Retour des voiliers en 1942

Retour des voiliers? – Reverrons-nous les voiliers sur les sept océans du monde?

(Ce texte a paru dans le journal Le Soleil, dimanche, le 9 août 1942, en pleine guerre mondiale).

Note de la rédaction: — Le 15 juillet (au moment de la préparation de cet article) on a annoncé, à Washington la formation de l’Inter-American Navigation Corporation pour la construction de bateaux à voile, avec moteurs auxiliaires, pour le commerce interaméricain. On estime que ces bateaux pourront transporter un million de tonnes de cargaison et aider substantiellement à maintenir le commerce maritime interaméricain, principalement sur les routes de la mer des Antilles.

« Des bateaux, des bateaux, et encore des bateaux. » Ce cri qui retentit aux jours critiques de la première Grande Guerre, se fait entendre de nouveau. Comme il y a un quart de siècle, encore aujourd’hui — le sort du monde peut dépendre des bateaux. Et de navires, que seuls les États-Unis peuvent construire assez rapidement pour écraser les requins nazis.

Cette demande de vaisseaux peut ramener en Nouvelle-Angleterre — en très peu de temps — la poésie des mâts et des voiles

La chêne et la voile connurent une renaissance à l’époque de la guerre hispano-américaine. En 1917 lorsque l’amiral von Tirpitz, commandant de la marine allemande, donna ordre aux commandants de ses U-boats de parcourir les routes maritimes et de « couler à vue », cet ordre fut le signal de lourdes pertes pour le tonnage allié, on réclama encore à grands cris des bateaux de bois. En plus des coups que la marine marchande reçoit des U-boats, les plans de construction maritime du gouvernement sont sérieusement retardés par le facteur premier, les matériaux. Les livraisons d’acier et de machineries sont très en retard sur leur cédule.

C’est pour cette raison que l’on considère sérieusement la construction d’une vaste flotte de navires de bois, non seulement de chalutiers, de balayeurs de mines et de barques, mais d’embarcations capables de porter d’aussi lourdes cargaisons que les orgueilleux « Clippers” des temps jadis.

À Washington, la conviction est de plus en plus forte, qu’il faut agir et agir au plus vite si les Alliés veulent construire un tonnage de réserve assez considérable pour permettre des offensives de grande envergure en Europe et en Asie. Bien que le gouvernement construise deux navires marchands par jour, une analyse des rapports non officiels des pertes, prouve qu’entre le 14 janvier et le 24 juin, de cette année, les Alliés ont perdu 308 navires dans l’ouest de l’Atlantique seulement. Ce qui donne en moyenne une perte de 1.91 bateau par jour.

Beaucoup d’autres sont endommagés.

Mais ce chiffre est loin de représenter les pertes complètes des Allies sur La cote est des États-Unis. Ces 308 navires ne représentent que ceux qui ont été envoyés au fond de l’eau. À cette liste, il faut ajouter les transports des nations alliées endommagés par des torpilles et forcés d’être mis en réparations dans des cales sèches surchargées.

Pendant plusieurs mois, ces navires se trouvent complètement hors d’usage. Aussi longtemps qu’ils restent en réparation, ils se trouvent dans la même catégorie que ceux qui ont été coulés.

Le problème qui se présente actuellement, comme Washington l’a signalé à maintes et maintes reprises, ne consiste pas seulement à combler les pertes per de nouvelles unités, mais plutôt ci. construire «ne énorme réserve pour le transport de millions et de millions de soldats, des. armements et des munitions sur les fronts étrangers.

Jusqu’à présent, le gouvernement n’a fait que commencer à exécuter ce devoir fondamental. Admettant que les chantiers américains construiraient deux navires par jour depuis le 15 janvier, cela ne signifierait que 322 remplaçants pour les 308 navires coulés par les sous-marins de l’Axe Les partisans de cette idée d’une flotte de bateaux de bois ont soumis les faits précédents au contre-amiral Emory H. Land et autres officiels de la Commission maritime et de la War Shipping Administration, Il y. a six mois, lorsque le projet, d’une flotte de navires de bois fut présenté aux chargés de pouvoir à Washington, la nécessité de cette flotte n’avait pas encore été prouvée par les succès des U-boats de l’Axe dans le nord de l’Atlantique, dans le golfe du Mexique et la mer des Antilles.

De plus, le programme de construction régulière de la nation n’était pas encore suffisamment avancé pour permettre aux officiels de se rendre compte de la possibilité ou de la nécessité de considère- un tel plan.

Mais aujourd’hui la situation est bien différente de ce qu’elle était au premier janvier 1942. Jusqu’à ces jours derniers les constructeurs de navires remplissaient l’échelle de production fixée par le Président Roosevelt. Et tout indiquait qu’elle serait à son maximum en 1943.

Ouvriers habiles disponibles

Maintenant, une crainte, crainte bien réelle aussi, de l’industrie de la construction maritime est que le manque d’acier et de machine que vienne retarder la construction des navires. Déjà des ouvriers ont été remerciés dam un certain nombre de chantiers de la cote est.

Les partisans de cette flotte, en conférence avec les tètes dirigeantes de la Commission maritime et de la War Shipping Administration, ont suggéré que ces ouvriers soient employés à la construction de bateaux à voiles. On fit remarquer que le long de la côte du nord de l’Atlantique il y avait plusieurs petits chantiers maritimes en mesure d’entreprendre immédiatement, ce programme de construction.

Dans les chantiers américains ou les copeaux ont volé, ou les scies, les herminettes et les haches ont fait entendre leur harmonieuse musique, les hommes qui ont construit des embarcations de bols pour la guerre sont disposés a construire des bateaux à voiles.

Dans la construction des petits vaisseaux forts et résistants, du genre chalutier, aux flancs lourds et aux carrasses solides, pour les balayeurs de mines, les Américains ont prouvé au monde qu’ils n’ont rien laissé se perdre de l’art, de la construction maritime

La tradition de faire des navires résistants et durables s’est conservée dans la construction des patrouilleurs de mines. Ils n’ont, peut-être pas la beauté de leurs prédécesseurs, ils ont cependant des qualités qui charment l’œil. Ils sont courts, trapus, lourds et solides, et, sont bâtis pour résister au temps et, aux mauvais traitements. Les quilles sont de chêne ainsi que les gàbords, et les etambots sont de lourdes pièces carrées qui peuvent affronter la mer sans laisser entendre le moindre gémissement.

Les chantiers de la Nouvelle-Angleterre qui ont construit des balayeurs de mine sont en mesure de se charger de travaux plus importants tels que des bateaux à voiles de transport de toutes dimensions. Tout ce qu’ils attendent dans la région de Boothbay, de Rockland, de Camden et Bath. Me., et Exeter, Ipswich, Gloucester et autres points, c’est tordre de Washington de se mettre à l’œuvre.

Plusieurs constructeurs du Maine ont, de fortes provisions de chêne qui trempe. Ces entrepreneurs qui ne demandent qu’à se mettre au travail, expliquent « Le chêne n’a pas son pareil II semble avoir été tout spécialement créé pour servir sous l’eau.

Quelques-uns des chantiers maritimes au nord de Boston peuvent paraître petits, comparés aux immenses établissements produisant les fréteurs d’acier, mais ceux qui ont vu les balayeurs de mine savent qu’il n‘y a rien de faible dans l’équipement et les accommodations de ces chantiers américains.

Que les chantiers de la Nouvelle-Angleterre soient appelés à jouer un rôle prépondérant dans renfort de guerre du pays, très prochainement. On peut s’en rendre compte en considérant les remarques du sous-secrétaire du Commerce, M. Wayne Chatfield Taylor. Dans une récente édition du Foreign Commerce Weekly, il écrivait « …Au cours d’une guerre s’étendant, aux sept mers, il est évident que nous ne pouvons compter avoir suffisamment de navires d’acier, ni assez de combustible pour transporter et les marchandises civiles et les approvisionnements militaires ainsi que toutes les ressources essentielles a la guerre sur les continents éloignés.

Les officiels du département du Commerce suggèrent qu’une assez forte flotte de petites unités — 300 à 500 tonnes — soit construite pour prendre charge du transport commercial entre le golfe du Mexique et les ports des Etats-Unis et les ports du nord de l’Amérique du sud. Ces petits bateaux, suivant M Taylor. pourraient peut-être aussi servir ou transport de cargaisons de certains ports des Antilles Les cargaisons de l’Argentine et du Brésil à destination des États-Unis pourraient, par exemple, être déchargées a Trinidad et ensuite transportées vers le nord.

La plus grande partie du fret de ce pays destiné à l’Amérique latine en aval du canal de Panama serait, déchargé, à Trinidad pour être ensuite dirige vers le sud.

À l’appui de son programme, l’officier du département du Commerce déclare qu’il y aurait « suffisamment de transport par bateaux du Brésil seulement pour exiger plus de 7488 voyages de goélettes de 30O tonnes.

Partisans de clippers à moteurs

L’idée des vaisseaux de faible tonnage ne convient cependant pas aux partisans des gros navires de bois ils soutiennent que si le pays doit inclure des bateaux à voiles dans son programme de construction, ces vaisseaux doivent être construits d’un tonnage cinq ou six fois plus élevé que 300 à 5O0 tonnes recommandé par le sous-secrétaire du Commerce. M. Taylor. Ces vaisseaux seront aussi forts que les fameux clippers américains et munis de moteurs économiques dont on se servirait pour entrer au port et par temps calme.

L’agitation causée a Washington par la renaissance des voiles, font jaillir des vieux livres de bord oubliés, revenants des hommes de terre, les histoires de bateaux qui un jour portèrent la renommée de la Nouvelle-Angleterre.

Peu des œuvres de l’homme ont attiré une telle admiration que celle évoquée par le souvenir des vieux navires d’autrefois, imposante et intrigante production de des moteurs américains qui ont donné naissance à la vitesse sur l’océan.

Ces magnifiques navires – instruments parfaits dans les moindres détails du travail qu’ils ont à accomplir – pendant au delà d’une génération portèrent dans leurs voiles pour la suprématie des océans, et portèrent dans leurs flancs la fine fleur du commerce océanique. Ils étaient, naturellement construits de bois, et, ils représentaient le summum de la perfection dans la construction jamais atteinte par la main de l’homme.

Rapides et tenant bien la mer ils n’étaient cependant pas, comme plusieurs l’imaginaient, construits de bois mou En réalité, tous les navires étaient faits du chêne du Maine, souvent intérieurement renforcés de fer d’une manière compliquée et habile, n’ayant jamais été parfaitement imités par les constructeurs d’aucune autre nation. Ils étaient, néanmoins, légèrement construits avec beaucoup d’élasticité, e1 c’était précisément cette élasticité qui leur donnait cette suprême et, unique résistance a la mer et qui leur donnait leur grande rapidité qu’aucun autre bateau à voile na jamais pu atteindre.

Aucun autre bateau à voiles n’a atteignit jamais une vitesse de 20 nœuds et plus, et ne firent jamais 400 milles en un jour, comme ces vaillants clippers américains le firent, vitesse qui leur permit de battre et de maintenir tous les records.

C’est ce genre d’embarcations que les partisans des gras bateaux à voile réclament.

Au point de vue purement économique ces gros navires auraient de nombreux avantages sur les unités de moindre tonnage Dans le Maine — le royaume des chantiers maritimes depuis plus de trois cents ans — dans les collines non loin des chantiers se trouve le chêne blanc pour la charpente et les bordages et le pin blanc pour les ponts. Les mâts sont le seul problème que les constructeurs aient à envisager, parce que le bois d’Oregon doit venir de la côte du Pacifique.

Le pays a présentement beaucoup de bois et les experts déclarent que la bévue commue de la dernière Grande Guerre de construire avec du bois vert ne se répétera pas aujourd’hui. Il faut aussi considérer l’économie entre un navire mû par In vapeur et, ceux à la voile mus par le vent. Non seulement la force motrice est gratuite, mais très favorable en Amérique.

Naturellement, les partisans des bateaux de bois — les grands comme des petits admettent que, si attaqués, ils seront des proies plus faciles pour les U-bots. Cependant sous le couvert de la nuit, ils seront plus difficiles à localiser. Ils ne laissent pas des traces de fumée.

Voir aussi :

Voiliers de nuit.
Voiliers de nuit. Photographie de GrandQuebec.com.

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