Création de la ville de Laval

Histoire de la création de la ville de Laval

Le 6 février 1964, le ministre des Affaires municipales du Québec, Pierre Laporte, annonce la création de la Commission d’étude sur les problèmes inter-municipaux de l’île Jésus. Présidée par le juge Armand Sylvestre, la commission sera complétée par deux autres membres choisis par les parties qui s’opposent depuis des années, Le mandat de la commission consiste à faire l’état des lieux et à proposer des solutions aux problèmes constatés. L’échéancier est serré, la commission devant déposer un rapport préliminaire le 1er mai 1964.

Dès les débuts des travaux de la commission Sylvestre, les deux groupes qui s’affrontent déjà sur le terrain forment de véritables partis destinés à à influencer ses conclusions. Le maire de Chomedey, Jean-Noël Lavoie, fonde et préside le Regroupement municipal de l’Île Jésus qui comprend les maires de Laval-Ouest, Auteuil, Pont-viau, Saint-Vincent-de-Paul et Vimont. Quelques jours plus tard, les opposants mettent sur pied la Ligue d’autonomie municipale de l’Île Jésus qui rassemble la plupart des édiles des autres municipalités. Les fusionnistes sont d’allégeance libérale alors que les opposants sont plutôt associés à l’union nationale.

La première décision des commissaires et d’exclure de leurs travaux les villes de Laval-sur-le-Lac et Îles-Laval, sans doute pour éviter les pressions qui pourraient exercer leurs riches et influents contribuables sur le gouvernement du Québec. Les travaux de la commission sont menés rondement et un rapport préliminaire est remis au ministre le 8 juin 1964, à peine trois mois et demi après sa première session. Le rapport final est déposé en janvier 1965.

La commission Sylvestre rejette les arguments des traditionnalistes qui prônent un statu quoi amélioré, prétextant l’urgence des solutions aux problèmes reconnus par les deux partis. Elle laisse au ministre le choix entre deux solutions. La première, appelée « la solution d’avenir », préconise la formation d’un nouveau gouvernement supramunicipal avec autorité sur tous les domaines concernant l’île entière et de six entités municipales dotées de pouvoirs locaux. La seconde, dite « la ville unique », propose de créer immédiatement une ville regroupant toutes les municipalités de l’île Jésus, incluant Îles-Laval. C’est l’option privilégiée par les commissaires, qui semblent convaincus qu’une corporation intermunicipale chapeautant des municipalités souveraines est source d’interminables conflits.

Conscients que la recommandation de créer au plus tôt une ville unique risquait de heurter les sensibilités des contribuables, demeurés pour la plupart à l’écart des débats, les commissaires déconseillent la tenue de référendums locaux, prétextant que les électeurs seraient peu au fait de l’ampleur des défis posés par le développement de l’île Jésus. Les six conseils opposés à la fusion, qui craignent que celle-ci ne soit imposée, décrètent la tenue d’un référendum pour le 23 janvier 1965. Plus de la moitié des électeurs inscrits dans les viles de Fabreville, Laval-des-Rapides, Sainte-Dorothée, Saint-François-de-Sales, Sainte-Rose et Saint-Vincent-de-Paul participent à la consultation et se prononcent à 83% contre toute forme de fusion. Ce sera en vain.

Le 6 août 1965, l’Assemblée législative du Québec décrète naissance de la ville de Laval. Les quatorze municipalités fusionnées sont subdivisées en huit quartiers : Chomedey, Laval, Sainte-Rose, Vimont, Laval-sur-le-Lac, Saint-Martin, Duvernay et Saint-François-de-Sales. La charte d’incorporation de la nouvelle ville prévoit la tenue d’une première élection le 7 novembre 1965 et la formation d’un conseil intérimaire composé des élus municipaux des villes abolies. À sa première réunion, ce conseil choisit comme maire l’infatigable architecte du regroupement municipal, le notaire Jean-Noël Lavoie. Défait à l’élection de novembre par Jacques Tétreault, maire de Pont-Viau et adversaire résolu de la fusion, Lavoie devra laisser à celui-ci la tâche de panser les plaies et de jeter les bases de la nouvelle administration.

L’histoire de l’île Jésus, durant les deux premiers tiers du XXe siècle, illustre l’intégration de plus en plus grande de la région à Montréal, dont elle est devenue une banlieue au moment de la création de la ville de Laval en 1965. L’amélioration des infrastructures routières permet aux nouveaux automobilistes montréalais de s’établir sur l’île voisine où ils retrouvent la quiétude de la campagne après leur journée de travail. L’évolution se fait au détriment de l’agriculture. En effet, entre 1941 et 1966, la superficie exploitée par les agriculteurs et maraîchers de l’île passe de 90 % à 26 % et le nombre de producteurs chute de 926 à 393.

Quant à la population vivant sur les fermes, elle fond littéralement, passant de 25% à 1,8 % durant cet intervalle de 25 ans. Après avoir été le jardin de la métropole, l’île Jésus en devient donc une banlieue avec tous les avantages que cela comporte pour les jeunes familles qui constituent la majorité de sa population et les problèmes auxquels doivent faire face les administrations municipales.

(Par Jacques Saint-Pierre. Les régions du Québec. Histoire en bref. Laval. Les Presses de l’Université Laval 2011.)

Île Paton
Laval. Île Paton. Photo : GrandQuebec.com.

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