Projet de barrage de la rivière des Prairies

Ce projet de barrage de la rivière des Prairies

Un groupe de capitalistes de Montréal et d’ailleurs projettent d’établir un barrage sur la rivière des Prairies, non loin du pont Viau, dans le but de développer un pouvoir hydraulique important. Déjà, les promoteurs de l’entreprise ont fait des démarches auprès des gouvernements d’Ottawa et de Québec pour obtenir l’autorisation nécessaire. L’administration fédérale a renvoyé la question à l’administration provinciale, qui, à son tour, l’a référée aux commissaires de la Cité de Montréal.

Ce sont donc nos gouvernants municipaux qui auront à décider en dernier ressort. Nous souhaitons qu’ils soient à la hauteur de la lâche et qu’lis voient à protéger les intérêts des citoyens, en cette affaire.

Le plan des capitalistes pourvoit à la mise en œuvre d’un montant de douze millions de piastres pour l’exécution de travaux susceptibles de fournir un développement de 49,000 chevaux vapeurs. Certes, il convient d’encourager dans la mesure du possible des industriels qui prennent l’initiative de créer un établissement de cette importance aux portes de la métropole, mais, d’autre part, les privilèges et les droits de la communauté doivent passer avant l’intérêt des particuliers.

Il est donc essentiel que la Ville obtienne toutes les garanties suffisantes que le nouvel établissement ne sera pas une source d’ennuis ou une occasion de dommages pour la Cité, mais plutôt une amélioration réelle. Le plus grand danger que le barrage projeté menace de causer à Montréal est, au rapport de nos ingénieurs, celui qui affecte notre système d’égout municipal, du côté de la rivière des Prairies. On calcule que la mise l’exécution du projet, tel que conçu, rendrait inutiles les dix ou douze décharges i d’égouts situées à cet endroit, et nécessiterait des travaux qui coûteraient trois millions. On le voit, la question mérite d’être soigneusement étudiée.

Les citoyens de la municipalité de Saint-Vincent de Paul, en apprenant qu’un barrage devait être établi dans les limites de leur territoire, se sont déjà adressés à la Législature pour lui demander d’insérer dans la charte accordée à la nouvelle compagnie des clauses protectrices de leurs droits. On estime, en effet, que la construction de la digue projetée élèvera de quinze à dix-huit pieds le niveau de la rivière des Prairies, à certains endroits, ce qui aura pour effet de causer l’inondation des terrains avoisinant la rivière. Les propriétaires ont donc raison d’intervenir pour être indemnisés des dommages qui leur seront causés. De même pour l’approvisionnement d’eau dont ont besoin les citoyens d’alentour.

La Ville de Montréal gagnera à imiter cet exemple. Certes, on ne saurait nier que le temps est plus propice que jamais de développer nos pouvoirs d’eau de manière à parer à la disette du combustible qui se fait de plus en plus rudement sentir. Mais il est essentiel que la compagnie, qui, à n’en pas douter, retirera d’énormes bénéfices de son entreprise, assume tous les frais occasionnés par son installation, à commencer par les dommages subis par le système d’égouts de Montréal.

C’est maintenant qu’il faut agir et se protéger. Quand l’établissement sera terminé, il sera trop tard. L’histoire municipale de la métropole nous offre trop de cas où les intérêts des citoyens ont été sacrifiés pour que les commissaires ne prennent pas, cette fois-ci, toutes les précautions voulues.

(Ce texte a été publié dans le journal montréalais La Presse, le 17 octobre 1918).

Pour en apprendre plus :

Barrage de la rivière des Prairies
Barrage de la rivière des Prairies en actualité. Photo de GrandQuebec.com.

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