Paroisse de Saint-Vincent-de-Paul
La fondation de la paroisse historique de Saint-Vincent-de-Paul remonte à 1743, même si la fondation a été autorisée en 1740 de façon concomitante avec celle de Sainte-Rose-de-Lima. Saint-Vincent-de-Paul se détache donc de Saint-François-de-Sales en 1743. C’est alors, au confluent du ruisseau de La Pinière et de la rivière des Prairies, dans le secteur est, que se développe un hameau où s’installeront les premiers marchands, de 1745 à 1780.
L’importance d’un pont enjambant le ruisseau de la Pinière est telle que sa construction s’amorce en 1732, précédant d’un an le tracé des premiers chemins du roi sur l’île Jésus.
Le village se structure pourtant de part et de l’autre de l’église, en fonction des voies de communication. Il forme alors deux noyaux et les censitaires lotissent des emplacements de 1750 à 1850.
À l’est de l’église (le bas du village), les nouveaux arrivants s’installent le long de la montée Saint-François. Cette route relie les habitants de l’intérieur des terres à la rivière des Prairies. À l’ouest, c’est le chemin du Roi et la traverse vers Montréal qui attirent gens de métier et gens d’affaires.
Simon Hogue est le grand artisan du noyau à l’est, Pierre Rocan, la famille Sigouin et le notaire Césaire Germain développent la partie ouest, qui deviendra le haut du village.
Riche négociant, Joseph-Hubert Lacroix s’y installe en 1767 et se fait construire une résidence en pierre. En 1789, Lacroix, qui acquiert les terrains avoisinants, en vient à posséder un vaste domaine, ce qui mettra fin à l’expansion du hameau.
En fait, en 1806, Joseph et Michel Sigouin héritent du patrimoine familial – terre, maison et traverse. Passant de père en fils, la traverse des Sigouin demeure importante pour la région pendant les XVIIIe et XIXe siècles, favorisant les échanges entre les rives, non seulement pour la population locale mais aussi pour les gens de Lachenaie, Terrebonne, Mascouche et même pour les Montréalais. La côte à Sigouin sera d’ailleurs nommée « rue de la Traverse » par le ministère des Terres et Forêts, en 1970.
À partir de 1878, la mise en service de la première ligne de chemin de fer, devenue le Canadien Pacifique en 1885, vient toutefois concurrencer le travail des passeurs. En 1908, un terminus de tramways sera aménagé à la hauteur du Sault-au-Récollet pour répondre à l’achalandage de la traverse de Saint-Vincent-de-Paul.
À flanc de coteau au sud de l’actuel boulevard Lévesque, la fabrique décide d’ériger l’église paroissial en raison d’un panorama exceptionnel offert par ce site. Au XVIIIe siècle, sur le site on trouve l’église, le cimetière, le presbytère et le jardin pour le curé. À partir de 1854, avec l’érection de l’église de Saint-Vincent-de-Paul actuelle, l’aire sacrée passe du sud au nord de la voie publique, sur le site qu’elle occupe depuis lors. Le couvent, le collège et la prison se regroupant aux alentours, nombre d’artisans et de commerçants s’installent dans le voisinage.
Saint-Vincent-de-Paul devient le berceau de la prestigieuse école d’art de Louis-Amable Quevillon, dont le rayonnement s’étend au XIXe siècle. En effet, le village accueille, entre 1790 et 1830, à la faveur du mouvement d’émulation engendré par le maître, nombre de sculpteurs et d’apprentis. Ceux-ci vivront en communauté corporative, regroupés sur des terrains avoisinants. Le noyau dur de l’école compte quatre maîtres sculpteurs : Louis-Amable Quevillon, le plus illustre d’entre eux, Joseph Pépin, Paul Rollin et René Saint-James dit Beauvais.
Né à Saint-Vincent-de-Paul en 1749, Louis-Amable Quevillon fait ses débuts à titre de menuisier à 21 ans, comme ses frères Jean-Baptiste et François. Il quittera ce métier pour devenir sculpteur, en 1796. Quevillon doit sa vocation à son aîné, Philippe Liébert, qui œuvre entre 1775 et 1803 pour les paroisses Saint-Vincent-de-Paul, Sainte-Rose-de-Lima et Saint-Martin. La présence continue du grand maître dans les entourages de l’école en émergence influencera les réalisations de Quevillon et de ses pairs. Lorsque Liébert meurt en 1804, Quevillon prend le flambeau de son prédécesseur, jusqu’à son décès, en 1823. Pour suffire à la demande, il s’entourera de très jeunes apprentis, dont Paul Rollin, âgé de 14 ans, et René Saint-James, 18 ans, qu’il forme dans son atelier suivant le principe du compagnonnage.
À partir de 1834, la riche demeure bourgeoise de Charles-Clément Sabrevois de Bleury fait la renommée de ce domaine. Après avoir été le fief du seigneur Lussier en 1865, il devient la propriété du gouvernement fédéral en 1930, qui y construit un nouveau pénitencier dans le but de séparer les jeunes détenus des criminels endurcis. Ainsi, entre 1929 et 1932, les immeubles situés entre les deux institutions pénitentiaires seront expropriés et démolis, entraînant la disparition du bas du village.
Par la suite, depuis 1862, Saint-Vincent-de-Paul doit son essor économique à l’univers carcéral qui a pris racine dans le couvent des Dames du Sacré-Cœur, aménagé en prison de réforme. Le 1er janvier 1862, arrivent les premiers pensionnaires : 26 délinquants de la prison de l’Île-aux-Noix.
En 1871 la population internée atteint des sommets de 144 détenus. Inquiet par l’ampleur du phénomène, le boulanger Alphonse Lozeau stipule, dans son contrat de 1870, qu’il cesserait de fournir l’institution en pain bis si jamais elle était transformée en pénitencier provincial.
Dès 1872, la prison de réforme est transférée à Montréal, tandis que le gouvernement fédéral achète le bâtiment pour abriter un pénitencier. Pendant plus d’un siècle, jamais plus Saint-Vincent-de-Paul ne vivra sans son complexe pénitentiaire, qui remodèle à la fois le dessin et le destin du village. En effet, avec l’ouverture du pénitencier fédéral, destiné à recevoir les détenus de la prison de Kingston, le village entre de plain-pied dans une ère nouvelle.
Le 20 mai 1873, 119 détenus arrivent par bateau à vapeur. Sous la direction de François-Zéphirin Tassé, médecin de Saint-Martin, le pénitencier devient un microcosme où chacun est employé à une tâche précise. Au début du XXe siècle, on y compte près de 500 détenus. Malgré la présence de ce monde fermé, anonyme et souffrant, contenu par d’imposants murs d’enceinte, Saint-Vincent-de-Paul profitera largement des constructions et aménagements apportés aux établissements successifs. Les retombées pour le village seront énormes en termes d’accroissement de population – détenus, gardiens, visiteurs – de main-d’œuvre spécialisée et d’infrastructures urbaines, avec l’installation des systèmes d’aqueduc, d’égout et d’électricité dans l’enceinte de la prison et dans les rues voisines. Car le complexe carcéral se développera en un véritable réseau avec l’ajout de divers bâtiments : hôpital, ateliers, cellules, chapelle…
À l’aube du XXe siècle, Saint-Vincent-de-Paul inaugure de nouvelles activités destinées à mousser son développement. Un article du journal « Le Cultivateur », daté du 1er juin 1899, en fait la promotion : « En été, c’est un bel endroit de villégiature et, pendant l’automne, la chasse y est abondante. Les communications avec Montréal sont très faciles : le Pacifique Canadien y fait passer chaque jour quatre convois et les tramways électriques ont leur terminus tout auprès».
Pour en apprendre plus :
- Ville de Laval
- Saint-François-de-Sales
- Sainte-Rose-de-Lima
- Ancienne carrière de Saint-Vincent-de-Paul