre. Illustration par Comet.