Le retour des héros

Le retour triomphal de nos héros

(Texte paru dans le quotidien La Presse, le 19 mai 1919)

Ils sont arrivés comme des soldats d’épopée : glorieux, fiers et gais.

L’histoire du courage, de l’honneur et de la vaillance pouvait se lire sur toutes les poitrines avec pour caractères : des croix, des médailles, des plaques, des rubans et des étoiles.

Jamais la population de Montréal n’a éprouvé un tel frisson qui aussi rapidement l’a conduite au vertige d’un enthousiasme sans précédent.

Le tiers de la population avait déserté le foyer pour se distribuer à la gare Viger, sur le parcours, à la Ferme Fletcher et aux casernes.

Il y avait comme un peu de soleil d’Austerlitz qui rutilait sur les baïonnettes des vainqueurs de Courcelettes, descendants de ceux qui avaient combattu sous Napoléon.

Le spectacle est une chose inoubliable. Plus de deux cent mille personnes formaient la haie qui attendaient le 22ième au passage.

Le cadre était admirable. Le pont, rue Notre-Dame, était, sur toute sa longueur, chargé d’une masse multicolore qui chantait et applaudissait. Le long des rampes, même foule. En levant les yeux, sur tous les toits, aux fenêtres, foule, foule.

Les heures d’attente

Pour distraire les milliers de gens qui attendaient, peu à peu arrivèrent les troupes des vétérans, les cadets, les rapatriés des différentes unités.

Plus de 18 bataillons étaient représentés. Puis, ce furent les Cadets du Mont Saint-Louis, unités écossaises, sociétés des vétérans, Sacs-en-dos, associations de secours, Boy-Scouts.

Les fanfares nombreuses jouaient des airs martiaux.

Les groupes officiels arrivaient à leur tour.

Le consul de France, M. Henri Poinsot, accompagné de tout son personnel et d’un grand nombre de membres de la colonie française, se trouvant là, séparés de l’autre groupe, profitant heureusement des circonstances pour saluer les soldats qui descendaient. L’autre train fut rapidement en gare, et les soldats descendaient peu après. Vers 11 heures moins un quart, tout était fait, et l’on attendait le départ.

gare viger de montréal
La gare Viger aujourd’hui. Photo : © GrandQuébec.com.

La réception officielle

Dans le second train arriva le général Tremblay, D. S. O., officier de la Légion d’honneur, souriant, fort efficace. Après lui venaient le lieutenant-colonel A. H. Dubuc, D. S. O., le lieutenant-colonel H. Desrosiers, le major DeSerres, le major J.- P. U. Archambault, le major Henri Chassé et le capitaine Ernest Cinq-Mars.

Dès que le général Tremblay parut, on lui offrit une gerbe de roses. Les officiers de l’état-major local et les officiers du 22ième échangèrent des saluts, et le maire Martin souhaita la bienvenue au nom de la ville. Le colonel Gaudet et le général Tremblay ouvrirent la marche, suivis par tout le brillant état-major des officiers présents et les citoyens distingués des comités de réception des différents organismes.

Sur les deux quais de la gare, 758 officiers et soldats attendaient la formation en parade pour filer au plus tôt,

Le soldat! Oh! Les braves gars! Tous avaient quelque chose sur la manche ou sur la poitrine : galons, étoiles, rubans, croix, médailles. Nous avons vu des manches avec cinq barres d’or, ce qui signifie cinq blessures. Tous ces braves, râblés, joyeux, blagueurs, se moquaient des civils, et sans forfanterie criant leur joie du retour après avoir fait leur bonne, très bonne part de la grande besogne.

Le départ de la parade

Puis le signal du départ fut donné. Les deux mille hommes de troupe qui formaient les vétérans et les cadets se mirent en marche, aux accents des fanfares de chaque groupe, drapeaux déployés.

Jusqu’à ce moment, la foule n’avait pas encore vu les héros qu’elle attendait et qu’elle était si anxieuse de voir. Les unités rapatriées défilèrent, puis ce fut les vétérans français, dont l’uniforme bleu tranchait avec ceux de leurs camarades; puis la garde d’honneur formée par le 41ième bataillon de la garnison locale.

Soudain, un commandement bref est donné par le lieutenant-colonel H. Desroisiers, et les baïonnettes sont fixées aux canons des fusils. Le défilé glorieux commence, alors qu’il éclate l’ovation d’une foule comme jamais on n’en a vue précédemment. Le défilé héroïque s’achemine par la rue Saint-Hubert, et disparaît dans la longue théorie des arcs de triomphe, pour se rendre au parc Jeanne Mance.

Ce fut un spectacle inoubliable que celui de la remise des décorations des braves, qui n’avaient pu les recevoir qu’après la signature de l’armistice. La cérémonie eut lieu sur le parc Jeanne Mance.

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